Jusque là je n’ai évoqué le cinéma d’animation en pâte à modeler que par le biais des studios Laïka depuis mon énorme coup de cœur en 2016 avec Kubo et l’armure magique. Mais pourtant ce style a un autre studio avec bien plus d’ancienneté que nos voisins américain : il s’agit bien sur des créateurs britanniques de Wallace et Gromit, les studios Aardman. Le nom m’est parvenu aux oreilles surtout pour leurs quelques collaborations avec Dreamworks Animation pour les films en stop motion tel que Chicken Run ou Wallace et Gromit : le mystère du lapin-garou durant la bonne période des studios de Shrek.


A ceci près que le studio, crée initialement par Peter Lord et David Sproxton il y a plus de 40 ans, ne vise pas principalement la prouesse visuelle et les voyages initiatiques avec leurs cultures explorées de film en film comme l’a souvent fait le jeune studio Laïka. Ils sont davantage axés sur la comédie grand public en faisant au pire dans le correcte comme avec le sympathique Cro-Man sorti l’an passé, ou au mieux en réussissant parfois de très beaux coup de maître. Ceux qui voient de quoi je parle penseront à raison à Wallace et Gromit : le mystère du lapin garou, ou aussi au très bon Shaun le mouton justement qui a eu son premier film en 2015 et est un dérivé de la très appréciée série animée.


Surtout que le premier film et bien sur Farmageddon qui y fait suite, mais en prenant une intrigue totalement différente et sans rapprochement avec le premier, s’impose une énorme contrainte supplémentaire : faire rire et divertir le public sans faire parler ses personnages et en jouant pleinement la carte du silence sur le plan du dialogue. Ce qui oblige inévitablement les animateurs, les scénaristes et l’équipe technique à concentrer bien davantage leurs efforts sur l’interaction entre les personnages, les décors, les expressions faciales et surtout à susciter l’émotion chez le public par l’image et le son.


Et cet entrecroisement entre E.T et une touche de 2001 l’odyssée de l’espace (une petite touche hein) est un très bel exemple de narration et d’exposition pour introduire n’importe qui dans cet univers campagnard et cartoon. En 3 minutes d’ouverture, quiconque reconnaîtra ou identifiera facilement Shaun comme le mouton malin et pensant de la bande, Bitzer le chien de berger autoritaire difficilement bernable, le fermier myope qui manque bien souvent les extravagances et anormalités de son troupeau ou encore le gros tas de laine Shirley qui l’objet d’un chouette gag repris de la série animée avec sa laine tellement épaisse qu’on peut y trouver tout et n’importe quoi, voire même s’y perdre.


Passé ces premières minutes et une séquence en vue subjective, le duo Will Becher et Richard Phelan qui succède à Mark Burton (crédité comme scénariste) et Richard Starzack introduisent un élément qui n’avait jamais énormément été à l’ordre du jour dans la série ou le premier film. La science-fiction avec l’arrivée de Lu-La : une extra-terrestre à la peau moutonneux, capable de reproduire les bruits et sons de tout ce qu’elle entend au moins une fois et facilement acceptée par la bande et Shaun au lieu d’être traitée comme une anomalie à écarter (vous le savez peut être pas mais les suites de films ou de BD avec des extra-terrestres et de la science-fiction : ça a souvent tendance à porter malheur, demandez au Gendarme de Saint-Tropez et à Astérix).


D’ailleurs durant le petit voyage de Shaun et Lu-La, c’est souvent avec eux qu’on aura le droit aux gags les plus inspirés et représentatif de l’humour british et paisiblement déjanté. Jouant tantôt sur la perspective de décor


(le panoramique se tournant sur un vélo contre un cabanon avec une poubelle en arrière plan, mais le duo choisissant au lieu de ça la poubelle)


, les décors en eux-mêmes et les éléments cachés (les rebonds de buisson en buisson), le détournement d’intention des personnages durant la réalisation des 400 coups de notre duo (toute la partie au market et les gamineries de Lu-La décrit déjà présente dans la BA est hilarante) mais surtout il y a également cette tournure en ridicule volontaire et assumé des enquêteurs sur la présence potentielle d’OVNI en mode "nous sommes des professionnels du domaine mais on ne peut pas être pris au sérieux".


Déjà l’impossibilité pour eux d’enlever leur costume jaune comme si leur vie était prostrée à l’intérieur, à tel point qu’on voit le cuisinier avec ce même costume anti-radiation avec une toque de chef de cuisine, c’en est déjà un bon argument à sourire tant l’aspect parodie est évidente mais ne se limite jamais à un seul gag étiré ou édaté. Tout est une accumulation de petit détail rigolo qui s’enchaîne à bon rythme


(le compteur d’OVNI découvert, la pancarte Base Secrète cachée par celui de la fausse station de lavage, l’anormale amicalité des gars avec Bitzer présent au mauvais endroit au mauvais moment et pris pour un alien)


, jamais en cédant à toute forme d’hystérie ou de caricature criarde, simplement en restant dans l’amusante moquerie de ce qui est montré.


Générateur d’idée plus d’une fois, Farmageddon est surtout actualisé techniquement parlant et sur le plan visuel avec parfois des petites idées de créativité plaisante


(Lu-La communicant avec Shaun en construisant un système solaire par lévitation avec les objets de la ferme à sa disposition)


, d’autres déjà vu mais utilisé à bon escient pour les scènes plus calmes et les pauses nécessaires quand le sérieux de l’enjeu central est sur le devant de la scène


(les souvenirs de Lu-La communiqué à Shaun et Bitzer par contact physique et lumière phosphorescente).


Là encore, comme pour tout film en Stop-Motion, il y a un gros boulot pour faire vivre cet univers originellement microscopique pour qu’il soit considéré à notre échelle.


Même si la bande à Shaun est très très relégué au second plan, les quelques moments qu’on partage avec eux restent également plaisante et inspiré en terme d’humour (bien que toute cette partie préparation au grand parc d’attraction sur les OVNIS devient une énorme anecdote avant le dernier tiers).


Modernisé pour le grand public mais en sachant être intemporelle avec son humour et son récit, musicalement aussi efficace que son prédécesseur et surtout très divertissant pour tous et toutes, Shaun the sheep 2 : Farmageddon fait facilement partie des plus grandes réussites animées de 2019 en étant un très bon exemple de narration, d’humour mais également d’émotion. Peut être aura-t-on également la même chance si la suite de Chicken Run se concrétise prochainement (avec le co-réalisateur de Norman chez Laïka, tiens donc).

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le 13 oct. 2019

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