L'hommage réussi d'une suite qui reste encore douteuse

(J'essaie de ne pas trop spoiler, notamment les éléments scénaristiques importants, mais je fais malgré tout références à certaines scènes. Donc si vous ne voulez RIEN savoir du film encore, mieux vaut s'arrêter-là.)


Septième opus d'une saga culte ayant définitivement bâti un univers devenu mythique, complexe et terriblement intéressant, cet épisode apparaît comme un hommage difficile à juger. Faut-il le juger comme un film à part ou comme la suite des deux précédentes trilogies ? Je ne saurais trancher et pourtant les défauts du film découlent selon moi de son inscription dans cette continuité.


J'ai apprécié le film en tant que tel ! Comme me l'avait fait remarquer un ami, il serait très intéressant de l'interpréter comme un reboot, quelque peu détourné des précédents. Si cela était possible, le film apparaîtrait alors comme ayant de nombreuses qualités et rectifiant les erreurs qui pouvaient avoir parsemé la saga. J'aimerais donc commencer par citer les qualités qui m'ont fait apprécier cet opus.


Tout d'abord, on retrouve un scénario d'aventure bien rythmé, introduisant des personnages simples et attachants. Dans la trilogie originale, Luke Skywalker, Han Solo et Leia réussissaient à nous offrir des héros simplistes mais propices au récit d'une aventure classique, dépaysante et divertissante. Le mercenaire était selon moi, le personnage le plus réussi des trois films originaux, et de loin. Leia incarnait quant à elle, une héroïne rafraîchissante, quelque peu agaçante par moment mais extrêmement moderne pour l'époque. Rarement les femmes avaient été présentées dans un récit comme des personnages aussi indépendants, investis et tenant réellement tête à leurs comparses du sexe fort. Et lorsque c'était le cas, c'était malheureusement bien trop souvent pour se reposer finalement lors des moments critiques sur les vrais héros. Luke Skywalker m'apparaissait à l'époque, et encore aujourd'hui alors que je viens tout juste de revisionner la saga dans sa totalité, comme le personnage le moins convaincant. Notamment à cause du jeu très irrégulier, parfois carrément médiocre, de Mark Hamill. Très lisse, le personnage par son développement scénaristique et sa transformation en Jedi gagnait malgré tout en charisme au fil des aventures jusqu'à finalement retrouver mes bonnes grâces. La psychologie des personnages se révélait totalement absente mais cela dans le but de mieux servir une épopée destinée à retrouver sa fonction de mythe destiné à tous les âges, à toute la famille. La seconde trilogie fut pour moi malheureusement gâchée par la nécessité scénaristique d'intégrer le développement d'une psychologie, celle d'Anakin Skywalker, basculant du côté obscur de la force. Si l'introduction de la psychologie des personnages n'était pas forcément une mauvaise chose en soi, bien que par nature on perde alors quelque peu l'aspect mythique accessible aux plus jeunes, la catastrophe se révéla par le traitement du personnage, une crime contre la Saga. Si la première incarnation d'Anakin en tant qu'enfant était des plus satisfaisantes, incarnant à la perfection, la pureté d'un enfant aux dons exceptionnel, son incarnation par Hayden Christensen transformait l'un des vilains cinématographiques les plus emblématiques en un sale gosse lunatique durant sa crise d'adolescence, enchaînant les colères ridicules, les incohérences, les choix complètement stupides et mû à ce point par ses caprices que la cohérence du personnage vola en éclat. Après avoir donc tant parler des qualités et des défauts selon moi des personnages de la saga, j'en viens enfin à ce septième opus pour mieux faire ressortir ses qualités par comparaisons.
A l'annonce du retour des acteurs de la trilogie originale, j'avoue avoir beaucoup craint leur introduction laborieuse au scénario, pour titiller la fibre nostalgique des fanatiques. Mes pessimistes anticipations furent cependant balayées à la vue du film. Han Solo, le personnage qui apparaît le plus dans cet opus revient en pleine forme, accompagné de Chewbacca et le duo apporte une touche de légèreté des plus plaisantes. Le vaurien, toujours aussi vaurien, ne s'est que très légèrement assagi et a finalement réussi à évoluer sans perdre son essence. L'alchimie entre le mercenaire et la grosse bête poilue dénote une complicité tout aussi savoureuse. Pleinement intégré au scénario, son retour permettra même une scène dramatique, qu'on voit certes venir, mais qui n'a pour moi pour autant rien perdu de son poids émotionnel. Cette scène est d'ailleurs assez représentative du talent du