I scream de tous les dieux !
Dans les petits plaisirs de la vie version celluloïd, il y a celui de réussir à se faufiler dans une salle quand on a treize ans et que l'on devrait légalement attendre d'en avoir trois de plus pour voir le film. Il y a aussi celui de réussir à se boucher les oreilles et se cacher les yeux avec dix doigts tout en regardant quand même l'écran. Et il y a bien sûr celui de sentir l'appréhension monter jusqu'à sursauter alors qu'on sait pertinemment que le psychopathe /zombie/fantôme/autre est juste là, tapi dans l'ombre.
Wes Craven l'a bien compris depuis longtemps, explorant les mécanismes de la peur sous toutes ses coutures, que celle-ci soit insidieuse et perverse quand elle est distillée par Freddy ou qu'elle prenne aux tripes car étrangement contigüe à la réalité dans La dernière maison sur la gauche.
Avec Scream, en 1996, Craven entamait une saga qui allait tout d'abord relancer le concept de franchise dans le cinéma d'horreur pour ensuite introduire un aspect très second degré, parfois cynique, dans le traitement du genre. Mais si le film fut indéniablement un moteur, ce ne fut pas toujours pour le meilleur, loin s'en faut, au vu des productions profondément débiles qui nous ont été donné de voir à sa suite.
Au-delà de son rôle de précurseur, si la série Scream a su se démarquer, cela tient au fait que les films n'ont jamais eu comme ambition d'être des slashers qui foutent une grosse claque, seulement celle d'être des très bons divertissements mainstream. En ce sens, les deux premiers remplissaient parfaitement leur rôle et Scream 4 s'inscrit dans la même veine.
Dix ans plus tard donc, Sidney Prescott est devenue l'auteur d'un best-seller qu'elle vient présenter dans sa ville natale de Woodsboro. Elle y retrouve sa famille – ou plutôt ce qu'il en reste – ainsi que l'improbable couple, Dewey et Gale, menant une vie tranquille. Presque trop tranquille, à peine bousculée par la commémoration des meurtres de Ghostface par quelques lycéens tête à claques. Évidemment, il ne faudra pas attendre bien longtemps avant que le téléphone sonne et que la question fatidique soit posée : "Quel est ton film d'horreur préféré ?".
Reprenant les deux ingrédients principaux qui ont fait son succès, whodunit et slasher, le film se démarque cependant dès le début grâce au recul du réalisateur sur ses autres opus : mise en abîme avec la série des "Stab", films inspirés des meurtres, insistance volontaire sur les personnages un chouilla vieillis et fatigués, interrogation sur le passage entre la réalité de la violence et sa mystification par la nouvelle génération, etc.
L'introduction est d'ailleurs une vraie réussite, tout aussi hilarante que vecteur de la tension à venir, prouvant une fois encore, s'il est besoin, la capacité d'autodérision de Craven et sa parfaite maîtrise des codes du genre horrifique.
Codes qui seront disséqués minutieusement dans chacune des séquences de Scream 4 avec plus ou moins d'habileté. De Jigsaw à Leatherface en faisant un détour par Suspiria, Psychose et bien entendu Halloween, Craven passe en revue un pan entier du cinéma, rejoignant Scott Pilgrim vs the World ou Kick-Ass au rayon des films ultra référencés. Mais l'ingéniosité du film réside justement dans cette capacité à être extrêmement contemporain tout en gardant un œil dans le rétro d'une cinématographie passée, où l'on sent poindre la nostalgie des 70's.
Car point de meurtres tordus, de plans diaboliques ou de pièges sadiques dans Scream 4. Craven s'en tient aux fondamentaux : ça poignarde et basta ! On regrette un peu du reste le manque d'ingéniosité de Ghostface, qu'on a connu plus inspiré, ainsi que l'enchainement trop rapide de certaines scènes qui finit par leur enlever tout impact dérangeant.
Finalement, le rythme s'accorde avec la jeunesse dépeinte dans le film, abreuvée de You Tube, de Facebook, ancrée dans l'air de l'instantané. Alors un peu réac' le père Craven ? Même si la question est légitime, elle est vite éludée par le regard tendre qu'il pose sur ces fans de cinéma d'horreur qui ne sont plus seulement de jeunes geeks boutonneux, mais également des filles aussi sexy qu'intelligentes, à l'instar du vraiment très intéressant personnage de Kirby incarné par Hayden Panettiere.
De plus, quand on voit ses dernières productions, notamment les excellents remakes de ses propres métrages La Dernière maison sur la gauche ou La Colline a des yeux, on se dit que Craven a parfaitement réussi à tisser des liens intergénérationnels sans tomber dans l'excès de jeunisme, ni à l'inverse dans l'aigreur bornée. Et à défaut d'avoir de nouveau réellement peur au cinéma, on a de nouveau un très bon Scream. Ça tombe bien, c'est tout ce qu'on demandait.