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Singapore sling est à ma connaissance le seul film du réalisateur grec Nikos Nokolaïdis a bénéficier d'une légère réputation et visibilité en France peut être due à sa présentation en séance de minuit au festival d'Avoriaz en 1991, quand bien même il n'avait pas grand chose à y faire. Effectivement même si le film est une bizarrerie provocatrice avec quelques séquences gore son appartenance au genre fantastique et horrifique n'est pas du tout pertinente, le film s'orientant plutôt vers le film noir et le registre expérimental gavée d'humour noir.


Le film nous raconte l'histoire d'un détective privée à la recherche d'une jeune femme prénommée Laura dont il est éperdument amoureux. Son périple le conduit jusqu'à une maison habitée par une mère et sa fille complètement tarées qui vont le séquestrer, le violer et l'humilier tout en lui révélant la vérité sur cette mystérieuse Laura.


Si Singapor Sling est le nom d'un cocktail c'est aussi celui que les deux femmes vont donner à cet inconnu venu mystérieusement jusqu'à chez elles. Cet homme est donc un détective avec imper dont on entendra jamais la voix et qui rumine uniquement en voix off ses états d’âmes et ses préoccupations. Quant aux deux femmes il s'agît donc d'une mère et sa fille passablement allumées qui vivent et s'amusent de jeux de rôles incestueux et BDSM tout en trucidant à l'occasion quelques employés de maison comme un chauffeur qu'elles enterrent carrément dès le début du film. Le film bénéficie d'une narration décalée puisqu'en plus de l'unique voix off du personnage masculin, les deux femmes s'adressent régulièrement aux spectateurs, font des digressions et des apartés, semblent commenter le film et parfois reprennent trois fois de suite le même dialogue comme une comédienne cherchant la meilleure prise. Cette douce bizarrerie est encore renforcée par l'excellent jeu des deux comédiennes qui en font parfois juste un poil trop pour créer un effet comique, absurde ou inquiétant. La mère interprétée par Michelle Valley (Vue dans Canine) est une sorte de diva déjantée dont le langage et parsemé de phrases en français et sa fille est interprétée quant à elle par l’excellente Meredith Hold qui nous offre une prestation hilarante et touchante de jeune fille maladroite et nymphomane à la libido détraquée pratiquant toutes les pratiques sexuelles avec candeur et parfaire innocence. C'est dans ce décalage entre les horreurs qu'il montre et nous raconte et la légèreté avec laquelle les personnage le vive que Singapore Sling s'en va explorer parfois les tréfonds de l'humour noir et de la provocation comme lorsque la fille raconte d'un ton badin et nostalgique l'époque ou son père la violait à onze ans (Oui je sais ça pique un peu). Tout le film baigne ainsi dans une ambiance poisseuse de tension sexuelle, de domination mère/fille, de violence mais en restant le plus souvent très drôle, ce qui n'est pas un mince exploit. Et si je suis bien moins réceptif aux provocations du film à coup de nourriture et de vomitos, dans l'ensemble Singapore Sling ne se vautre jamais dans la gratuité pour bousculer son audience.


Singapore Sling est aussi un film visuellement très réussi avec un superbe noir et blanc, une ambiance assez intemporelle et des costumes qui ont cette étrange singularité que même sous les robes translucides, les frous-frous, les dentelles, les jupons et les tenus sexy les actrices donnent souvent l'impression d'être quasiment nues renforçant leur appétit pour le sexe et la luxure et leur impudeur. Si l'univers très étrange du film flirte avec le fantastique voir le cinéma gothique il est bien question ici d'un thriller à l'ambiance de film noir faisant maintes fois référence à Laura de Otto Preminger et conduisant de façon imperceptible Singapore Sling vers un semblant de tragédie. Car après nous avoir amuser, bousculer, agacer, étonner et fasciner, Nikos Nokolaïdis prend le risque de nous émouvoir en faisant glisser son film vers une fable désespérée autour d'amours impossible et le pire c'est que ça marche car Singapore Sling finit par nous toucher comme si d'un coup tout l'emballage se déchirait pour révéler simplement le cœur du film.


Singapore Sling est un véritable ovni cinématographique qui cultive toutes ses outrances pour finalement se révéler comme un film profondément sensible. Entre son noir et blanc magnifique, son ambiance étrange, ses actrices en constant dérapage contrôlé, ses fulgurances provocatrices et sa profonde singularité les raisons de célébrer cet étrange film sont donc trop nombreuse pour ne pas regretter que ce cinéaste et ce film soit à ce point méconnus.

freddyK
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le 3 avr. 2024

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