Formidable pudding offert à l'affamé(e) qui montre à quel point nous sommes dans une époque de tiraillement tant ce Réveil en est emblématique, à la fois techniquement jouissif tout en étant terrifiant dans certains détails de traitement. Niveau costumes, design, image, sonorisation, c'est presque le Nirvana pour le fan, La Guerre des Étoiles refaite avec les moyens rêvés, où tout est designé à l'ancienne comme l'avaient espéré les vieux pour la prélogie. Rien que pour ça, c'est déjà jouissif. Il y a bien cette fâcheuse tendance de J.J. à trop sur-cadrer et cutter pendant l'action, emprisonnant trop souvent des X-Wings qui ne demandent qu'un long plan large de plus pour s'épanouir totalement. Mais bon, il a lâché les lens flare, sait bien qu'un bon gros panoramique de paysage d'exoplanète fait son effet, et délivre quelques envolées de plans dynamiques remarquables dont il a le secret. C'est aussi un vrai fan jusqu'à l'os et ça se voit à chaque plan.


Évidemment, il ne se rend pas compte qu'il reprend beaucoup trop de références de la première trilogie jusqu'à copier une tonne de plans et de répliques pour assurer ses arrières quitte à annihiler la personnalité de son film mais il y a un moment de toute façon, soit tu es conquis et tu te retrouves dedans sans t'en rendre compte, soit ça ne fonctionne pas et tu maudis la reprise obèse de tous les thèmes de la saga.


Lucas était un conteur davantage qu'un scénariste mais sa manière de narrer La guerre des Étoiles était unique et imposait sa marque de fabrique alors que J.J. n'est ni un conteur, ni un scénariste mais un adepte de l'action. L'impression d'être dans autre chose qu'un Star Wars se fait sentir, la crainte d'être dans un rail d'action trop étriqué pour soutenir une histoire convenable à peine espérée. J.J. est aux commandes et ne sait pas s'arrêter comme d'habitude, ni ne sait dialoguer sans s'empêcher de mettre des blagounettes de désamorçage (des plutôt bonnes heureusement, il les a travaillé pour) qui empêchent toute dramatique de monter vraiment haut. S'il y a bien un point gênant dans ce nouveau Star Wars, c'est donc le niveau particulièrement simpliste des dialogues comparé aux tirades d'un Dark Sidious ou d'un Yoda. Ça, c'est mort.
Dark Sidious : "ta foi en tes amis est la tienne."
Snoke : "amenez-les moi !" équivalent d'un "tuez les tous !" de Azog...
La fable se cantonne aux arcs dramatiques généraux, les répliques sont pour la plupart entendues et ne poussent pas suffisamment de nouvelle dramatique, un approfondissement posé au fin fond d'un marécage ou d'un croiseur interstellaire par exemple. La géographie des lieux reste d'ailleurs assez accessoire tout comme le background de la République et du 1er Ordre. J.J. préfère peut-être en garder pour la suite mais que se passera-t-il lorsque même lui qui était le garant d'un film respectueux laissera sa place à un mec tel que Ryan Johnson ou pire, Colin Trevorrow ? Bon, Looper n'est pas nul, gardons espoir...