réalisateur pour intégrer de modestes mais très humaines touches d'émotions dans ce film, d'une manière probablement plus réussie que dans toute la saga jusqu'ici. Leia est un personnage qu'on voit moins apparaître, qui impressionnera moins, mais qui fait le travail d'une manière très convaincante. Femme vieillie, plus assagie que son vieil amour, marquée par la vie, le personnage apparaît moins marquant que dans la saga originale, mais à nouveau plus réelle, plus humaine, plus qu'un personnage en somme. Trop rare dans cet opus, j'attendrai le prochain opus pour me faire un avis sur le retour de Luke Skywalker. Un retour réussi donc pour les anciens, jamais forcé, toujours bien intégré dans un scénario, ils sont des véritables piliers scénaristiques qui n'en font pas pour autant de l'ombre aux nouveaux héros.
Venons donc à ces nouveaux héros. Deux apparaissent clairement comme le nouveau duo central dans cet opus. Rey tout d'abord, une jeune femme chez qui la Force est grande à l'évidence, apparaît pour l'instant comme l'équivalent de Luke dans la trilogie précédente. Personnage tout aussi simple et naïf, que ce dernier, il est pourtant bien plus réussi. Son écriture marque déjà une force et une indépendance de caractère assez agréable de la part d'un héros, ou plutôt d'une héroïne, et sa naïveté semble davantage venir de sa pureté que d'un manque de maturité comme pouvait parfois le laisser penser Mark Hamill par son jeu simpliste. Daisy Ridler est définitivement une actrice à suivre, elle exprime le naturel et la beauté de la simple pureté. J'avoue avoir céder à son charme et à ce naturel, enfin une incarnation du héros innocent mais jamais agaçant. Si le personnage ne présente en effet aucune originalité marquante, son incarnation du côté clair de la force sans être lisse me semble suffisamment réussie pour acquérir une touche d'originalité, ou du moins de rarement vue. Le deuxième héros évident, masculin cette fois, porte le nom de Finn. Personnage moins marqué et moins marquant, on retrouve cependant en lui la simplicité des personnages de la trilogie originale, personnalité claire et sympathique, bien incarné il est un personnage sympathique, apportant un peu de légèreté, pas autant qu'un Han Solo, loin de là mais suffisamment pour finalement n'être pas un personnage anodin ou pire agaçant. Sa scène d'introduction lui intègre quelques développements psychologiques simples mais pertinents à nouveau, faisant à nouveau resurgir une humaine moralité digne d'un épisode de Star Wars, bien que la philosophie morale des jedi prête en réalité à polémique. Construit en miroir de la première trilogie, si on peut a priori associer scénaristiquement Rey à Luke, Finn à Leia et Poe à Han, du point de vue des personnalités Finn serait finalement plus proche d'un Luke. Enfin Poe, que je viens tout juste de mentionner apparaît probablement comme l'autre membre du trio central de cette saga, j'ai beaucoup apprécié le personnage, pilote hors-pair, sûr de lui, désinvolte et charismatique, il m'a rappelé Han Solo par bien des aspects. Des trois nouveaux héros, il semble clairement celui ayant le plus de charisme. Malheureusement, sa présence ne sera pas très équilibré tout au long du film. D'où le doute qui persiste en moi, quant à son statut de personnage faisant partie d'un trio principal.
Enfin tout bon film reposant sur son méchant, il faut maintenant parler de l'agréable surprise qu'incarne à mes yeux Keylo Ren. Ses premières apparitions, avant les premières révélations à son propos, révèlent un personnage fort et marquant. Beaucoup ont, semble-t-il, été gêné de voir le visage sous le masque. J'ai personnellement beaucoup apprécié le traitement du personnage et son apparence. Vilain tourmenté, en proie aux émotions conflictuelles d'une jeunesse en quête d'identité, certains y verront un cliché ridicule, j'y vois personnellement la parfaite bien qu'inverse incarnation de ce qu'aurait dû être Anakin Skywalker dans la prélogie. Certes nous avons-là encore donc un post-adolescent, aux tourments intérieurs, mais qui semble crédible dans ce rôle quand Hayden jouait un rôle forcé qui ressemblait d'ailleurs davantage un petit enfant faisant des caprices qu'à un adolescent mélancolique et tiraillé. Il ressemble d'ailleurs même physiquement bien davantage à l'idée que je me faisais du Sith avant qu'il ne cède au côté obscur. A nouveau donc l'introduction d'une psychologie des personnages, somme toute fort simple mais efficace, dans cette nouvelle trilogie qui compense donc ce qui pouvait sembler un manque à la trilogie originale, et un raté dans la prélogie.


