Il est dit et énoncé, depuis des temps immémoriaux, que le monde serait un vaste accord d'éléments, placés tous en harmonie par une force, un créateur, un médiateur.
Il est souvent difficile de savoir, dans la vastitude qui nous entoure, ou allons nous et vers quoi pouvons nous nous diriger.
Et finalement, ce n'est peut-être, en tout cas pas directement, la question qui sera ici la plus importante.
Je me demande encore aujourd'hui, quelle piqure de génie a pu frapper ce cinéaste russe pour mettre en œuvre tel métrage, à la délicatesse qui n'a finalement d'égale que sa violence.
Pour remettre un peu de contexte, Spiritual Voices, c'est une oeuvre de 5h30 réalisée par le grand Aleksandr Sokurov, autour de la guerre. Je ne m'attarderai en rien sur ce film, car je ne l'ai pas (encore) visionné. Je parlerai seulement de cette fantastique première partie, qui selon moi est une des oeuvres d'art les plus poignantes du siècle dernier.
En moins de 40 minutes, une des plus belles méditations sur le monde défile devant nos yeux, accompagnée du requiem de Mozart et d'un texte descriptif sur sa vie, et de même pour d'autres compositeurs de renom.
Sokurov signe ici une oeuvre à la portée politique, brute et juste, rarement égalée dans le monde du cinématographe, peut-être talonnée par Godard, éventuellement. Par un faux plan fixe, il filme le réel, l'impact, le manipule et montre tout ce qu'est l'essence du cinéma : le mouvement. Le mouvement de la musique, celui du soldat qui se déplace, du temps qui avance, et tout ce changement perpétuel, cette avancée universelle, dans un cadre fixe, immobile, à l'épreuve de la réalité tonitruante de la guerre et du conflit qui régnait à ce moment, à cette frontière. La frontière, comme barrière entre les Hommes et l'imperceptible, la musique pour élever l'âme, la nature filmée dans sa grâce impénétrable, nous éloigne de la triste réalité que vivait cette zone, et en même temps nous plonge dans un état de profonde contemplation. Bien plus qu'un documentaire sur la guerre, mais une étude de la nature, de l'humain, de l'univers, des conflits et des ententes, de l'éloigné et du similaire, et un film, qui est une preuve ultime de l'adage de Godard, L'art est l'exception, face à un monde construit sur des règles.