Il est de ces films pleins de bonnes intentions mais qui se cassent la gueule à tous les niveaux.
"Serenity" souffre d'un double échec : il ne convainc ni dans la veine du polar/film noir classique, ni dans ses tentatives de twists méta à gros sabots. Résultat : il sombre dans le ridicule et la médiocrité.
La première chose qui surprend, c'est le casting XXL et son incompréhensible mauvaise exploitation. Matthew McConaughey est tellement monolithique et caricatural dans son rôle de vétéran brisé, alcoolique, toujours le regard dans le vague, la clope au bec et à la voix ridiculement grave. On se demande si on a bien affaire à l'acteur fin et complexe d'"Interstellar" et de "Dallas Buyers club" tant la régression est frappante. Ah oui, et il ne rate pas une occasion d'exhiber son corps parfait et impeccablement épilé.
Anne Hathaway n'a jamais été, à mon sens, une très bonne actrice, mais la caractérisation de son personnage est si faible que ce n'est pas avec ce film qu'elle contredira mon ressenti. Quant à Jason Clarke, il enchaîne tous les poncifs du mari violent, alcoolique (lui aussi), humiliant, sadique, beauf et libidineux, à mille lieux de la folie d'un Dennis Hopper dans "Blue Velvet".
On sent que Steven Knight essaie de créer une ambiance noire à l'ancienne autour de l'histoire de cette femme qui implore son ex-mari, capitaine névrosé d'un bateau de pêche, de jeter son horrible compagnon en pâture aux requins. C'est bête parce que le concept était intriguant, d'autant plus que Woody Allen avait déjà prouvé, avec "Le rêve de Cassandre", que thriller et ballades en mer faisaient bon ménage.
Certes, le choix de placer l'intrigue sur une île que l'on croirait coupée du monde est alléchant mais le réalisateur ne s'en sert que pour justifier ses (certes surprenants) twists, tellement énormes qu'il est difficile de continuer à regarder sérieusement le film passée sa (laborieuse) première heure. Sans spoiler, il est question d'une remise en perspective totale des personnages, de leurs rôles, de la nature de leur présence sur l'île, enrobée de sentimentalisme cucul la praline. Ah, et en prime, une morale bien ringarde sur la dichotomie entre réel et virtuel.
Le constat est amer : Steven Knight cite à outrance sans jamais parvenir à s'approprier ce qui fait la force des films de Lynch ou la malice des premiers Shyamalan et des films de Nolan. La récurrence d'un personnage en décalage avec l'environnement tropical de l'île (l'homme maigrelet en costard qui stallk notre anti-héros) ne suffit pas à insuffler du mystère. Dire que le personnage principal est un névrosé obsessionnel ne suffit pas à le faire ressentir, surtout quand celui-ci est joué par un McConaughey qui semble tenter de gagner le challenge de "celui qui plisse le plus les yeux". Un twist lourd comme un parpaing ne suffit pas à doter son film d'une dimension métaphysique, surtout lorsqu'il est accompagné d'une telle guimauve.
Tout est forcé, bancal, désespéré. Et c'est ce désespoir, ces tentatives, toutes avortées, de livrer un grand thriller, qui rendent "Serenity" attachant, comme un genre de nanar moderne, voire qui en font un cas d'école.
Evitez tous les choix du film, de la direction d'acteurs à la façon d'amener vos retournements, et vous ferez sans doute un truc pas dégueu..