Dur de critiquer ce dernier Star Wars… Faut-il rendre compte de ces 2 heures et demie, globalement assez agréables.. Ou dire tout ce qui m’a assailli après, durant le débrief entre potes autour d’une bière puis les longs soliloques intérieurs qui suivirent…
Disons les choses, 5 minutes avant la fin et dans l’euphorie du moment, sans doute aurais-je décerné un sympathique 8/10 au film de Rian Johnson.
Quelques 24h après, je serais davantage tenté par un maigre 4/10.
La raison tient en 2 constatations lapidaires (et un brin excessives) : ils ont tué mon Star Wars… et j’ai vu un Disney/Marvel juste sympathique au cinéma.
Attention, ça va spoiler sévère :)
Retour en arrière :
Lors du rachat de Lucas Film par Disney, ces derniers ont pris une décision aujourd’hui lourde de sens : supprimer des canons l’ensemble de la production littéraire / comics autour de Star Wars… Permettant ainsi à Disney de ré-écrire toute une partie de l’univers, d’altérer la destinée de ses héros, voire de modifier jusqu’au sens de l’histoire.
A l’époque, la décision avait remué plus d’un fan, mais l’épisode 8 de JJ Abrams était parvenu à rassurer. Après tout, le principal reproche qui lui était fait n’était-il pas d’être trop ressemblant au 4.
Et vint l’épisode 9.
Mais d’abord, c’était quoi Star Wars ?
Évidemment, la vision changera suivant chaque fan, chaque spectateur, mais pour moi, c’est d’abord une saga familiale, celle des Skywalker. Du père, tyran masqué, le plus badass de tous les vilains du cinéma, au fils, personnification du héros dans sa quête initiatique, en passant par la fille, symbole de vertu, de courage et de résistance.
Et c’était bien le sens suivi parles nombreuses oeuvres qui succédèrent à la trilogie initiale, avec des histoires centrées autour d’un Luke Skywalker, devenu maître jedi, tenant de faire renaître l’ordre disparu et affrontant ses ennemis Sith plus puissants (et increvables) les uns que les autres ; d’une Leia Organa-Solo, chef de fil politique d’une république en cours de reformation.. et du casse-coup par alliance Han Solo, éternel aventurier prompt à se fourrer dans toutes les emmerdes possibles.
Voilà, c’était ça Star Wars.
Ca ne l’est plus.
Cette destruction d’un univers et d’une légende ne saurait être mieux personnifiée par le personnage de Luke dans ce film.
Là ou le finish putassier et jouissif du 8 laissait entrevoir l’arrivée d’un Luke - Obiwan - Skywalker Badass en maitre Jedi (et futur maître de la talentueuse Rey).. Nous n’aurons qu’un personnage grognon, qui ne révélera l'étendu de son talent (et de sa relative utilité) que dans les 5 dernières minutes.
Ce n’est certes pas la seule ‘trahison’ du film, nous y reviendrons, mais c’est la plus cruelle à mon sens… Car ni Luke Skywalker, le personnage, ni Mark Hamill, l’acteur, ne méritaient pareil traitement… Après tout, n’étaient-ils pas tout deux (avec Leia et la très regretté Carrie Fisher) la personnification même de cet univers ?
Skywalker, personnage principal, tant de la trilogie originale que d’une bonne part de l’univers étendu (pré-Disney), qui de héros en quête initiatique deviendra un maître surpuissant et la figure quasi légendaire de tout une galaxie.
Hamill, acteur sacrifié par le statut culte de son premier grand rôle… Devenu une figure légendaire lui aussi, mais dans l’univers des geeks et de la pop-culture, notamment par son dévouement envers la saga et son propre personnage.
Mais voilà, dans ce nouvel univers Star Wars, façon Disney, le héros n’est plus Skywalker, le propos n’est plus sa famille et son empreinte sur leur univers.
Et ce film était justement conçu pour rappeler cette nouvelle vérité et tourner la page de la trilogie originelle… Mais sans grandeur, l’histoire de Skywalker réécrite n’ayant plus grand chose d’épique : une victoire dans l’épisode 6, un échec (mal expliqué) durant la formation de son neveu, une retraite de moine grognon...et un final, pas ridicule, mais insuffisant.
