Miyashita, un yakuza peu gradé, a soif de vengeance. Il veut faire payer celui qui est responsable de la mort de sa petite fille qui a été enlevée, violée et torturée. Pour ce faire, il est aidé de Nijima, un professeur de mathématiques impassible. Ensemble, ils parviennent à kidnapper et séquestrer un premier yakuza. Problème : il s’avère que ce n’est peut-être pas lui le responsable. Qu’à cela ne tienne, le duo en kidnappe un second. Mais là aussi, le doute subsiste. Finalement, le vrai coupable serait un certain Agata… peut-être…


Tourné en un mois, The Serpent’s path est le premier volet d’un diptique (le deuxième film étant Eyes of the Spider) sur le thème d’une vengeance liée au meurtre d’une petite fille (et dont un remake, filmé par Kurosawa et comprenant des acteurs français, est sorti l’année dernière). Chronologiquement dans la filmographie, il suit Cure, le film qui a fait connaître Kurosawa à l’international. Pour qui n’aurait vu que ce dernier de film, voir The Serpent’s path constituerait à n’en pas douter une surprise. Si on retrouve un certain glauque (par le thème, mais aussi la violence ou le goût de Kurosawa pour un Japon déshumanisé ainsi que pour de vieux entrepôts sales et désaffectés), le film se démarque nettement du précédent par un ton alternant sérieux et incongruité. Rien d’étonnant non plus quand on a exploré la filmo du réalisateur. Dès le début, dans ses deux films érotiques (The Excitement of the DO RE MI FA Girl et Kandagawa Pervert Wars), était en effet déjà présent un goût pour l’humour absurde.


Il faut donc bien avoir conscience qu’on se trouve en face d’un revenge movie particulier. Habituellement, dans ces films, le personnage principal suscite l’empathie du spectateur qui souhaite que la vengeance soit à la fin récompensée (ou qu’au moins un certain apaisement soit trouvé). Je ne dirai pas que c’est le cas ici. Miyashita a beau mettre un poste de TV en face des yakuzas attachés au mur pour leur montrer des images de sa fille, tout en scandant les terribles mots du médecin légiste qui a examiné le corps de la petite victime, on est surtout curieux de cette drôle d’association entre un yakuza et un professeur de mathématiques. Professeur qui d’ailleurs, dans des cours du soir qu’il dispense (précisons d’ailleurs que ce sont des mathématiques pour de vrais génies puisqu’il utilise des symboles qui n’existent pas), a parmi ses élèves une gamine qui évoque fortement la fille disparue de Miyashita. Forcément, le spectateur cogite, se demande si l’intrigue ne va pas rebondir, si la fillette ne va pas permettre de s’avancer un peu vers la vérité. Mais en fait non, Kurosawa sème des indices, des scènes étranges, des détails qui semblent n’être là que pour tisser des interprétations susceptibles d’éclaircir la brume.


Autant dire que le spectateur qui attendrait une réponse claire court le risque d’être déconcerté et de gémir à la fin, surtout après une ultime et brève scène de flashback épaississant encore davantage le mystère. Mais si l’on ne se sent pas d’humeur interprétative, pas grave non plus, on peut tout aussi bien se laisser porter par l’aspect ludique de la chose, et l’invention que met Kurosawa pour que chaque scène intrigue, amuse ou surprenne.


Assurément pas le meilleur film de Kurosawa, mais film très représentatif de son univers et, quand on prend en compte les conditions d’un tournage un rien commando, film un rien fiévreux et stimulant.


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il y a 2 jours

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