Star Wars: La Force de l'absence de prises de risques.

4/10. La note me turlupinait. Celle-ci balançait du 5 au 4 à la sortie du cinéma, 5 pour le divertissement en lui même, 4 pour la démarche du réalisateur, le script et la mise en scène. Descendre en flammes un film aussi attendu, qui se devait de corriger les tares de la prélogie, et où chaque bande annonce suscitait la frénésie auprès des fans de la première heure comme de leurs enfants peut relever d'un certain goût pour la provocation. D'autant plus que ce film a plu, en témoignent les nombreuses critiques élogieuses. Cette critique s'efforcera donc de démontrer pourquoi il s'agit d'un divertissement médiocre, doublé d'une démarche de fan-service.


Contrairement à beaucoup, je ne suis pas un adepte de Star Wars. Cependant, je les ai tous vu, et apprécié à différents degrés. Que la prélogie est un divertissement de qualité bien moindre que la trilogie initialement parue, je suis bien d'accord. En revanche, cette dernière ne m'a pas enthousiasmé, malgré ses qualités de films de divertissement efficaces. La trame narrative était simple, et sans grande prétention: Les différents star wars développaient bien plus un lore de space opera qu'une psychologie de personnages. JJ Abrams a donc fait le pari suivant:
Donnons très exactement au fan de star wars ce qu'il veut -du lore, des scènes d'action bien rythmées, et un script linéaire mais qui fait référence aux différents épisode antérieurs, et ceux à venir.


Les 20 premières minutes sont donc relativement enthousiasmantes: introduction de nouveaux personnages originaux (un storm-trooper traître, une demoiselle du désert solitaire, un nouveau super-méchant casqué, un nouveau super-super méchant voldemort), de beaux décors réussis, d'un univers cohérent... Quelques blagues méta clairsemées à gauche et à droite. Bref, un film pour fans et moins fans de la saga commence. C'est efficace et bien rythmé.


Et dès cet instant, un doute s'installe. N'aurais-je point déjà vu tout cela? Situation initiale dans le désert, une rebellion, des documents secrets cachés dans un robot (qui est un R2D2 augmenté), une attaque de storm troopers... Et c'est là le premier et principal défaut de ce film: à force de vouloir faire référence à la trilogie initale, et surtout au numéro 4, on le plagie. Il y a une différence essentielle entre le clin d'oeil discret au fan, et le fan-service intensif, que cela soit au niveau de la trame narrative, ou de l'esthétique. Il appartiendra à chaque critique de la délimiter. Mais nous y reviendrons plus loin.


Un point essentiel, et peu soulevé par les précédentes critiques mérite d'être apporté au débat. Disney est un énorme producteur de film. Et qui fait beaucoup d'erreurs aussi. Sur les 6 plus gros échecs au box-office mondial (des fours colossaux, on parle de pertes de la hauteur d'une centaine de million de dollars), les places 2, 4 et 6 sont trustées par des productions Disney. Ces films (Milo sur Mars, Lone Ranger, John Carter) sont sortis respectivement en 2011, 2013 et 2012, ce que l'on pourrait qualifier de récent.
Cela n'empêche pas Disney de produire aussi des films à succès pendant ces années, notamment en animation. Mais peut-on réellement prendre des risques, lorsque l'on sait que les dernières incursions dans le domaine du cinéma non animation ont été des fours conséquents?

Si Disney a ainsi investi 4 milliards de dollars pour racheter Lucas Film, c'est en tant que valeur sûre et marketing. C'est pourquoi ce film risquera très probablement d'être un repompage de ce qui s'est fait et de ce qui a marché (et notamment l'épisode 4).


Ainsi, les 30 premières minutes donnent une impression, plutôt agréable cependant, de déjà-vu revisité. On retrouve quelques figures connues de la saga (Harrison Ford notamment), et à partir de cet instant, patatras. Le film tombe dans le plagiat pur et simple au niveau de sa trame narrative, qui sera donné succinctement dans le spoiler ci-dessous:


Rencontre dans un bar, nouvelle étoile de la mort, nouvelles explosions de planètes, nouvelle destruction de l'étoile de la mort par la même méthode que dans le IV (on arrive sur place, on désactive le bouclier, et dans les airs on fait exploser en pilonnant la même petit bouche d'aération), on perd un personnage essentiel au rôle paternel dans une scène archi-attendue et prévisible, on s'enfuit tant bien que mal, et on retrouve Yoda -heu Luke pardon- sur une planète déserte marécageuse -ha non, une planète déserte bretonne.


Les quelques rebondissements apparaissent alors comme artificiels, et les ressorts scénaristiques donnent l'impression d'une copie très scolaire d'Hollywood: Une faille deus ex machina, la réponse "on en parlera une autre fois" à la question "où l'avez vous trouvé?", les fameux crashes au début du film qui mettent côte à côte sur une immense planète désertique deux personnages clés devant se retrouver...


Lorsque l'on se rend compte que l'ensemble du scénario du film est une copie du IV remastérisée, sans approfondissement de l'univers, que chacun des personnages est plus ou moins un décalque du IV en permutant quelques identités, il est difficile d'être indulgent.
La mise en scène, pompière


Comme notamment pour la mort de Han Solo, tellement annoncée à l'avance à la fois dans le scénario et dans la mise-en-scène qu'elle ne peut pas surprendre


se permet même le plagiat pur et simple de passages de passages du IV par d'autres moment ( l'attaque des X-wind dans le corridor). Vérifiez par vous même: il s'agit du même type de scène, les caméras sont posées exactement au même endroit. Or le film n'est pas un reboot: Il se réclame être UN film à part entière de la saga. On dépasse ainsi la théorie de l'enchevêtrement des scénarios des films de la saga, pour se diriger plutôt vers une copie à peine assumée. Et un tel manque de prise de risque ne correspond pas à un "hommage" envers la trilogie originale qui n'a pas vieilli. C'est simplement redonner très exactement au spectateur un film qu'il a déjà vu sans ajouts.


Ajoutons à cela un jeu d'acteur peu convaincant de la part d'Harrison Ford qui essaye de rejouer très exactement le même rôle qu'il y a trente ans, des personnages particulièrement peu développés et estampillés Disney à l'exception de celui de Rey, un super méchant super ado s'avérant peu effrayant et nous obtenons donc un divertissement cinématographique médiocre en lui même (sans être ennuyeux). 5/10, donc.


Mais peut-on uniquement produire un fan-service éhonté, ne rien apporter à la saga, que cela soit en esthétique, en idées narratives, en personnages? Je vois par exemple beaucoup de critiques particulièrement laudatives sur ce site. Ont-elles apprécié le film pour ce qu'il est, à savoir le reboot d'une des sagas les plus connues, ou pour ce qu'il représente, à savoir un mémorandum de l'enfance et de l'adolescence de beaucoup des spectateurs? Le film en lui même n'est pas "mauvais", mais peut difficilement être qualifié de "bon". En revanche, il plagie ouvertement ce qui a été fait il y a 30 ans. Il respecte le matériau de base, indubitablement, mais il ne peut être qualifié de produit original de la saga. En cela, il me paraît nécessaire de sanctionner cette absence totale de prise de risques, et de dégrader la note, au vu de ce que ce film représente par rapport aux autres: la continuation de la démarche mercantiliste.
Ce sera 4/10, donc.


Edit: quelques fautes d'orthographes corrigées, un petit enrichissement d'un paragraphe ou deux qui confinaient à la redite.

AntoineMartin4
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le 31 déc. 2015

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Antoine Martin

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