Le tour de Force

[Légers spoilers] Oui, j'ai adoré ce Réveil de la Force.

Avant toute chose, Star Wars a toujours fait partie de ma vie. VHS, éditions spéciales, remasteristations, prélogie... Au fil des années, l'univers Star Wars a toujours été pour moi le divertissement ultime, le conte moderne me rappelant l'enfant que j'ai été. Oui, oui, même la prélogie. Et malgré les considérations Disney-Lucasiennes, rien qu'à l'idée de pouvoir m'asseoir dans une salle de cinéma et découvrir un tout nouvel épisode d'une galaxie lointaine, c'est peu de dire qu'attente et excitation il y a eu !

Retour de Han et Chewie, retours des X-Wings, retour de la Force... En utilisant tous les codes et les figures de la trilogie originale, JJ Abrams pose les bases d'une toute nouvelle aventure diablement accrocheuse. Avec, et c'est bien ça la clé, des personnages attachants. Et de l'humour. Et des combats épiques... Bref, un nouveau chapitre complètement dans l'esprit de l'histoire Star Wars.

J'ai lu ici et là que le film était une "copie" de l'épisode IV, que le méchant était "nul", que "c'était pas crédible"...

Oui, le scénario a une structure fortement similaire à celle de l'épisode IV. Mais je n'y vois en aucun cas un inconvénient: tout est question de destinée dans Star Wars. Ne doit-on pas y voir les signes d'une histoire familiale qui se répète plutôt que d'une paresse des scénaristes ? L'air de rien, intégrer un nombre important de nouveaux éléments au sein d'une structure familière représente un véritable tour de Force. Certes il est question de plans dérobés, de droïde recherché, de base intersidérale détruisant des planètes... Mais il est aussi question de voyage initiatique, de moralité, de confrontation intergénérationnelle.

Mais par dessus tout, il est question d'une nouvelle génération voyageant à la recherche d'un mythe. "They're real". Nos héros voyagent au sein du mythe Star Wars et donc de ses codes, de sa structure. Quelle belle mise en abîme que celle-ci: de jeunes personnes ayant entendu parler des mythes des Jedi, de Luke Skywalker, du Côté obscur, partent à la recherche de cette mythologie et s'y trouve confrontée. Un peu comme le jeune spectateur étant rentré dans cette salle de cinéma 30 ans après le voyage de la génération précédente en galaxie lointaine... Ce film est un voyage au cœur de tout ce qui compose le mythe. Normal que l'on en retrouve la moelle.

Visuellement, le film est splendide. Et illustre à merveille l'idée de ce voyage à travers le mythe. Vestiges de croiseurs interstellaires, AT-AT échoués sur une planète de sable... Comment ne pas voir ici une allégorie du mythe endormi toutes ces années et qui va renaître de ses cendres, à l'image de cette scène d'anthologie de poursuite au sein de ces ruines. Épique.

Le conflit intergénérationnel évoqué plus haut est au cœur de ce méchant bien plus intéressant qu'il n'en a l'air. Tout comme les héros que nous suivons, Kylo Ren est quelqu'un de jeune, de la nouvelle génération. Et mal lui en a pris, sa quête du mythe Star Wars a viré à l'obsession. Pourquoi porte-t-il un casque ? Pas parce qu'il en a besoin. Pour être badass, pour faire peur. Un vrai comportement de petit con. Qui saccage tout dans sa chambre quand il est pas content. Et qui trouve ses repères dans une icône ô combien classe: Dark Vador. Ne me mentez pas, tout le monde kiffe Dark Vador. C'est quand même l'un des méchants les plus classes de l'histoire du cinéma. Kylo Ren le pense aussi. Et veut donc lui ressembler. Ses motivations profondes, on ne les connait pas encore. La mise en pratique qu'il applique, c'est celle à laquelle on assiste dans cet épisode VII.

Le voyage des "jeunes" au sein de Star Wars a lieu de chaque côté. Et quelle belle idée que ce Kylo Ren attiré par la lumière, à force de grandir. Associer le côté obscur à l'immaturité, voilà l'une des nombreuses merveilleuses idées de ce film.

Les héros, Rey et Finn, sont des personnes "communes". Un stormtrooper s'échappant de la masse. Une jeune solitaire rêvant d'évasion. Et inexplicablement (pour le moment), Rey se trouve être un vecteur de la Force. Oui, c'est du jamais-vu dans la saga. Oui, Luke avait, lui, eu besoin d'un début d'enseignement par Obi-wan. Mais où est le mal à être surpris par un pouvoir mystique dont on ne peut saisir que d'infimes ramifications tout au long de la saga ?

Par sa manifestation à travers le personnage de Rey, "Que la Force soit avec toi" n'a jamais été aussi lourd de sens. La Force est véritablement avec Rey. Et c'est bien ça qui fout les frissons. Un grand sage a dit "The Force is my ally...". Considérant cela, il n'y a aucun débat sur la crédibilité du combat Rey/Ren. La Force se réveille à travers Rey. N'oublions pas le titre de cet opus ! C'est bien l'événement extraordinaire de cet épisode. Et tout cela sur les notes d'un John Williams qui signe encore une partition incroyable. Ré-écoutez le thème de Rey si vous en doutez.

Certes, le film manque de quelques explications. JJ tombe un peu dans ses travers de showrunner lostien. Les enjeux politiques manquent de clarté (pourquoi la lutte continue-t-elle malgré la victoire de l'épisode VI ?), le grand méchant Snoke est une faute de goût numérique indiscutable dont on a du mal à saisir les origines. En vérité, peu d'explications sont données et nous devons compter sur un épisode VIII pour en obtenir... Un peu comme un certain Empire contre-attaque qui avait en son temps fait basculer la saga dans une dimension dramaturgique immense.

Oui, vivement la suite.