Star Wars VII: Le Réveil de la Force est sorti ce mercredi dans les cinémas français. Dire qu’il était attendu relèverait du doux euphémisme. Véritable Madeleine de Proust pour toute une génération, ce film nous narre la suite des aventures se déroulant Il y a bien longtemps, dans une Galaxie lointaine, très lointaine, et qui sont issues du cerveau de Georges Lucas. Place réservée depuis plusieurs jours, arrivé pour faire la queue 1 heure avant la séance, je suis prêt pour replonger dans l’un de mes univers préférés. La suite du texte contenant moults spoilers, ne lisez ce pavé qu’après avoir vu le film...
Pour débuter mon analyse et ajouter un peu de crédit à celle-ci, je vais commencer par vous expliquer comment j’ai plongé dans l’univers Star Wars. 1980, j’ai 7 ans, et je découvre L’Empire Contre-Attaque au cinéma avec mon oncle. Premier souvenir de cinéma. Dire que ce film m’a marqué serait loin de la réalité ; il a façonné ma sensibilité de cinéphile à tout jamais. Il a ouvert une fenêtre sur les mondes de la Fantasy et de la Science-Fiction, les deux genres que j’affectionne les plus aujourd’hui. J’ai dévoré sa suite et son prédécesseur dès que j’ai pu le faire, et les ai revu maintes et maintes fois au cours des années. La sortie de la prélogie dès 1999 a été un événement pour moi, et malgré quelques déceptions (Épisode I, pour ne pas le citer), les 6 films ont formé un tout cohérent au sein de la même mythologie.
Retour à aujourd’hui. Rachetée par Disney, la licence Star Wars va pouvoir enfin connaître une suite, mais sans son papa aux commandes. Depuis longtemps, il avait dit ne plus avoir la force (sic) de s’occuper de la troisième trilogie (oui, depuis le début il avait prévu trois trilogies de films). De plus, Lucas a une relation assez conflictuelle et pour tout dire très étrange d’amour/haine avec les fans de SW. Ses rajouts et retouches à la trilogie originelle ont été perçus comme des crimes de lèse-majesté par les fans de la première heure, et sa seconde trilogie est généralement considérée comme largement inférieure à l’originale. Pour ma part, après un Épisode I assez décevant car trop enfantin par moments (mais en mettant en scène un enfant comme héros n’est-ce pas normal ?), je n’ai pas été déçu par les Épisodes II et III qui, tout en racontant une histoire connue par avance (la déchéance d’Anakin Skywalker et son passage vers le côté obscur jusqu’à ce qu’il devienne Darth Vader), ont su faire preuve originalité en variant les situations et les terrains de “jeu”. Une chose qu’on ne peut pas reprocher aux 6 premiers films de la saga, c’est qu’ils soient des copier-collés les uns des autres.
Et c’est EXACTEMENT ce que je reproche à ce Star Wars VII. Avec quelques changements mineurs, il ne s’agit tout simplement que d’une suite/remake de l’Épisode IV, Un Nouvel Espoir. Quasiment un reboot, donc. Jusqu’aux motivations des héros qui sont les mêmes, à savoir échapper aux troupes de l’Empire (pardon, du Nouvel Ordre) pour apporter un plan aux rebelles (pardon, aux résistants). Cette année a vu sortir au cinéma plusieurs suites/remakes/reboots qui ont surfé sur la vague de la nostalgie: Terminator Genisys (résultat moyen), Jurassic World (sympathique, en grande partie grâce à Chris Pratt), et l’excellent Mad Max: Fury Road qui, lui seul, a su réinventer le film original sans le trahir et en réussissant même à le transcender. Différence entre tout ces films, la présence aux commandes du créateur originel pour Fury Road.
Revenons à ce Star Wars VII. Le début du film se déroule sans trop de problèmes, la nostalgie fait son oeuvre, le plaisir de retrouver l’univers est là. De plus, les images sont splendides et la réalisation impeccable, comme on pouvait s’y attendre de la part de J.J.Abrams qui avait déjà réussi le pari de relancer la franchise Star Trek. On remarque tout de même que la “patte” d’Abrams n’est pas très visible, sans doute pour uniformiser le film avec ses prédécesseurs, mais on ne va tout de même pas se plaindre qu'il ait laissé de côté l'utilisation à outrance du lens flare qui est sa marque de fabrique. Le personnage du Stormtrooper Finn est intéressant, bien qu’assez creux pour l’instant (les suites y pallieront certainement). L’héroïne Rey (remarquons que son nom de famille restera mystérieux) est intéressante bien que faisant beaucoup penser à un mix entre le jeune Luke période Tatooïne et le jeune Anakin. Le méchant Kylo Ren est stylé, torturé, mais pas des plus original non plus, rien qu’un sous-Vader, au fond. Mais revenons à l’histoire. Finn déserte les troupes du Nouvel Ordre après sa première mission (superbe utilisation du casque de Stormtrooper ensanglanté), et est aidé dans sa fuite par “le meilleur pilote de la Galaxie” (et accessoirement grande gueule) Poe Dameron. Celui-ci doit rapporter à la Résistance un plan qui permettra de retrouver Luke Skywalker, aux abonnés absents depuis des années semble-t-il. Et allons-y, utilisons un droïde énervant pour dissimuler les plans (BB-8, remake de R2-D2 lui aussi). Après des péripéties, Finn et Rey font équipe et se retrouvent (comme de par hasard) à bord du Millenium Falcon (orgasme