Déjà en 83, Han Solo voulait mourir...
Soucieux de ne pas s'enfermer dans un rôle aussi archétypal qu'irréaliste, Harrison Ford a demandé à George Lucas s'il n'était pas possible qu'Han Solo meurt héroïquement en sauvant ses amis à la fin du Retour du Jedi. Soucieux de son côté de ne pas perdre des millions de dollars, George avait opté pour le full-happy-end et Han a vécu.
Par la suite, George a rempilé pour trois épisodes et plongé le 7e Art dans l'ère du tout-numérique, avec plus ou moins de bonheur... Sa prélogie n'a pas manqué de faire date, mais a échoué à rallier un maillon de plus à l'univers Star Wars. Déjà parce qu'on ne saurait compter les erreurs et incohérences entre le III et le IV, mais surtout, même les plus jeunes préfèrent les originaux.
Aussi à l'annonce fracassantes du rachat de LucasFilm par le géant Disney, notre sang de fanboy n'a fait qu'un tour... Nous allions prochainement être gratifié d'un Star Wars : Episode VII. Plus de trente ans d'attente !
Hélas, trois fois hélas, diverses nouvelles et images exclusives viennent ternir le ciel étoilé : JJ Abrams, incapable notoire ( Mission Impossible III, Super 8... ) a été retenu pour écrire et réaliser le film, et le premier Teaser fait pitié. Je me souviens même avoir déclaré : "C'est super dur de vomir en riant."
Mais l'annonce de Lawrence Kasdan en renfort à l'écriture et d'autres bandes-annonces plus rassurantes me poussent, dans un optimisme teinté d'effroi vers une salle obscure le jour J. Ou devrais-je dire, le jour JJ.
Alors que tout me poussait à redouter le film, à entrer dans la salle à reculons, j'en ressors heureux. J'ai eu vite l'impression qu'Abrams avait mis en avant ses pires idées dans le premier Teaser ( Les stormtroopers filmés en shaky-cam avec des néons niqués, BB-8 qui me donne envie de shooter dedans comme un Allemand en finale de coupe du monde, John Boyega qui ne fait que respirer à grand peine et suer à grosses gouttes... ) pour me laisser le temps de les assimiler. Qui sait, de les oublier, peut-être...
Les nouveaux héros sont sympathiques, Daisy Ridley affiche un charisme dantesque, le retour de Han et Chewie fait plaisir, l'apparition de Leia me comble d'émotion et je me surprends vraiment à passer un bon moment. Trois bons moments, même, vu que j'y suis retourné. Merci JJ, tu t'es surpassé au delà de toute espérance.
Il y a néanmoins deux bémols à apporter à l'édifice, et ils sont de taille.
Tout d'abord, le film ne prend aucun risque. Consigne de Disney, ou volonté de la part de JJ de ne pas brusquer les fans, nul ne saurait le dire... Mais le fait est là : Le Réveil de la Force est d'une révérence et d'une docilité à Un Nouvel Espoir telle que jamais il n'est surprenant. Aussi délicieux que soient ses meilleurs moments, on y a déjà été confronté, et jamais on ne peut vraiment agripper le siège...
Pire encore, la surprise finale est largement éventée par sa propre structure : sitôt qu'Han décide de se séparer de Chewbacca, on sait qu'il va y passer. Lui qui représente la figure de mentor vieillissant, le Obi-Wan de cet épisode, il ne peut que succomber au sabre rouge du vilain de service...
Ça aurait pu être poignant et bouleversant, ça n'est qu'une figure imposée, et pas franchement exécutée avec brio...
C'est d'ailleurs là le deuxième gros problème : Kylo Ren. Présenté comme un méchant badass qui arrête les lasers par la force et détruit toute une pièce pour un oui ou pour un non, on apprend fortuitement qu'il s'agit d'Adam Driver, avec sa tête de prof de math puceau, qui est non pas un méchant badass, mais un méchant en devenir...
Or le concept d'un méchant en devenir est intéressant, et tellement mal exploité par Lucas lui-même dans la Prélogie, qu'on devrait acquiescer... Mais tel qu'il est fait là, c'est inacceptable. Au sens littéral du terme : on ne saurait accepter qu'un méchant aussi classe et vilain soit en fait un emo geignard qui boude ses parents. Ça marche pas. Et ça plombe le grand final.
Mais curieusement, bon an mal an, Le Réveil de la Force réussit le pari de replonger trois générations de fans dans l'univers Star Wars sans trop se casser les dents, et surtout, ouvre une voie royale à Rian Johnson pour un Episode VIII qui promet de tout déchirer !