Dindon de la farce

Les shock force workers du titre anglais (udarnika en serbo-croate), sont l'équivalent yougoslave des Stakhnovs soviétiques. L'état manque de charbon pour faire tourner son économie et un concours est organisé entre les mines du pays pour accroitre la productivité. Une aubaine pour Adem et son équipe de choc de démontrer leur patriotisme. Explosant les records d'extraction, au mépris de leur santé, sécurité et vie de famille, le charismatique chef de cette bande va être érigé en héros de la nation par l'appareil communiste du régime de Tito.

En projetant à l'écran tout ce que les films de propagande de l'époque diffusaient mais surtout en montrant aussi tout ce qui était caché, le réalisateur dépeint un portrait morose de ces croisés de la houille. Les mises en scènes propagandistes se revêtent de ridicule dès que l'envers du décor entre aussi dans le cadre. Pour un individu mis sur un piédestal pour son abnégation (aller travailler bénévolement un dimanche pour la grandeur de la nation il faut le faire), dont les conditions de vie vont s'améliorer artificiellement à coup de tournées triomphales et de dotations matérielles vaines, combiens de mineurs encore en train de se casser les reins au fond des sombres boyaux, réprimandés parce qu'ils n'arrivent pas à faire de même.

La chute inévitable de cet Icare des profondeurs, dès qu'il s'approchera de trop près des hautes sphères du régime, met le dernier clou dans le cercueil. Le charbon est maintenant en surproduction et le héros d'autrefois retourne à ses wagonnets quotidiens.

Autant dire que le film fit un carton dans son pays natal où après une projection à la Biennale de Venise en 1972 il fut intégralement censuré et interdit de diffusion.

Déconseillé donc aux apparatchik yougoslaves et aux responsables HSE.