Toute saga a une fin : arrivés à un certain point d’essorage, les studios et leurs team de scénaristes ont trouvé la parade ultime pour provoquer un sursaut d’intérêt : venez quand même, c’est le dernier. On est conscients qu’on a tiré un peu sur la corde, mais avant de la fermer, on va pouvoir sortir les violons. Jusqu’à la prochaine. Avengers a explosé tous les compteurs avec cette recette, Star Wars aurait eu tort de se priver, d’autant que la franchise a un peu navigué en eaux troubles, entre des films parallèles annulés et un dernier opus qui a déchainé la foudre vengeresse des fans.


Face à toute cette promotion, alliée aux attentes crispées des rageux, j’ai récemment compris pourquoi j’aimais bien les épisodes VII et VIII de Star Wars. Parce qu’en fait, je m’en fous pas mal. J’ai vu les films, je les ai revus avec mes enfants, et les ai à chaque fois pris en tant que tels. J’ai détesté la prélogie pour l’agression visuelle qu’elle représente. J’ai apprécié les deux derniers en tant que blockbusters joliment mis en scène, mais sans chercher à questionner leur légitimité dans un grand ensemble mythologique qu’ils pourraient souiller par leurs blasphèmes. Et il y avait dans ces films une petite joie des retrouvailles pour une nouvelle génération qui était assez touchante, alliée à un sens graphique plutôt réjouissant.


Autant d’éléments qui semblent cruellement faire défaut à cette conclusion, qui semble totalement paralysée par le public auquel elle s’adresse. De la même manière que le dernier Avengers fonctionnait sur l’annulation des audaces du précédent, cet épisode est une laborieuse régression plus préoccupée de récupérer ses acquis que de réellement raconter quelque chose. Cette insistance pesante à convoquer toutes les figures d’autorité (jusqu’aux morts des épisodes précédents) en fait une galerie de zombies (les apparitions d’un Lando aussi essoufflé qu’inutile en témoignent) assez embarrassante, et la figure de Palpatine branchée de toute part comme une marionnette pourrait faire figure d’une mise en abyme involontaire du film, se connectant le plus possible aux racines de son succès pour un final qui convoquerait « tous les Jedi » contre « tous les Sith ».


Pour lier cette sauce pompière, empesée par une musique constante qui change, en cours de scène, de mélodie pour bien dicter les enjeux lyriques, comiques ou dramatiques de chaque image, les quêtes sont toujours aussi vaines (en gros, un jeu de piste intergalactique pour trouver une dague qui mène à une boussole qui mène au grand méchant) et le principe de marche arrière vaut aussi pour l’écriture : retour du casque de Kylo, retour d’une parenté pour Rey, résurrections multiples. Le public, infantilisé à outrance, est sans cesse pris par la main, rassuré, conforté, pour une expérience sans aspérités, où l’humour est détenu par un C3PO qui ne saoulent pas que ses compagnons, et l’esthétique elle-même semble inféodée aux 80’s qui ont vu naître le mythe.
Bien entendu, quelques morceaux de bravoure surnagent dans ce déluge épique : un joli combat allié à des vagues gigantesques, et la belle idée de voir cohabiter deux espaces lors des affrontements entre le couple ennemi, où les dégâts d’un lieu laissent des fragments chez l’autre. Mais la frénésie avec laquelle on enchaîne les lieux par sauts de puces (notamment à travers cette pénible et programmatique séquence de « ricochets » du Millenium Falcon) annule toute possibilité de savourer quoi que ce soit. En résulte un paradoxe douloureux, celui de s’ennuyer fermement face à toutes ces redondances, où deux personnages ne cessent de se confronter pour un final qu’on avait de toute façon anticipé avant même qu’il soit écrit.


Curieux constat : une mythologie ne devrait pas avoir à se préoccuper de celui qui s’en imprègne, mais conter simplement les histoire et les vérités qu’elle a à transmettre. Mais c’est oublier que dans notre galaxie, on fait payer les disciples.

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le 21 déc. 2019

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Sergent_Pepper

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