Soul
7.4
Soul

Long-métrage d'animation de Pete Docter et Kemp Powers (2020)

Prévu et calibré pour être le film Pixar de l'année 2020, puis recasté suite à la crise du Covid en une sorte de produit d'appel pour Disney+, Soul a un fort risque de se retrouver dans ces films Pixar dont tu te dis "ha oui, y avait celui-là" tant faute d'une sortie cinéma, les gens sont passés à côté. En vrai il aurait gagné à sortir à l'été 2021 mais bon, je fais pas les règles.


De loin, Soul pourrait être ce moment où Pixar est devenu très formuléïque, tant il ressemble un peu à Vice-versa (des petits personnages symbolisent ce que l'on a l'intérieur de nous) mâtiné de Coco (le monde des morts) avec une histoire d'inversion de corps et un côté blacksploitation (on suit un homme noir passionné de jazz, vivant dans un quartier noir de New York, et il y a même une scène chez le coiffeur, parce que toi-même tu sais) inspiré par le co-scénariste Kemp Powers. Et je ne peux pas donner tort à ceux qui en ont peur.


Soul est vraiment un film en trois temps (voire 4) : Une intro-pré-générique nous montrant la vie de Joe, son embarras à être professeur, son envie d'être musicien et son trépas accidentel au moment où il pourrait le devenir. Une première partie dans le royaume des morts où Joe et fait la connaissance de 22, une âme pré-natale qui n'a pas trouvée son but et qui fait très Vice-versa : c'est drôle, on a pas mal de symbolisme sur ce que fait de nous un individu et la notion d'âme est prise dans tous les sens possible : à la fois comme un élément moteur de l'être humain mais aussi dans ce qui nous meut. On voit un groupe de hippie qui fait couramment des voyages astraux et des gens qui ont littéralement "perdus leur âme" (exemple évident : les traders.)


Pour le coup, même si ça a des airs de Vice-versa, c'est quand même super créatif, notamment les employés du paradis qui sont sous la forme d'être en 2D tout plat ressemblant à des abstractions de Picasso.


Une seconde partie où


22 et Joe reviennent sur Terre mais 22 est dans le corps de Joe, et Joe est réincarné dans un chat. (Je préviens, le bâtard qui pose un chat sur moi si je tombe dans le coma aura mon fantôme qui viendra le hanter toute sa vie.) Le film devient une comédie d'échange de corps, avec ses poncifs (hu hu, le mec est devenu un chat et tout le monde pense qu'il miaule) et dans laquelle Joe est super énervant à vouloir son concert. Mais il offre de bon passages où 22 découvre ce que c'est que d'être humain et notamment les petits plaisirs de la vie.


Une troisième partie où


le film fait un peu le bilan de tout ça. C'est une sorte de grande conclusion où Joe a en apparence réussi à réintégrer son corps mais doit sauver 22 de la dépression (dans laquelle il l'a mise lui-même,connard) et qui offre vraiment son message.


L'OST est ... étrangement moins Jazz et Soul que prévu. Alors, certes, il y en a pour tous les passages sur Terre (notamment lorsqu'il s'agit de parler de l'art de l'improvisation en musique, sujet méga casse gueule à expliquer, sauf qu'ici, ça passe) mais dès que Joe entre dans le monde des morts, on a le droit à de la musique électronique avec quelque chose de plus éthérée. Etrangement, ça m'a rappelée musicalement le jeu vidéo indé Koloro, avec ses petites touches de piano qui apparaisse de manière sporadique. Ça aurait pu faire très cliché de "holalala, c'est le paradis donc je mets des notes de pianos qui font très ambiant" mais ça fonctionne. Encore plus bizarre, ce son a été composé par Trent Reznor... oui, oui, le fondateur du groupe de musique industrielle Nine Inch Nails.


C'est d'ailleurs ça qui m'impressionne et pourquoi j'ai fait passer ma note de 7 à 8 : c'est que le film est toujours sur la frontière du cliché ou du pathos très pontifiant mais il a l'intelligence de ne jamais le franchir. Alors, oui il y a des lourdeurs et des trucs très clichés mais lorsqu'il doit délivrer un message ou une réflexion il ne le fait jamais en le surlignant comme aurait pu le faire d'autres films.


Est-ce que je le montrerais à des enfants ? : Grande question.


Passé le film, ma copine m'a dit "purée, je sais pas si j'ai vu un film pour enfant" et pour le coup, à aucun moment je me suis posé la question. Alors, oui, s'il est "techniquement" regardable par des enfants (pas de gore,de sexe ou de politique) mais le film ne s'adresse pas vraiment à un public familial mais beaucoup à l'adulte habitué des productions Pixar. Oui, il parle des petits moments d'émerveillement enfantin mais pas du point de vue de l'enfant, mais de celui de l'adulte qui les redécouvre. (Le fait d'avoir comme protagoniste un adulte qui pourrait être dans la tranche 30/50 ans est très parlant.) D'ailleurs, ça a occasionné une discussion intéressante sur Twitter


Plus qu'un melting pop de ses thèmes, j'ai surtout l'impression que Pete Docter souhaite continuer une réflexion sur la vie commencée sur La Haut, continué sur Vice-Versa tout simplement sur ce qui fait l'être humain : ses passions (Là Haut) ses affects (Vice-Versa) et ici, son âme. On sent que le monsieur en a marre de faire des films "pour la famille"


Le film est très intelligent sur sa fin ouverte :


Que va faire Joe dans le "premier jour du reste de sa vie" ? (le film aurait tellement pu utiliser cette expression clichée... mais ne l'a jamais faite, bravo) Va-t-il continuer à jouer avec Dorothée même si la magie a disparu ? Va t-il rester dans son emploi de prof et accepter d'être en CDI ? (On a vu qu'il était un bon pédagogue) Va t-il faire les deux ? (ce qui était prévu à la base) ou se lancer en solo ? Le film ne l'explicite pas et c'est très intelligent, surtout qu'il fait dire à l'un de ses personnages que l'on peut avoir rêver d'une activité toute sa vie et en faire une autre, sans être mauvais pour cette seconde ou en être malheureux.


Possibilité de remake/suite : NON ! Si la fin est ouverte c'est pour une bonne raison. Si les producteurs nous montrent ce que devient 22 ou Joe après le film, (y compris dans un court-métrage) alors c'est qu'ils n'ont pas compris le film.


Le détail qui me titille : "Joe" rentre quand même dans pas mal d'endroits avec un chat là où ça aurait paru bizarre, voire interdit.


Suis-je le seul ? A avoir remarqué qu'il est fait deux fois mention d'une femme nommée Lisa sur laquelle Joe a "possiblement" un crush et que le film n'en dit rien de plus. Le film se paye le luxe de rejeter toute intrigue amoureuse, même ébauchée et dit même explicitement "on a pas le temps pour ça." Bien.

le-mad-dog
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le 3 déc. 2021

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Mad Dog

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