Mais d'autres moments d'émotion, nombreux, gonflés de nostalgie plein l'écran, font soupirer de plaisir et j'ai pris un énorme pied avec ces nouveaux personnages qui sont à fond et en veulent, heureux d'être là, heureux de créer du nouveau, heureux de contribuer à la saga. Daisy Ridley est remarquable dans son appropriation hargneuse du personnage de Luke et John Boyega qui sue un peu beaucoup certes, imprègne bien Finn d'une douce ignorance altruiste. On ne sait pas pourquoi, il faut qu'il sauve des gens. Une fille en danger, j'accours. Je décide de me casser, non en fait sauvons la fille ! Ce n'est pas très logique et pas tout à fait la même chose qu'avant mais c'est aussi ce quelque chose de différent qui fonctionne. Ce n'est plus une lutte contre le côté obscur mais une lutte pour croire en la lumière, un positionnement qui parle à notre époque où les armées obscurantistes gagnent du pouvoir. Kilo Ren est dans cette ligne, un jeune tyran qui prend pour modèle Dark Vador comme un djihadiste en devenir chérirait son leader suprême pour sa seule aura, *léger spoil * aveuglé en réalité car il n'a pas le niveau le pauvre novice et s'est créé lui-même une image idéalisée qu'il croit maîtriser alors que sa formation n'a été que partielle et précipitée, enfin j'ose l'espérer pour la suite. *léger spoil * Adam Driver est bien là, dans son personnage, et évite brillamment de tomber, là où c'était vraiment très, très risqué de ne pas faire une caricature. Le plus effrayant reste le leader suprême Snoke (quel nom à la con) tout droit sorti d'un Marvel. Quel design raté comparé au masque IIIème Reich à peine dissimulé de Kilo de Rennes. J'aime franchement ce masque étriqué, limite défoncé, et le travelling en contre-plongée qui va avec sa marche décidée, et sa position de corps aussi, imposant et fragile à la fois comme ses crises de nerfs qui montrent son manque de maîtrise. Et il vaut mieux croire à ça parce que Rey elle, maîtrise le tout comme personne, hop, escrime, Force, prouesses physiques, possession mentale, je te fais le tout au feeling sans un poil d'apprentissage. Sacrilège ? Peut-être mais la Force est avec elle. Et son BB8 est cool ! Quel sympathique sidekick que l'on aime aimer déraisonnablement d'autant plus comparé à Jar Jar de sinistre mémoire. Oscar Isaac est cool. Même avec un rôle de rien qui s'en va et revient, il parvient à être cool. Le capitaine Phasma est accessoire mais en même temps, à la base, Boba Fett aussi est accessoire. Ce sont les fans qui lui ont donné tant d'importance au point de le faire revenir.


Il y a bien un petit quelque chose de dérangeant à voir Harrison et Carrie être là pour pas grand chose, pour le potentiel de vente, quelque chose qui tue la réalité de Star Wars pour empiéter sur notre réalité temporelle. Leïa aurait pu ne pas être là et Han n'est plus au fond qu'un vieillard qui se remémore sa coolitude. Mais eux aussi participent à cette énorme vague de nostalgie comme en témoignent leurs regards attendris de tant de souvenirs, puisque eux aussi regardent la guerre des étoiles dans un miroir avec 30 ans de plus. Et l'émotion finit par y transparaître. Par contre, il faut absolument que Mark hamill se calme un peu parce que ses trois secondes à l'écran balancent déjà des sacs à patates. Regardez-moi ce lâcher de capuche au ralenti et ce regard sincère mais emprunt d'un "ouais, c'est moi les loulous, je suis bien là !"... Calme-toi Mark. Très dommage pour le plan circulaire final alors que le regard face à face suffisait largement. Les face à face sont biens d'ailleurs, chargés en émotion et heureusement.


Peu de sabres laser mais ça me va, c'est même une bonne idée de ne pas insister là-dessus là où la prélogie y allait gaiement en virevoltes impossibles. Là, on a un combat, ancré au sol, aux mouvements abrupts rappelant les premières heures de Luke et Dark Vador pour le plaisir. La Force n'est pas florissante comme dans la prélogie mais agonisante comme dans la trilogie, le sabre laser une relique, avec au milieu une gamine au potentiel de dingue.


Je ne sais pas comment il a fait mais je suis conquis. Le réveil de la Force est surement bancal mais bétonné de façon à ne pas s'écrouler et parvient à voler de ses propres ailes. J'aime la sincérité enfantine de J.J, je savais à quoi m'attendre et j'ai eu ce que je voulais et même plus. C'est bon de voir un blockbuster qui fait l'effort.


ps : mettre du Ragga Dub de l'espace dans la Cantina, c'est trop bien vu.

drélium
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drélium

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