Critique : Smashed (par Cineshow.fr)
Un temps programmé en salles, c’est finalement en direct-to-dvd que Smashed de James Ponsoldt sortira le 6 mars prochain. Auréolé du prix spécial du Jury à Sundance 2012 et présenté au dernier Festival du film Américain de Deauville, ce drame d’une heure vingt raconte le combat d’une jeune institutrice pour sortir de son alcoolisme. Un sujet que l’on ne dira pas tendance mais actuellement déjà à l’affiche dans un autre style puisque Flight de Zemeckis aborde également la thématique mais dans un cadre moins intimiste (même si Flight n’est pas vraiment un blockbuster). Pour ce troisième long-métrage, Ponsoldt a fait appel à la talentueuse Mary Elizabeth Winstead (Scott Pilgrim, The Thing (nouvelle version), Boulevard de la mort, Die Hard 4) a qui revient la lourde tâche de s’immiscer dans la peau d’une enseignante bien décidée à mettre un terme à cette chute sans fond. Un rôle très complexe mais réellement pivot à cette œuvre misant absolument tout sur le personnage central et son évolution sur quelques mois.
Fort heureusement pour le réalisateur, Mary Elizabeth Winstead a travaillé, beaucoup travaillé même. Les rôles d’alcooliques sont peut-être parmi les plus compliqués car flirtent en permanence avec la ligne à ne pas franchir sous peine de perdre toute crédibilité et devenir une bouffonnerie. Souvent vu du point de vue masculin, le sujet de l’alcoolisme ordinaire est donc ici traité sous un angle assez nouveau à travers le regard de Kate, jeune femme fortement penchée sur la boisson et entrainée perpétuellement par son mari également fêtard. Une situation pas forcément très glorieuse qui devra être remise en question lorsque, pour garder la face devant sa classe, Kate sera contraint d’évoquer une grossesse pour justifier ses nausées en lieux et place de sa guelle de bois. Dès lors, la mécanique du drame qu’est Smashed se met en place pour nous proposer une véritable petite pépite sur les rapports humains mais surtout sur la volonté de s’en sortir. D’abord amusant, le mensonge évoqué par Kate devient vite un fardeau qui sera son principal levier de remise en question, avant qu’elle n’entame les séances aux alcooliques anonymes grâce à l’aide d’un de ses collègues. L’un des principaux atouts du film, c’est sa capacité à conserver cet esprit franchement réaliste sans jamais tomber dans un misérabilisme mal venu et un pathos outrancier. Qu’il s’agisse de Kate ou de son mari, chacun des protagonistes est présenté avec ses forces et surtout ses faiblesses, une peinture humaine parfaitement crédible donnant à ce drame une puissance évocatrice réelle, prenante et sincèrement émouvante.
Malgré un focus bien particulier du réalisateur sur son personnage phare pour qui il voue à n’en pas douter une véritable passion, et n’a de cesse de montrer la force morale qui l’habite par des petits rien, le film fait également la part belle aux seconds rôles certes moins présents, mais néanmoins essentiels à la bonne tenue de l’entreprise. Qu’il s’agisse du mari, jeune homme aidé par le soutien financier de sa famille mais totalement feignant, des membres des AA ou bien encore de la directrice d’école (d’abord meilleure alliée puis le déclencheur de la rechute lorsque la supercherie est levée), chacun reste dans le ton parfaitement juste de l’ensemble sans jamais tomber dans certains archétypes de personnages qui auraient pu faire sortir du cocon réaliste que le long-métrage parvient à maintenir. Malgré des temps de présence bien moins développés, ils forment l’écosystème proche de la jeune femme et jouent un rôle fondamental dans son évolution et dans son combat contre elle-même pour ne pas sombrer à nouveau.
Loin de traiter le sujet avec une attitude manichéenne, Smashed évoque de manière très fine la question de la reprise de contrôle de soi, quitte à briser certains acquis ou certaines relations. Ici, Kate devra renoncer à son couple, sort d’ancre la tirant inexorablement vers le fond, et perdre son emploi d’enseignante avant de pouvoir reprendre le dessus et tirer un trait ce qui représentaient une certaine période de sa vie. Grâce à la réalisation très propre même si sans grands éclats de James Ponsoldt, ne perdant jamais son sérieux, mais se laissant parfois aller à quelques digressions humoristiques du fait de l’état des personnages, Smashed fonctionne franchement bien et est sans aucun doute l’une des meilleures sortie en direct-to-dvd du moment. Bien loin d’être face à une énième version du drame sur l’alcoolisme, ce long-métrage qui aurait eu totalement sa place en salles doit comme évoqué énormément pour ne pas dire tout à la prestation de son actrice, splendide du début à la fin voire carrément bluffante. Mary Elizabeth Winstead signe ici clairement sa meilleure interprétation à ce jour, juste, émouvante et même charmeuse malgré des tenues vestimentaires peu soignées et une apparence sans maquillage. C’est vraiment très réussi et l’on ne saurait que trop vous encourager à découvrir Smashed lors de sa sortie, vous ne serez probablement pas déçu !