Star Wars épisode 8 divise et il ne peut que diviser tant il est audacieux, surprenant, différent des autres. Rian Johnson, le réalisateur et scénariste fait entrer la saga dans une sorte de crise d'adolescence. Ça part dans tout les sens, c'est incontrôlé, c'est en expansion comme l'univers ce qui fait qu'on s'y perd un peu des fois. Mais ce film délivre des moments qui sont justes trop bons et trop mémorables pour qu'il soit possible de détester ce film.
Cette saga doit beaucoup à l'antiquité, avec notamment des référencées explicite lorsqu'on parle de la chute de la république et la naissance de l'empire. Là où La revanche des siths convoquait Sophocle et la tragédie grecque, cet épisode 8 puise dans les dialogues platoniciens avec un Luke Skywalker campant le rôle de Socrate en ne cessant jamais de réfuter ses interlocuteurs. Luke parlant également de l'hubris des Jedi.
La différence entre le monde sensible et ce qui n'est pas intelligible, entre ce que l'on voit et ce qu'on devine, entre les dogmes et la triste réalité. Luke ne cesse ici de vouloir éveiller les consciences et faire cesser l'aveuglement sur ce qu'on croit acquis, ou ce qu'on croit être juste ou bien. Ses disciples interprètent son message de différentes manières. L'un ne voulant plus le suivre du tout et faire table rase, l'autre en l'adaptant à sa situation. Mais Luke lui même doute et prend conscience de ne pas détenir la vérité, son parcours dans cet épisode est fascinant.
Cet aspect ne fait alors que renforcer la mythologie autour de la Force. Il s'agit même de l'épisode où cette fameuse Force est la plus fascinante et presque un personnage à part entière. On en découvre de nouvelles facettes étourdissantes qui ne font que bousculer nos certitudes. Les illusions, les démonstrations, l'habileté démontrent que la puissance ne réside pas forcément dans sa capacité de destruction mais surtout dans la malice et l'intelligence.
Mais tous ces bons ingrédients ne masquent pas le relatif vide du scénario qui tient sur peu de choses, avec des intrigues qui semblent parfois être inutiles même si avec du recul, on comprend qu'elles sont là pour battre en brèche les habitudes et montrer que le résultat d'une mission n'est pas toujours le même dans cette épopée. L'évolution de certains personnages n'est pas assez soignée comme celui de Finn, de nouveaux personnages peinent à exister et les enjeux ne semblent pas assez importants.
Mais quelle belle mise en scène avec un esthétisme très soigné dans certaines scènes. Quelles performances des acteurs, notamment Adam Driver et Daisy Ridley. Sans oublier l'immense Mark Hamill et la regrettée Carrie Fisher qui livre ici une dernière performance qui fait tristement echo à son destin tragique.
Et ce film ne fait qu'user de malice et d'intelligence pour mieux nous perdre, pour mieux nous surprendre. Ce 8ème opus rabat toutes les cartes et s'amuse à se jouer des codes, usages et traditions. Ça ne va pas ce passer comme on l'imagine. Cette phrase prononcée ne cesse de se vérifier tout au long du film. Enfin de la nouveauté, enfin de l'audace, enfin du renouvellement. On sort du carcan des des figures imposées pour déstabiliser le spectateur mais en même temps d'autant plus l'impressionner tant les choses sont inattendues.
Le but de Star Wars n'est pas d'échafauder des théories sur l'origine des personnages, de spéculer pendant des heures, de fantasmer. Non, le but est de divertir et de délivrer un message. Ici, c'est que l'échec permet d'avancer et qu'il ne faut pas trop ressasser le passé pour envisager sereinement l'avenir. C'est un sacré bon message, pour un film qui ne peut pas laisser indifférent et par conséquent qui ne peut pas être totalement mauvais.