Le scénario lui n'a qu'un but introduire ses nouveaux personnages, une ambition finalement similaire à l'épisode IV et V, auquel il rend donc hommage. Beaucoup sont déjà revenus sur la construction en miroir de cette épisode. Ne cessant de faire référence à ces épisodes, de reprendre les éléments des précédentes trilogies, principalement l'originale malgré tout, je ne vais donc pas y revenir en détails. Je vais cependant mentionner le plaisir que j'ai eu à retrouver cette structure simple et familière, qui se fait cependant sans les quelques longueurs du Nouvel Espoir, et la mise en scène laborieuse des trois opus de la trilogie. J.J Abrams se repose donc certes volontairement sur le quatrième opus dans sa construction, mais le met en scène et le réalise avec un talent qui échappe définitivement à Georges Lucas. On ne s'ennuie donc jamais. On retrouve d'ailleurs enfin un jeu d'acteur beaucoup plus convaincant en grande partie grâce aux nombreux décors réels permettant aux acteurs de bien mieux se repérer et donc de paraître bien plus crédible. On découvre toujours les multiples paysages dépaysants, traditionnels de la saga. Sur ce point peut-être, on regrettera peut-être que l'hommage ait étouffer la créativité et qu'on ne soit finalement jamais surpris par les décors, aussi réussis soient-ils.


