Snuff est un film dont l'histoire est sans doute bien plus passionnante encore que le film en lui même. A l'origine il y-a un film tourné en Argentine par les époux Michael et Roberta Findlay et intitulé Slaughter qui sort en 1971, le film très inspiré par la secte Manson et le meurtre de Sharon Tate ne marchera pas vraiment et tombera immédiatement dans l'oubli. C'est alors que le producteur Allan Shakleton entre en jeu, il en rachète les droit et décide d'y ajouter une séquence finale tournée par Simon Nuchtern (L'aube Sauvage) supposée être la véritable mise à mort non simulée d'une actrice par l'équipe de tournage de Slaughter. Allan Shakleton fait alors monter la sauce en présentant le film expurgé de ses génériques de début et de fin et comme un obscur film argentin sortant de nulle part à une époque ou justement la rumeur de snuff movie venus d’Amérique du Sud commençait à enfler aux USA. En parfait et fourbe producteur Allan Shakleton ira jusqu'à employer des comédiens pour venir manifester leur indignation contre son propre film et faire ainsi monter ce que l'on n'appelait pas encore le buzz. Résultat, le film s'offre une aura des plus sulfureuses, de nombreuses interdictions, de véritables manifestations hostiles (comme souvent par celles et ceux qui n'ont pas vu le film) , quelques billets verts et des tonnes de taglines publicitaires bien accrocheuses comme : " Le film que vous n'oserez jamais regarder jusqu'au bout" qui va accompagner sa sortie en VHS en France au début des années 80. Au final presque 50 ans après il ne reste plus grand chose de sulfureux de cette production américano argentine dont l'intérêt tient un peu plus dans l’œuvre oublié de Michael et Roberta Findlay que dans le bidouillage opportuniste mais lucratif de son producteur.
Snuff raconte donc l'histoire d'une bande jeunes filles qui vivent sous l'emprise d'un charismatique jeune homme et gourou se réclamant de Satan. Soumises à ses désirs de violences et de sexe , les jeunes filles se transforment en une bande de criminelles qui vont cibler une jeune actrice anglaise enceinte venue tourner un film.
Impossible donc de ne pas rapprocher l'histoire racontée par le film de la mort de Sharon Tate par la famille Manson en août 1969. Avant que les deux axes ne se rejoignent dans la tragédie, le film nous décrit en parallèle les agissement d'une secte mené par un gourou sataniste entouré de jeunes filles devant se soumettre à lui par le sexe et la douleur et les aventures plus légère d'une jeune actrice enceinte, accompagné de son réalisateur et qui retrouve son jeune et riche amant. Même si le film souffre d'un rythme pas très emballant et qu'il exploite de manière un peu opportuniste et douteuse un fait divers encore tout frais (pour rappel Slaughter date de 1971) le film de Michael et Roberta Findlay n'est pas vraiment déplaisant à suivre. Certes le comédien Enrique Larratelli en gourou n'a pas l'aura et le charisme de son effrayant modèle mais sa bande de jeunes femmes hippies, bikeuses, criminelles et sauvages campées par de très belles actrices argentines (dont la magnifique Margarita Amuchàstegui) fonctionne parfaitement à l'écran et nous offre quelques bons moments de pur cinéma bis. Le casting entièrement argentin et redoublé en post production est d'ailleurs plutôt bon et il faut le signaler puisque tous vont disparaître des génériques coupés de Snuff histoire de faire plus authentique et mystérieux. Globalement le film reste toutefois un peu soporifique et emmerdant tant il peine à faire monter crescendo une tension dramatique un peu plus palpable. On notera aussi deux trois séquences un peu étrange comme ce flic (interprété par le réalisateur Michael Findlay) qui mène ses interrogatoires avec un bureau est posé dehors à l'entrée d'une grange …
Quant à la fameuse scène finale qui transforme donc Slaughter en Snuff elle reste avant tout un formidable coup marketing de la part du producteur Allan Shakleton. Cette courte scène gratuite de torture porn fait taire la vieille devise qui dit qu'il faut le voir pour le croire, puisque dans le cas présent il suffit de la voir pour ne pas du tout y croire. Il faut en effet être bien naïf ou regarder la scène en fermant les yeux pour croire une seule seconde à ce sang bien trop rouge et à ses effets spéciaux bien trop rudimentaires pour faire vrai. Coup de couteau, doigt coupé à la pince, main tranchée à la scie sauteuse et éventration sont au programme mais rien ne fait pleinement illusion et la prétendue véracité des atrocités laisse place à un sentiment de grand guignol prêtant plus à sourire qu'à prévenir les autorités. Alors bien sûr la gratuité de la séquence, sa violence graphique, ce décalage soudain de la fiction vers la réalité et cette fin abrupt sans générique ni musique pouvait légèrement prêter à confusion, mais encore une fois impossible d'y croire. Pourtant à l'époque il faudra que la comédienne prétendue morte fasse quelques apparions et interviews pour rassurer les plus crédules des spectateurs et critiques. Voilà, cinquante ans après et en faisant se superposer de manière opportuniste un fait divers sordide qui marquera profondément l’Amérique et une tentative de surenchère de la violence emprunte d'un voyeurisme malsain le film semble tout de même nous interroger sur notre fascination pour la violence et le morbide. Si j'avais détesté le film lorsque je l'avais vu en VHS à l'époque j'en ferai aujourd'hui une toute autre interprétation (et cela reste une interprétation). Le spectre de l'existence du snuff movie n'est elle pas tout simplement la conjoncture d'une fascination pour les faits divers réels conjuguée à un amour étrange de l'horreur et de la violence graphique purement cinématographique et qui d'un coup ne ferait plus qu'un ? En tout cas de manière consciente et/ou opportuniste et accidentel Snuff synthétise à merveille ce sentiment.
Snuff reste un film bancal et bricolé dont l'exploitation un peu trop fraîche de la mort de Sharon Tate fait finalement bien plus polémique que son bidouillage horrifique finale.