Avant de mettre fin à ces jours Tony Scott, devenu un des papes du film d'action, avait eu le temps film après film de montrer qu'il n'était plus le cinéaste potache de Top Gun et Jour De Tonnerre. Il avait eu la chance de suivre une pente ascendante quand d'autres cinéastes commencaient à décliner sérieusement sous le poids de l'âge et de la suffisance.
Spy Game se situe au tout début de la période de sa carrière durant laquelle Tony Scott va s'avérer être un excellent raconteur d'histoires d'une efficacité redoutable. Ce film est une sorte de charnière puisqu'on sent frémir le Tony Scott novateur en terme de mise en scène et en images qui sera un des premiers à faire des filtres un point de repère dans son cinéma. On retrouve également les accélérations et les ralentis, habituellement cause de migraines et de lassitude chez les autres et qui chez lui donnent du rythme à l'histoire.
Même si Brad Pitt est à l'affiche, on sent que Tony Scott commence à sortir de ses films qui ont fait se pâmer des millions de jeunes filles en fleur à travers les salles obscures du monde entier devant un Tom Cruise émail diamant. Son cinéma commence à grandir à mesure que lui commence à vieillir, il est de moins en moins dans l'esbroufe et le m'as-tu-vu. On passe des avions de chasse à une histoire d'espion de la CIA incarné par Brad Pitt, qui est fait prisonnier en Asie et que ses supérieurs veulent lâcher aux lions. Son mentor, Robert Redford va alors travailler en sous-main pour le faire libérer, quitte à perdre argent, sa crédibilité et sa retraite, c'est à partir de là et de la mise en forme de son film que Tony Scott va en partie assassiner son œuvre.
Redford dispose de 24 heures avant que son padawan ne soit exécuté, on l'imagine déjà prenant le premier avion pour voler à son secours, botter quelques derrières et revenir triomphant, lunettes de soleil vissées au visage, prouvant ainsi que non, le vieux n'est pas tout à fait mort. On pardonne les premiers flashbacks et flashforwards un peu inutiles et faits de souvenirs de la rencontre du maître et de son élève. Mais le temps passe et il devient compliquer pour Robert d'être dans les temps en Asie, Redford ne sort pas le nez de Langley et les flashbacks de peu d'intérêt se multiplient et son de plus en plus longs. À mesure que ce temps passe la frustration augmente et on comprend qu'il va falloir se contenter des quelques scènes d'actions, parfois musclées mais décousues qui jalonnent le film. Redford ne volera pas vers l'Asie et on la libération du jeune padawan sera expédié comme ces devoirs d'école qu'on n'avait jamais envie de faire.
C'est un vrai gâchis, en passant son temps à des aller-retours Scott morcelle son film et, passant d'historiette en historiette, s'avère incapable de conserver son rythme. On à l'impression d'assister au premier film d'action à sketch tant il nous ballade dans le temps et dans l'espace. Au final, son film est décousu et nous égare plusieurs fois et c'est d'autant plus dommage que son travail visuel commence à être vraiment maîtrisé. Ce film n'étant qu'une sorte de passage vers ce qu'il fera de mieux on oublie celui-ci et on passe à la suite.