Surtout connu pour son travail à la télévision, notamment la très bonne série Peaky Blinders, Steven Knight a aussi par le passé offert quelques bons scénarios pour le cinéma avant de lui-même commencer à réaliser ses films. D'abord Hummingbird, un polar mettant en scène Jason Statham dans un film plus "cérébral" qu'à ses habitudes mais qui se montrait trop timide pour marquer, puis ensuite il réalisa Locke, un exercice de style limité mais tenu qui brillait surtout par l'imposante performance de Tom Hardy. Après ça Knight a opéré un virage pour le moins assez radical dans son cinéma, se plongeant dans des scénarios de plus en plus exubérants. Il y a par moments dans son cinéma post Locke, une envie de développer des concepts de plus en plus barrés en témoigne principalement sa série Taboo qu'il a aussi faite avec Hardy. Et alors que le cinéaste vient signer son troisième film, il s'emploie à totalement embrasser cette exubérance et la mettre en image.
Dès son plan d'ouverture, Serenity n'essaye pas de cacher sa supercherie. Le film va nous tromper et il l'établit clairement lors d'éléments souvent appuyés dans la première partie du récit, ce qui en fait d'ailleurs sa plus grande faiblesse. Car l'intrigue de Knight avancera avec des gros sabots, et il ne parvient jamais à s'imposer comme un réalisateur suffisamment ingénieux pour emballer et vendre le tout. Entre des effets de mise en scène criards et totalement kitsch ou alors une esthétique globale très emprunté aux films noirs "kinky" des années 90, qui tire d'ailleurs plus vers le Color of Night que le Basic Instinct, on se retrouve face à un film au final peu incarné et qui manque d'un vrai regard pour instaurer une atmosphère concrète pour crédibiliser le high concept de l'oeuvre. C'est donc dans cette première moitié qu'il est facile de réduire le film à un bon gros nanar des familles car il devient assez aisé de sourire de certaines situations pour le moins ridicule. Mais dans son premier degré, c'est un ridicule que Serenity accepte et revendique. Qui fera même la moelle épinière de son propos.
Une fois le retournement de situation opéré, l'ambition de Steven Knight prend tout son sens alors qu'il raccroche les wagons de son récit à son propre cinéma. Knight a toujours parlé de personnages enfermés dans l'étroitesse de leurs propres univers, que ce soit le traumatisme de guerre dans Hummingbird qui enferme son personnage dans une violence perpétuelle ou le personnage pris au piège de son quotidien dans Locke. Ici le cinéaste poursuit cette thématique de façon plus littérale et limpide avec son attachant et pour le moins intriguant héros. Plus que jamais il parle de l'impuissance humaine et sa condition de pantin, l'homme n'étant qu'une machine formaté selon les codes imposés par la vie et qui cache ses ficelles derrière une conscience programmé. Ici il en fait d'ailleurs un parallèle intéressant entre l'humain et le virtuel, même si ce dernier est traité de façon un peu trop simpliste. L'ensemble arrive quand même à servir le propos et anime une deuxième partie surprenante, bien plus habile et moins bête qu'escomptée. Qui finalement nous met face à une oeuvre pertinente sur le deuil, le trauma et la conscience.
Alors certes, le retournement de situation est vraiment perché mais il arrive à fonctionner grâce aux questionnements qu'il apporte à son personnage principal qui lorsqu'il se rend compte de sa condition décide de l'accepter. Cela permet d'avoir un traitement original et assez peu vu pour un tel personnage, qui gagne en épaisseur et se voit hérité d'un développement émotionnel assez touchant. C'est un peu dommage que ce soit le seul personnage à exister au sein du récit, les autres étant enfermé par le high concept et ne servent que de fonctions étant assez vite évacués du récit. Cet aspect se justifie donc par le scénario mais handicap un peu le film par son manque de répondant, et surtout desserre les acteurs qui n'ont que très peu à jouer. Seul Matthew McConaughey fini par en imposer, que même si il garde ses tics de jeu habituel, arrive toujours à toucher avec justesse l'humanité de son personnage pour livrer une performance solide capable de vendre les exubérances du film. Car en soit on peut souvent rire des maladresses de ce Serenity, qui dans son retournement de situation possède un peu l'effet "Martha" décrié à Batman v Superman. A savoir une idée dont on préfère rigoler de sa grossièreté plutôt que de s'intéresser au sens qu'elle apporte derrière.
Serenity est un film tragiquement décrié par tous et qui pourtant est loin d'être une vraie catastrophe. Certes il enchaîne les maladresses à tour de bras lors de sa première partie, et cela n'est pas aidé par une réalisation peu incarnée et aux effets stylistiques ringards. Mais il se montre bien moins bête qu'il n'en à l'air et parvient à surprendre par son audace et ses ambitions. Véritablement parabole sur la condition humaine, Serenity déploie un propos souvent pertinent et même si il n'est pas toujours tenu, il arrive quand même à toucher sa cible. Grâce à un acteur principal impliqué, un scénario qui porte des thématiques solides et une deuxième partie surprenante, Serenity parvient à créer la surprise et se montrer pas aussi mal qu'on le dit.