Après 10 ans d'absence sur grand écran, il est temps pour la saga culte de venir faire son grand retour avec sa troisième trilogie qui a la lourde tâche de faire oublier l'énorme ratage qu'avait pu être la prélogie tout en étant capable de rendre hommage aux premiers films et d'apporter son lot de nouveautés. Autant dire un pari presque impossible à surmonter qui est confié à J.J. Abrams et il n'est donc pas étonnant de le voir en partie échouer. Car oui ce Star Wars est rempli de défauts, comme chaque Star Wars avant lui mais débarrassé de la dominance parfois écrasante de son ancien maître, George Lucas, la saga arrive néanmoins à avoir un second souffle engageant et parfois même diablement satisfaisant.
Scénarisé par Abrams lui-même et étant accompagné de Lawrence Kasdan et Michael Arndt, scénaristes des épisodes V et VI, le film prend très vite l'apparence d'un remake du premier film de la saga, A New Hope. Cela reflétera le principal problème de ce nouvel opus, l'absence presque maladive de vraies nouveautés. Que ce soit dans la présentation des nouvelles figures de la trilogie ou dans la réutilisation des anciennes icônes, on reste baigné dans un air de déjà-vu au sein d'un scénario très classique et prévisible qui ne prend jamais par surprise malgré une envie de créer du rebondissements. Surtout que le film répète les erreurs de la saga, les personnages manquent parfois d'épaisseur et sont trop nombreux pour être vraiment traités correctement, l'ensemble se révèle simpliste et manichéen au possible tandis que certains éléments métaphoriques comme le premier ordre qui renvoie au régime nazi, manque de subtilité. Malgré ça, l'ensemble fonctionne quand même grâce à sa manière habile d'utiliser les ficelles de la saga pour créer un hommage parfois touchant et bien pensé même si une certaine tendance à tomber dans le fan service se fait sentir dans l'utilisation de certaines figures de la saga. De plus le film à une tendance parfois agaçante de faire des pauses lorsqu'il réintroduit les anciens personnages pour laisser le temps aux fans de tirer leurs larmes et ce constant rappelle au passé empêche la saga d'aller vers l'avant.
C'est quelque chose qu'on ressent surtout dans sa manière de gérer les éléments de son récit, le scénario tombe dans l'erreur que font tous les scénarios de licences actuelles, plus que d'écrire un film à part entière, ils écrivent une oeuvre qui n'a pour but que de préparer la suivante et cela se montre putassier quand on promet des révélations avec cette opus mais qu'au final, on nous dit très clairement d'attendre encore le prochain. Ici on a payé pour l'hommage à la saga, si l'on veut de l'histoire et du développement il va encore falloir attendre. Surtout qu'à cause de ce choix de narration, le film offre ce qui est sans nulle doute la conclusion la plus ratée de la licence, elle est expédiée et agencée comme un cliffhanger d'une mauvaise série télé. C'est dommage de finir sur un si mauvaise note alors que le film fonctionne relativement bien en terme de divertissement grâce à un sens du rythme impeccable et un humour diablement bien géré, qui n'est jamais lourd et qui se révèle merveilleusement dans le personnage Finn, la belle surprise du film. C'est probablement le seul personnage original, les autres nouveaux étant très similaires aux anciens, comme Rey qui est très proche de Luke dans sa caractérisation, faisant qu'elle subit les mêmes défauts des héros de Star Wars, c'est un personnage unidimensionnel et générique qui manque cruellement d'épaisseur. C'est d'autant plus décevant car elle s'impose comme l'héroïne de cette nouvelle trilogie et qu'elle manque un peu de charisme pour ça. Sinon le personnage le plus complexe est évidemment Kylo Ren, même si il s'impose un peu trop comme un Darth Vader en plus torturé mais il se révèle assez intéressant dans son traitement notamment dans sa connotation symbolique. Après il est dommage que Poe Dameron ne soit pas un personnage plus exploité car il a beaucoup de potentiel, surtout sur l'humour mais les anciennes figures sont traités avec justesse et émotion à l'image du flamboyant Han Solo.
