C'est vraiment un objet filmique très étrange que ce Blood Beat ou Sortilèges sorti en VHS en 1983 et unique film d'un jeune réalisateur d'origine française au joli patronyme de Fabrice-Ange Zaphiratos. Comment après avoir scénarisé une petite comédie sentimentale française avec Roger Carel on se retrouve au fin fond du Wisconsin à tourner un slasher surnaturel et familiale se déroulant pendant les fêtes de noël avec un samouraï entouré d'un halo bleu fluorescent ? C'est une des nombreuses questions que pose ce film dont la finalité et la conception sont aussi insondables que son scénario.


Blood Beat nous raconte donc une réunion familiale pour les fêtes de noël dans une baraque un peu paumée aux fond des bois. Deux grands enfants débarquent donc pour rendre visite à leurs parents, l'occasion pour le fiston de présenter sa nouvelle petite amie. Immédiatement le courant est loin de passer entre la mère de famille mystique et artiste et la potentielle belle fille en laquelle elle perçoit une menace. Plus tard alors que les tensions familiales montent en puissance, un étrange tueur en combinaison de samouraï commence à décimer le voisinage.


Blood Beat, même si il a l'aspect d'un téléfilm fauché, tient plutôt bien la route en matière de mise en scène et même de direction d'acteurs. Le soucis c'est qu'il ne se passe pas grand chose durant les deux tiers du film dans lesquelles on assiste à une réunion de famille tendue, des parties de chasse et des dialogues d'une grande platitude existentielle. Il se dégage toutefois du film une ambiance un peu étrange et pesante que l'on regarde entre interrogation et circonspection. Puis arrive le fameux tueur samouraï qui objectivement n'a pas grand chose à voir avec le Wisconsin alors que paradoxalement l'ambiance un peu western du film aurait parfaitement convenu à un tuer amérindien. En tout cas à partir de cet instant, le film prend une nouvelle dimension, celle d'un cauchemar bizarre et un peu absurde puisque outre l'étrange concept de son tueur sortant du japon médiéval on se retrouve avec des objets qui volent dans les airs, la mère qui développe des pouvoirs psychiques à la Shining et une jeune fille qui a des orgasmes à répétitions à chaque fois que le tueur commet un meurtre. Après s'être mollement ennuyer durant 50 minutes on a vraiment la sensation étrange de s'être endormi et de se retrouver dans un cauchemar. Le film devient tellement insondable, étrange, parfois grotesque et incompréhensible qu'il en deviendrait presque angoissant, justement par la nature insaisissable de ce qui se passe à l'écran.


Durant son gros dernier tiers le film va multiplier les expérimentations étranges et surtout les choix douteux. Alors mettre un tueur samouraï dans un slasher rural américain pourquoi pas, mais pourquoi lui avoir collé une aura bleu électrique comme un halo de lumière, surtout avec un truquage vidéo aussi dégueulasse ? Pourquoi ce même samouraï semble avoir une vision à la Predator à grand coups d'images polarisées ? Pourquoi cette utilisation étrange de bruitages ridicules de dessins animés ou de vieux films de science fiction lorsque les objets se mettent à voler dans la pièce ? Pourquoi cette utilisation de morceaux de musiques classiques pas toujours en phase avec l'action au point de créer une décalage ridicule comme ce final plus apathique qu'épique au son du Carmina Burana de Carl Orff ? Pourquoi ces images du japon durant la seconde guerre mondiale qui tentent visiblement de rattraper au vol ce concept de tueur samouraï ? Pourquoi les personnages se retrouvent ils soudainement avec des pouvoirs étranges et des boules de lumières moches aux creux des mains ? Pourquoi les meurtres de ce tueur provoque t-il des orgasmes monstrueux à cette fille ? Et pourquoi moi je continue à regarder ce genre de film ?


Blood Beat laisse bien plus de questions qu'il n'apporte de réponse et c'est à la fois toute la (relative) force du film et toute sa faiblesse. L'inconfort de ne rien comprendre à ce cauchemar bizarre provoque une sorte de fascination étrange tout en provoquant plus volontiers le sourire moqueur que la crispation de l'angoisse.


freddyK
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le 13 avr. 2023

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