Plus proche du roman de Rafael Sabatini d'après ce que j'ai vu que les versions suivantes, c'est plus un film historique et social qu'un film de cape et d'épée contrairement à son remake de 1952 (que j'adore).
L'histoire suit André Moreau, bâtard de son état, qui devient avocat et décide d'embrasser les idées révolutionnaires de son ami prêtre, tué par un noble débauché alors qu'il essayait de protéger les pauvres.
Sous le masque de Scaramouche, au sein d'une compagnie de saltimbanques, il va mener l'enquête pour retrouver le meurtrier de son ami, tout en soupirant d'amour pour la douce, tendre et noble Alice de Quercadiou, fille de celui qui l'a élevé.
Mais la grande histoire va rattraper la petite et les secrets vont être révélés alors que la Révolution bat son plein et que bien des vies sont en danger.
Rex Ingram est en grand faiseur de films. Un film muet de 2h, normalement, cela se sent passer. Hé bien celui-ci passe à la vitesse de l'éclair. Jamais une once d'ennui en ce qui me concerne.
L'Histoire et la géographie de France en prennent un léger coup (une demi journée pour faire Rennes/Paris) mais le film a tant de charme et d'intrigue que cela passe sans problème.
La révolution, la politique et l'aspect social ne sont pourtant pas aussi poussés à l'arrière plan du film comme dans la version de 1952 (qui n'est pas plus fidèle à l'Histoire d'ailleurs).
Au contraire, la Révolution, les idées révolutionnaires et l'implication d'André sont le moteur du film.
Le scénario n'est pourtant pas manichéen et, si l'immonde Marquis de la Tour d'Azyr est bien immonde, il n'est pas unidimensionnel. Tous les nobles ne sont pas non plus des étrangleurs du peuple et la foule déchainée des sans culottes fait peur à voir. Leur idéal est défendu par le film grace au personnage toujours positif d'André mais leur perte de contrôle est aussi mise en question.
Ramon Novarro, dont la carrière ne résistera malheureusement pas au parlant, est plein d'intensité et de passion. C'est un excellent acteur muet qui arrive à être subtil malgré la pantomime. Tout comme Lewis Stone qui joue à merveille l'infâme Marquis. A noter, M Stone apparaitra également dans la version de 52 dans le rôle du père adoptif d'André. La boucle est bouclée.
C'est Alice Terry, Mme Ingram en personne, qui incarne la douce mais pas mièvre Alice de Kercadiou. Elle aussi, malgré le jeu outré de la pantomime arrive à faire passer de subtils changements de jeu.
Les décors, les costumes, la réalisation, tout est de première qualité comme l'interprétation.
Il y a également de beaux duels bien orchestrés, rien ne manque, si ce n'est, peut être, une fin un peu plus musclée. Mais celle-ci correspond aussi au choix du film qui est moins un film de cape et d'épée qu'un film sur 2 conceptions du monde qui s'opposent.
Une très belle production, désuète bien sûr, mais qui fonctionne à merveille.