de tous les geeks présents dans la salle). Et encore COMME DE PAR HASARD, 5 minutes plus tard, voilà-t’y pas que le père Han Solo accompagné du bon vieux Chewbacca font leur apparition (scène spoilée par la bande annonce, merci au marketing Disney). Bon, ça faisait des années également qu’ils cherchaient leur vaisseau, mais c’est quand même bien fichu le cinéma, autant qu’ils retombent dessus pile-poil durant la durée du film, non? Les vilains, dont le chef ressemble à un Gollum surdimensionné, ont inventé une nouvelle arme surpuissante. La Starkiller Base est capable de détruire des planètes en épuisant la puissance d’étoiles. Mouais, on a vu plus ridicule comme concept, mais pas tellement dans l’univers SW. On en est à 20 minutes de film, et au détour d’une phrase anodine, on nous lâche le morceau: Kylo Ren est le fils de Han Solo. Surpris par cette révélation aussi rapide, mon cerveau ne fait qu’un tour: vous allez voir que pour BIEN signifier son statut d’être maléfique, on va lui faire tuer son papounet. Après les retrouvailles entre Solo et Leïa (en froid apparemment), un plan est préparé en 2 minutes trente pour éliminer cette menace. Arrive donc la scène où Harrison Ford (impeccable, au passage) se rend sur la passerelle pour tenter de sauver son fils (Ben de son prénom, en hommage à Obi-Wan Kenobi). Téléphonée cette scène, mais à ce moment précis j’espère toujours que le film va basculer du côté lumineux de la Force, sans trop y croire. Ça fait bien longtemps que le sourire béat qui s’était installé sur mon visage au début du film a fait place à un rictus. Mais non, puisqu’on est dans le fan-service à fond et qu’il faut UNE scène marquante dans ce film (et ça sera bien la seule), on va zigouiller le personnage le plus aimé de tous les films SW. Mort inutile, ridicule même, et qui semble être oubliée trois scènes plus tard par son ami de toujours, le pauvre Chewbacca, qui en arrivant à la base de la Résistance passe à côté de Leïa sans même lui jeter un coup d’oeil, et laisse le soin à Rey (qu’elle connait depuis 30 minutes) de lui annoncer la mauvaise nouvelle. Grosse invraisemblance scénaristique. Entre temps on a eu droit à la destruction de la base par les pilotes de la résistance, combats spatiaux vus et revus. Autre grosse déception, la gestion de la force par une héroïne qui l’a découvre et semble même la maîtriser en quelques minutes (il me semble que la formation d’Anakin a duré un poil plus longtemps que ça), et est assez puissante pour terrasser Kylo Ren, oui, le type capable d'arrêter les tirs de blaster d'un geste de la main. Vous allez me dire, “Oui mais Kylo Ren avait été blessé, patati-patata.”. Il a quand même des années d’entraînement et de formation avec Luke Skywalker derrière lui, donc non, ça ne passe pas pour moi. Dernières minutes du film, le réveil-matin R2-D2 se met à sonner pour signifier qu’il est temps pour Papy Skywalker d’arrêter de bouder, et la jeune héroïne est donc envoyée le retrouver par la Résistance. Heum, on est d’accords qu’elle vient juste d’apparaître, la fille? Et on lui confie la mission à priori primordiale de ramener le dernier espoir de la Galaxie? Non parce qu’après tout, ça pourrait être une envoyée du Nouvel Ordre, Non? Oui, bon, d’accord. On n’est plus à une incohérence près. Donc elle prend son vaisseau, se rend sur l’île d’Avalon semble-t-il, et y retrouve Merlin. Heu, Luke. Fin. Suite dans deux ans.
Pour terminer, mon avis sur le succès de ce film. Il était prévu, calculé à tel point que l’inverse n’était pas possible. Il ne s’agit que d’un produit marketing de plus. Il a été conçu pour contenir tout ce que les fans de SW voulaient voir, et empaqueté dans un joli paquet cadeau multicolore. Mais en ouvrant la boîte, on se rend compte qu’il ne s’agit que d’une nouvelle version remasterisée de l’Épisode IV de plus, sans aucune originalité, et sans âme. Ça se ressent jusque dans la musique de John Williams sans nouveau thème marquant, ne reprenant que les morceaux des anciens films tels quels. Mais les enjeux économiques étant devenus tellement énormes dans l’industrie du cinéma de nos jours, que les firmes ne peuvent plus se permettre de prendre le risque de proposer des histoires originales susceptibles de faire un flop au box-office. Alors pourquoi prendre un tel risque financier, s’il suffit de donner aux fans ce qu’ils attendent ? Ce film est la définition ultime du fan-service.
J’espère que la suite rattrapera ce raté, mais avec l’annonce des spin-off qui vont sortir entre chaque Épisode pour bien surfer sur l’effet nostalgie des fans et racler les fonds de porte-monnaies, je sens tout ça très très mal barré.
Star Wars est mort ce soir. RIP.
(pour ne pas terminer sur cette note sinistre, je tenais tout de même à dire que je compte retourner voir le film en VO pour éventuellement mieux l’apprécier, en particulier la scène de visions de Rey durant laquelle il semblerait qu’elle entende les voix de Jedi défunts, Yoda et Obi-Wan. Et je vais également lire le Star Wars : Le Réveil de la Force : L'encyclopédie illustrée qui semble apporter du background au film... Oui, je reste un incurable optimiste.)