Le réveil de la Force™...au rayon appareils électroniques chez Toys.

Je voudrais bien fustiger Abrams, car il le mérite.


Quand bien même m’a t-il servi un des films les moins décevants de cette année (vu la pléthore, c’est à se demander ce qui est le plus facile entre faire de pires films que les autres ou bien de meilleurs) et quand bien même j’y ai trouvé quelques unes des choses que j’étais venu chercher, il faut bien avouer qu’une irrépressible impression de m’être fait endormir demeure depuis que j’ai quitté le siège de mon multiplex (inconfortable, cela va de soi).


Mais d’abord, une caresse.


Presque autant que de voir la bouille de Solo — qui a finalement décidé de se faire appeler par son véritable prénom, ce qui constitue le principal attrait du Réveil de la Force c’est un certain aspect organique et palpable, malgré les inévitables cuillères à soupe de purée numérique servies en abondance. On retrouve ainsi — quelle audace ! (…)— des décors en matériau physique, des costumes, des maquillages, et même que mes yeux ont failli pleurer devant de vrais animatronics sur un écran de cinéma en 2015.


Non mais je dis cela parce que j’ai déjà vu des génies simuler un aspect d’automates sur des polygones ou précalculer des défauts caractéristiques de l’animation en stop motion avec du shewing gum numérique et, la première fois ça fait peur, et après on a plus envie de croire en rien.


Clairement donc, cet aspect « organique » qui n’est pas sans être étudié, bien entendu, contraste avec ce qui avait provoqué sur la prélogie (et la trilogie rééditée avec effets numériques) l’indignation de toute une génération d’habitants de notre belle planète qui savent s’unir comme nulle autre pareille pour des enjeux et des problématiques absolument vitaux et profonds tels que des choix éditoriaux douteux et des rééditions mercantiles « rien que pour faire de l’argent » et des trucs comme ça.


Sinon, l’ancienne génération est là, et clairement là. Enfin, Harrison Ford est là. C’est simple on dirait qu’il a quitté le costume de Solo depuis 5 minutes mais juste qu’entre temps un gars avait abimé la peau en la froissant pendant 30 ans. Pour la peau de Leïa par contre, je crois qu’il s’est passé des choses bien plus complexes. Non mais voilà, Solo + Chewy, quoi. Toujours là. C’est bon, c’est bon.


Ah, j’entends « fan service » pour le Millenium.


Oui. Clairement. En même temps, Solo et Chewy sans le Millenium c’est comme un repas sans pain. Et autant la présence des anciens est très bien amenée, de façon progressive, avec une volonté évidente d’inscrire une trace en filigrane, un genre de colonne vertébrale sur laquelle s’appuierait un mythe pour aller de l’avant, autant d’autres aspects sont clairement prosélytiques, et viennent pointer des facilités embarrassantes semblant émaner d’un listing de cahier des charges.


Et puis genre « on est pas là pour le fan service », quoi.


Je ris à gorge déployée.


Le problème avec ce Star Wars c’est qu’il parvient parfois à évoquer si fortement son modèle qu’il ne revêt finalement qu’un costume d’ersatz. Kylo Ren, avec son casque de motocross en est un parfait exemple.


L’iconographie est là aussi ; certains plans sont immédiatement iconiques. Mais que c’est vide finalement !


Où sont les peuples, où sont les gars de la Rebellion (je veux dire les 5 ou 10 autres que les 4 qu’on voit à l’écran), où est le compteur kilométrique que je constate la fraude au parsecs ?
Hein, vous vous foutez de ma gueule? J’ai pas été élevé à Perdu dans l’Espace moi, escrocs !


J’ai passé un bon moment, oui. Mais un peu d’honnêteté, malgré l’imagerie, l’aspect artistique léché (et remarquable par moments), et un personnage féminin intéressant (je parle de Phasma bien sûr…non je déconne), qui peut se regarder dans un miroir en disant haut et fort sans détourner le regard vers sa brosse à dent : « Si on enlève Han Solo, ce film est toujours aussi bien » ou encore : « Le scénario prend des risques avec des enjeux inédits, c’est courageux pour relancer une franchise. »?


Vous voulez du dentifrice ?


Je ne cracherai pas sur les considérations mercantiles, un peu d’honnêteté là aussi ; le merchandising ne date pas de la prélogie et des peluches Jar-Jar.


Genre « je n’achète pas de produit dérivé », sauf mon T-Shirt pour la séance. Et le sabre laser en plastique. Et le masque. Et les figurines dans mon sac. Et le jeu vidéo. Et le porte-clés. Et la coque de portable.


Je suis ressorti ravi du spectacle, et parce qu’en face on avait étudié un peu toutes les stratégies pour me faire la cour, c’est toujours flatteur quand on est trentenaire dégarni. Mais Abrams aurait dû rendre son stylo à Kasdan au lieu de me railler le casque avec les siennes (quelques secondes sont nécessaires pour la compréhension de celle là).


La seule bonne idée ressortant du lot étant d’avoir inversé le paradigme du méchant torturé dont le dilemme se joue dans son attrait pour le Bien plutôt que pour le Mal.


D’autre part j’ai envie aussi de fustiger J.J l’amoroso pour avoir résumé le personnage de Oscar Isaac à un fanboy quasi invisible de Han Solo, lui qui justement aurait pu reprendre le flambeau, pilote plein de gouaille et d’adresse.


Mais je remercie le ciel et le hasard pour cette fin superbe et hautement symbolique. Elle qui vient rééquilibrer par sa force la faiblesse évocatrice de la musique de Williams, lui qu’on ne s’étonnerait plus de retrouver au fond d’une grotte, endormi, affalé sur un pupitre, tandis que Maitre Abrams Keno Bis nous jouerait de la baguette.

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le 22 déc. 2015

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real_folk_blues

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