Bon, il va me falloir maintenant enfin venir aux véritables points noirs qui m'empêchent d'apprécier sereinement cet épisode, comme une introduction réussie à une nouvelle trilogie qui s'annonce très bonne. Si cet opus avait donc été un reboot, un remake détourné des trois films originaux, je n'aurais rien eu à redire, mais il s'agit d'une suite. Et par ce fait, l'introduction reste bien trop confuse et n'introduit finalement qu'à moitié. Beaucoup trop de points peuvent sembler incohérents, peut-être aurons-nous par la suite de solides réponses, mais pour l'instant le spectateur qui a vu l'ensemble de la saga et enchaîne avec ce septième opus se retrouve avec beaucoup beaucoup beaucoup trop d’interrogations en suspens. Les quelques réponses apportés ne font que soulever des pans entiers de scénarios encore obscurs. Pourquoi le fameux Kylo Ren, admirateur de Dark Vador, se tourne-t-il du côté obscur, alors que la fin de l'épisode 6 montre bien le Sith rejoindre le côté lumineux. Sans dévoiler le scénario, certains éléments rendent totalement incohérents le fait que Kylo Ren ignore ce fait. Le traitement de la force semble aussi totalement incohérent. Déjà le décalage entre la trilogie originelle et la prélogie présentait une force amoindrie dans la première par rapport à la seconde. On pouvait cependant imaginer que la force était alors de toute façon en déperdition depuis l’avènement de l'empire. Mais après la fin de l'empire, et surtout après avoir vu la prélogie, on s'attend à retrouver enfin des personnages maitrisant réellement la force et nous permettant des combats bien plus dynamiques, des effets de télékinésie impressionnants.... Un jedi ou un Sith est censé être bien au-dessus du commun des mortels, qui ne pourraient guère résister plus de quelques secondes à ces êtres aux pouvoirs et aux capacités guerrières hors-du-commun. Et pourtant, Kylo Ren qui dans la première scène apparaît maitrisant de manière relativement impressionnante le côté obscur de la force, semble peiner plus tard face à Finn maniant le sabre et n'ayant absolument pas appris à maîtriser la force, ( Peut-il même la maîtriser ? J'espère bien sinon, de nombreuses incohérences sont à rajouter au film) le combat contre une novice découvrant à peine la force se révèle aussi ardu, alors que notre vilain a lui, quelques années d'expériences derrière lui. Certes, blessé, certes n'ayant pas terminer encore totalement sa formation, il est loin d'être au meilleur de ses capacités, il n'empêche que les résistances qui lui sont opposés ne semblent pas compatibles avec tout ce que l'on sait grâce à la prélogie de la force.
Plus globalement le gros problème de cette trilogie est de nous perdre totalement dans son contexte géopolitique. Certes, on se retrouve en terrain familier à retrouver les restes d'un Empire dans ce First Order, les restes de la résistance que l'on connait bien aussi. Mais plusieurs décennies après la chûte de l'empire ? Luke présenté comme un mythe de son vivant seulement trente ans après la fin de l'empire ? Et encore on devine que la tentative de création ratée d'un nouvel ordre jedi appris de son début à son échec un certain nombre d'année, et qu'il ne s'est exilé finalement, il y a maximum vingt ans. Il faut beaucoup plus, pour créer un mythe... Tout cela n'est pas logique et nécessite des explications. Que des mystères soient gardés sur les personnages, leur identité etc., pour mieux nous être révélés par la suite, pourquoi pas ! Mais il faudrait au moins qu'on comprenne où on en est. Paradoxalement, le quatrième épisode, venu en premier, nous posait un échiquier politique assez clair alors qu'on ne connaissait alors rien de l'univers présenté. Ici, la nécessité de combler une ellipse entre un univers connu qu'on retrouve, est contrecarrée par une obscurité totale. Pourquoi parle-t-on encore de « résistants » ou « rebelles » alors que l'empire a été dissous ? Pourquoi sépare-t-on ces derniers de la nouvelle république, comme deux entités semblant alliés certes mais différents. Pourquoi ne pas commencer à nous présenter quelque peu les événements s'étant déroulé durant ces décennies. Il y a suffisamment de mystère autour des personnages principaux, des ennemis, de Luke Skywalker, pour nourrir de réponses les scénarii des deux prochains films, sans nous plonger en plus dans un univers qui reste encore à comprendre.


Décidément, j'apprécie en soi le film qui m'apparait comme une mise à jour des trilogies précédentes qui améliore presque chaque élément de cellles-ci. Rey est un meilleur Luke, Kylo Ren est un meilleur Anakin, BB8 est un meilleur R2D2, Fin donne vie et intérêts aux storms stroopers jusque-là réifiés, la destruction des planètes est traité avec une touche émotionnelle absente de la destruction de la planète natale de Leila mais l'effet de miroir a aussi ses limites. La destruction de la nouvelle étoile noire n'est pas suffisamment améliorée par exemple pour permettre de justifier le manque d'originalité. Mais c'est surtout l'inscription du film dans cette continuité, pourtant dorénavant officiellement réduite aux films précédents et aux séries animées, qui me semble laborieuse et douteuse. On peut certes espérer que les prochains opus nous fournissent toutes les réponses nécessaire à la cohérence générale et levant dès lors toutes les appréhensions que l'on peut avoir sur ce premier opus. Il n'empêche que le premier film de cette trilogie, tout en nous livrant un certain nombre de mystères et de grains à moudre, ne devrait pas tant nous laisser ces impressions de confusions et tant de potentielles incohérences.

Vyty
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le 21 déc. 2015

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Vy Ty

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