Ce documentaire, très orienté, recense des archives précieuses à propos des discours de Staline et à ce titre, il est d'un grand intérêt, même pour le peu qu'il nous montre.

Le 11 décembre 1937, Le petit Père des peuples est applaudi par les électeurs de Moscou. Il demande en vain que ces applaudissements cessent. "Cela suffit maintenant ! ça va !" apparaît-il gêné. Nous sommes alors au moment des grandes purges où les communistes et ce qui ne le sont pas disparaissent subitement, le plus souvent pendant la nuit. Certains collaborateurs de Staline, ainsi que leur épouse, disparaissent à leur tour des photographies officielles... Comme s'il s'agissait de douleurs fantômes.

Le discours se situe dans le cadre d'une réunion préalable à l'élection du premier secrétaire du Parti, conformément à la Constitution Soviétique de l'URSS, présentée par le premier secrétaire sortant comme la seule élection démocratique au monde en novembre 1936.

"Que dire ?" si tout a déjà été dit. Lui, le fils d'un cordonnier géorgien pense venir après tous les autres camarades, comme s'il était caché derrière son humilité. Il n'aborde pas de thème, ni ne renseigne sur ces élections. Il reconnaît sa filiation léniniste et ne tarit pas d'éloges sur son prédécesseur. L'archive est coupée, montrant que chaque phrase est une complaisance applaudie.

A l'occasion d'un discours à la veille de la ratification de la Constitution de l'URSS de 1936, comme le résultat légitime de la révolution socialiste que la classe ouvrière, la paysannerie et l'intelligentsia est en droit d'attendre, il n'ignore pas les critiques de la presse étrangère laquelle pense que cette Constitution est une mascarade. Il vante alors l'existence d'une Union Soviétique épanouie, qui ne cesse s'élargir, il vante l'expropriation des capitalistes dans tous les secteurs économiques ; la productivité agricole a augmenté de 150 % depuis l'avant-guerre, la productivité industrielle de 700 %, le revenu national de 400 % sur la même période. Il vante l'abolition des crises économiques et du chômage ; il vante le droit aux loisirs, à l'éducation et au suffrage universel. "Des faits et non des promesses", martèle-t-il. L'archive est montée, laissant le chant populaire s'exprimer.

L'ère "naturelle, fulgurante et spontanée" du stakhanovisme devient alors le sacre de la pérennité du monde qui marche vers le communisme depuis 1935. Au mois de novembre 1935, à une sorte de remise des prix méritoires, Staline discourt à la première conférence des stakhanovistes sur l'abondance matérielle et de biens culturels pour un peuple riche et cultivé. La productivité soviétique concurrence la productivité des pays capitalistes. Mais faire cette comparaison est ridicule dans la mesure où le développement et la productivité ne sont pas des faits capitalistes. Cette productivité est une condition nécessaire pour la transition, déclame-t-il... "Chacun travaille selon ses capacités et reçoit un revenu, non selon le travail fourni, mais selon ses besoins" [...] "et seulement l'élévation du niveau de vie, culturel et technique des ouvriers jusqu'au niveau des ingénieurs pourra briser l'opposition entre travail manuel et travail intellectuel". Il ajoute que "Si le niveau de vie ne s'élève pas, si elle n'avait pas un aussi bon gouvernement qui prenne soin de sa classe ouvrière, nous n'aurions pas d'union" entre les intellectuels et les ouvriers, concrétisant ainsi le futur communisme dans le pays. L'archive est montée. "L'exploitation chez nous n'existe pas. Les ouvriers travaillent pour eux, pour leur classe et pour la société". "Si tu travailles bien, tu recevras davantage !" constitue la preuve ultime de cette course à la carotte dans laquelle les ouvriers ont, de tout temps, eu toujours à perdre un peu plus face aux dominants.

Held der arbeit ! Le pays aurait donc besoin de héros rationnel, à l'image de l'ouvrier simple Stakhanov qui balaie de son savoir-faire les anciens plans de production.

En mai 1935, Staline fait un discours dans le cadre de l'inauguration du métropolitain de Moscou. "Arrêtez de hurler et d'applaudir..." commence-t-il. Il s'en suit une remise de prix méritoires.

Au travers de ces discours, en dépit des montages et des morceaux choisis, quiconque peut découvrir que l'URSS de Staline n'avait rien du communisme qu'il prétendait, ne serait-ce dans sa considération de la productivité rationnelle et croissante ou dans la remise des prix. Le capitaliste Churchill était sur ce point admiratif en disant que Staline avait récupéré un pays à la charrue pour la laisser à l'ère atomique. Cependant, ce documentaire montre au sein des discours ce pourquoi les communistes luttent partout dans le monde, c'est-à-dire pour une société basées sur les besoins humains et sur le profit, pour la mise en commun et pour l'organisation planifiée de la production, pour l'élévation du niveau de vie via la culture, pour la répartition du travail entre toutes les mains sans perte de rémunération.

Puisque l'URSS était un pays ouvrier dégénéré, le communisme reste encore à créer. Cela en arrange bien certains réactionnaires de prétendre qu'il y a eu des exemples communistes dans l'Histoire, alors le meilleur moyen de le devenir est de demeurer sceptique sur ce documentaire, sur ce qu'on entend et d'apprendre du passé.
Andy-Capet
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le 7 févr. 2013

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