Osons le dire: oui, on avait beaucoup aimé Shazam premier du nom !
À une période où les super-héros DC se prenaient à tout prix au sérieux pour se démarquer de la concurrence avec plus ou moins de succès, les premières aventures de Billy Batson, un adolescent se retrouvant un beau jour investi des pouvoirs de plusieurs divinités grecques, se mettaient à éclairer les cieux sombres du DCEU par leur bonne humeur et la fougue de ses jeunes protagonistes eux-mêmes fans des dieux modernes de cet univers.
Sur le modèle des longs-métrages Marvel, "Shazam" reprenait les codes d'un genre cinématographique (la comédie familiale) pour le mêler à la genèse de son héros, faisant de la question de la famille une thématique centrale qui se répercutait plutôt habilement à toutes les strates de son histoire, non sans une dose d'humour et d'émotion propre au registre dans lequel il cherchait à s'inscrire. À travers le parallèle entre la recherche d'attaches de Billy et son nouveau rôle de super-héros voulant s'affirmer, "Shazam" réussissait à faire entendre une voix résolument optimiste dans ce monde DC rempli d'esprits torturés, avec sans doute comme plus belle trouvaille en vue de fondre ces deux quêtes en une: l'apparition de la Shazam Family dans sa dernière partie.
Bien sûr, entre le premier film et cette suite, "Black Adam", antagoniste de Shazam, a fait son apparition dans un film solo sans son jeune rival champion à cause d'un Dwayne Johnson préférant frotter au plus vite son ego à la cape de Superman dans une potentielle suite (ce qui, on le sait aujourd'hui, n'arrivera jamais). Et le DCEU tel qu'imaginé -enfin plutôt improvisé- à l'époque n'est plus, le nouvel élan impulsé par James Gunn et Peter Safran laisse a priori de grandes interrogations sur le sort même de Shazam dans cet univers, cette suite et quelques films à venir n'étant désormais plus que des reliquats d'une page DC cinématographique déjà tournée.
Tous ces aléas ont donc amoindri considérablement les attentes générales autour de ce que peut délivrer "Shazam! La Rage des Dieux" (son départ plus que timide au box-office US en est la preuve et on est aussi bien sûr conscient que le premier film est considéré comme anecdotique par beaucoup, rassurez-vous), néanmoins, le secret espoir que David F. Sandberg réanime toute la sympathie que l'on a pu avoir pour la première apparition de son héros et de sa nouvelle famille demeurait bien présent.
Après nous avoir introduit à la menace des filles d'Atlas (Helen Mirren et Lucy Liu) venus malmener la Terre pour cause de revanche divine, il faut bien dire que les retrouvailles avec Billy puis avec toute la famille Shazam dans son ensemble parviennent à renouer avec les bonnes vibes de son modèle, notamment le temps d'une séquence où tous passent à l'action avec leurs personnalités spécifiques de grands enfants pour un résultat plus que mitigé auprès de la population locale... Problème, ces premiers sourires s'effacent vite pour laisser place à l'ennui devant une intrigue qui ne fait pas le moindre effort pour se démarquer de la routine dans laquelle une majorité de films de super-héros nous ont aujourd'hui enfermé.
Au milieu de péripéties et rebondissements hélas de plus en plus téléphonés sur la durée, ce deuxième opus tente vainement d'imiter son prédécesseur en y annexant de nouveaux tenants et aboutissants familiaux (le leadership difficile de Billy, sa nécessaire prise de responsabilité à l'approche de sa majorité, les divergences entre les sœurs ennemies) mais, cette fois, la magie n'opère plus, le film ne trouve plus le bon équilibre dans son métissage des genres et se contente de simplement les survoler jusqu'à les transformer en vagues prétextes servant la construction prévisible de son affrontement contre les sœurs divines. Pire, l'attachement que l'on pouvait avoir pour la Shazam family se met à fondre à vue d'oeil, la faute à un humour qui peine ici à porter ses fruits (on sauvera surtout le gag de la lettre, la réponse à une certaine apparition catastrophique du premier opus et la deuxième scène post-générique) et des personnages qui ne font que bégayer ce que l'on connaissait déjà d'eux sans retrouver le sel de leur union touchante d'orphelins. Bref, le vent de fraîcheur que l'on associait aux bons souvenirs de Shazam et de sa fratrie s'est clairement arrêté de souffler pour une triste indifférence devant un spectacle qui n'a aucune surprise à offrir.
À défaut d'une teneur encore une fois inédite ou d'une réalisation un minimum audacieuse (loin de là même), le dernier acte livrera au moins son quota de grand spectacle, où les clins d'oeil mythologiques se disputeront à quelques références (ça fait plaisir d'en voir une à Ray Harryhausen dans un film pareil, en plus de l'amour toujours affiché de Sandberg pour le cinéma d'horreur) au milieu d'une bataille ayant le mérite d'être plus ambitieuse que celle du précédent épisode et donnant l'opportunité à son super-héros de briller pour grandir... sans pour autant se défaire de son sourire d'éternel grand dadais et donner l'impression d'une réelle évolution.
La première scène post-générique a le mérite de donner des indices sur l'avenir de Shazam au sein du nouveau DCU mais, après un film aussi insignifiant, on ne voit pas trop comment le charme naïf qui avait pu entourer la première aventure de Billy Batson et de son alter ego à éclairs divins pourrait réapparaître. À l'heure qu'il est, il semble s'être définitivement envolé tel un vieux sachet de Skittles vide dans les pattes d'une créature mythique, balayé par le manque sidérant d'inventivité de cette suite. La foudre ne frappe décidément jamais deux fois au même endroit.