Par contre ça fait plaisir de constater que l'on est aussi dans un film d'auteur, car J.J. Abrams ne délaisse pas ses thématiques et utilise le même traitement qu'il avait déjà utilisé avec Star Trek dans sa manière de se réapproprier la saga, même si ici il le fait dans une moindre mesure. Il continue à interroger le mythe en confrontant l'ancienne génération à une nouvelle et ici va même jusqu'à interroger l'essence même du fan. Il est intéressant de voir qu'il a fait de Rey et de Finn des enfants qui s'émerveillent face aux héros des légendes, qui sont excités après avoir fait ou vu quelque chose d'incroyable ou qui encore se chamaillent pour des broutilles. Ils représentent cet enfant et ce fan en chacun de nous et ça permet d'offrir au duo une efficacité indéniable surtout qu'il interroge de manière assez habile et attachante l'émancipation de la femme face à l'homme macho qui veut tout prendre en main, ici ils sont aussi différents qu'ils sont complémentaires.
Le casting est globalement convaincant et est pour beaucoup dans l'épaisseur de certains personnages. Adam Driver est celui qui en fait le plus pour son personnage, arrivant à lui donner une dimension qui n'était pas forcément sur le papier grâce à son charisme et son intensité émotionnelle. Il n'est pas à son meilleur mais signe une excellente performance. Daisy Ridley s'en sort aussi à merveille malgré un personnage un peu simpliste mais s'impose comme une actrice talentueuse à suivre de près et elle partage une alchimie évidente avec le très bon John Boyega, qui assure grâce à une justesse et un talent comique indéniable. Harrison Ford est égal à lui-même et impressionne toujours autant en Han Solo tandis que l'excellent Oscar Isaac fait le job malgré un présence limitée. Après certains acteurs restent en deçà comme Domhnall Gleeson en roue libre et qui cabotine beaucoup trop dans sa caricature du générale "nazi".
La mise en scène de J.J. Abrams n'est pas aussi spécifique que d'habitude et on peut avoir parfois une impression de pilotage automatique. Néanmoins il reprend bien les codes visuelles de la saga en y injectant avec subtilité et intelligence ses propres codes, que ce soit dans certains bestiaires ou dans ses tics de mise en scène comme le zoom/dézoom, le rapport de mise en échelle et etc, surpassant sans peine se qui avait déjà été fait dans la saga auparavant. L'ensemble se montre beaucoup plus spectaculaire par le passé, même si paradoxalement on a l'impression d'avoir moins de morceaux de bravoures, les scènes d'actions étant plus courantes, elles ont moins un effet cathartique. Par contre les batailles aériennes non jamais été aussi fluides et immersives tandis que le combat de sabre laser est le plus viscéral et remarquable de la licence. D'ailleurs au niveau du montage on retrouve les transitions habituelles de la saga mais le final est moins sur-découpés entre les différents événements, ce qui permet de s'intéresser de manière convenable à chaque scènes d'actions sans avoir la sensation d'être ballonné d'un événement à un autre. La photographie de Daniel Mindel est somptueuse, arrivant à magnifier les décors et les affrontements comme jamais et la musique de John Williams se montre toujours aussi inspiré et enivrante même si elle perd en côté épique et mémorable ce qu'elle gagne en subtilité.
En conclusion Star Wars: The Force Awakens est un bon film et même si il ne parvient pas à renouveler la licence, il arrive à en tirer ce qu'il y a de mieux. Enterrant assurément la médiocre prélogie et s'installant sur le podium des meilleurs Star War entre Empire Strikes Back et A New Hope, il perpétue les défauts de la saga mais gagne en rythme et en maîtrise de la mise en scène. Après on est plus face à un épisode hommage mais les promesses pour le 8ème opus sont alléchantes même si d'une certaine manière elles sacrifient ce 7ème film qui n'atteint pas son plein potentiel. Néanmoins le divertissement est de haute volée, le nouveau casting prend la relève avec classe et brio et cette nouvelle trilogie s'ouvre sous les meilleurs auspices. On s'amuse à défaut de s'extasier mais il ne fait aucun doute que Rian Johnson aura la possibilité de faire un grand space opéra avec la suite mais en attendant tournons nos regards vers le déjà très prometteur Rogue One de Gareth Edwards, premier spin-off de la saga au cinéma.