La décalcomanie et ses limites
Un film qui a plutôt été une déception mais paradoxalement aussi un moment important dans ma "carrière" de spectateur. En effet, grand lecteur de livres avec ou sans image devant l'éternel, (et notamment des comics de Frank Miller) je ne compte plus le nombre d'adaptations cinématographiques qui m'ont fait pester devant le manque de respect du bouquin, selon moi toujours pour de mauvaises raisons : soit pour faire vendre en trahissant l'esprit de l'original, ou bien parce que le réalisateur/producteur/scénariste n'ont tout simplement rien entravé à ce qu'il ont lu avant de concocter leur adaptation.
Arrive Sin City, film qui fait le choix à la fidélité absolue au comics d'origine. L'adaptation est faite en partie par l'auteur lui-même, l'esthétique est retranscrite à la perfection, d'innombrables plans découlent quasiment d'un décalquage de cases de Sin City version comics... et ça ne fonctionne pas vraiment.
Cinéma et BD sont bien des médias différents, même en y mettant à la base les mêmes ingrédients au final les deux oeuvres ne racontent pas la même chose. Il y a certes aussi le facteur acteurs qui joue : un Mickey Rourke plus en forme aurait sans doute pu donner plus de charisme à Marv ; mais même avec les mêmes dialogues, le Marv de chair n'aurait jamais pu être exactement le Marv de papier. Autre exemple avec la violence : présente au même degré dans le comics, elle ne produit pas du tout le même effet sur écran - à la fois un certain écoeurement devant une telle accumulation mais aussi une sensation de ridicule, un côté grand guignol que je n'avais jamais perçu dans la BD.
Evidemment au final la comparaison, inévitable devant le parti pris de cette adaptation, reste défavorable au film. Sin City le comics est l'oeuvre d'un des maîtres du genre au sommet de son art (même si la série s'essouffle un peu sur la durée), qui tire parti de toutes les possibilités d'un medium qu'il connait sur le bout des doigts. Le copier-coller au cinéma ne peut que donner quelque chose de moins bon. Reste une expérience intéressante, et une petite leçon pour moi : dorénavant, je tournerai 7 fois ma langue dans ma bouche avant de me plaindre des tâcherons qui n'ont pas respecté à 100% l'un de mes livres de chevet en le portant à l'écran.