Les autres “trahisons” sont dans la même veine.. Avec un grand méchant que l’on imaginait à la hauteur d’un Dark Sidious, ou des autres grands maîtres Siths jalonnant les romans reniés par Disney. Finalement, il n’est rien d’autre qu’un méchant de Marvel.. Sans fond, sans background et franchement pas aussi inquiétant qu’il ne paraissait.
On attendait des réponses dignes de la légende Star Wars, de la grandeur, on aura rien de tout ça… Quand les questions ne sont pas évacuées (les origines de Rey) elles ne sont tout simplement pas le moins abordées (les origines de Snoke).
Voila pour la mort de Star Wars.. enfin, de ‘mon’ Star Wars. Sans doute, ce film était-il avant tout dédié à une nouvelle génération, à qui il fallait des nouveaux héros.
Bien sûr, tout cela est une lecture personnelle, d’un fan de la trilogie originale et de l’univers étendu des années 90-2000.
Pour une lecture plus dépassionnée, soyons bref :
De belles images, certains plans sont magnifiques, le rythme pas trop mal géré - en tout cas, les 2h30 ne paraissent pas interminables et certains acteurs sont plutôt chouettes : Daisy Ridley, Carrie Fisher est juste superbe, sa fille Billie Lourd sympathique, Oscar Isaac s’en sort pas trop mal, tout comme Kelly Marie Tran… Quant à Mark Hamill, le problème est davantage l’écriture de son personnage.
En regard, certains autres ne tirent pas vraiment le film vers le haut.. Personnellement je n’accroche toujours pas à Adam Driver, John Boyega a 0 charisme dans ce film (et guère plus d’utilité) et Laura - Dr Ellie Sattler spécialiste de plantes pré-historique et de caca de Tricératops - Dern donne l’impression d’être un cheveu sur une soupe.
Enfin mention spéciale au scénario… Si les belles images et l’amour aveuglant des fans de Star Wars le protège le temps de la projection, il suffira à n’importe qui d’y réfléchir 5 minutes après coup pour ce rendre compte du nombre d'énormités qu’il contient.
Prenons quelques exemples pour le fun..
La course poursuite des flottes rebelles et du premier ordre mérite la palme du ridicule : pourquoi les méchants n’envoient-ils pas une seconde flotte couper la route de celle des rebelles ? Admettons que les autres vaisseaux soient tous en réparation (c’est pas de bol), pourquoi ne pas séparer la flotte en deux en envoyant l’autre moitié...couper la putain de route des rebelles ?? De l’autre côté de la course poursuite, ça n’est pas mieux, pourquoi la flotte, étant plus rapide soit disant, ne prend pas de plus en plus d’avance ? Pourquoi ne pas avoir envoyé les frégates secondaires en mode kamikaze sur les poursuivants ? Pourquoi le Dr Sattler n’explique pas son plan à ses troupes (le suspens c’est tellement plus rigolo) ? Et pourquoi, nom de nom, si seul le vaisseau principal est suivi à la trace ne pas avoir fui en hyper-espace à bord des frégates ?
Bref…
Autre exemple, la séquence ‘Yoda’ du film. Au delà du coté un peu gênant d’un Yoda à la voix chelou et visiblement hyper guilleret, j’aimerais qu’on m’explique l'intérêt de la scène ??
Non parce que toute la discussion de Yoda et Luke n’a aucun sens, le premier incitant le second à devenir véritablement le maître de Rey… Sauf que le second se sacrifiant à la fin du film, sans même avoir revu Rey, ça va être compliqué de concrétiser ces belles paroles.
Sauf à faire revenir Luke en mode ghost bleu, ce qui parait assez plausible, mais quelque peu déplaisant de facilité.
Un dernier pour la route ?
Prenons l’attitude de Snoke. De deux choses l’une, soit il est aussi fort qu’il le pense et c’est à se demander pourquoi il ne voit pas le coup venir de la part de Kylo Ren.. Soit c’était du flan, ce mec était une fraude, un seigneur Sith de mouise, mais là, on est tenté de se demander pourquoi Luke ne lui a pas botté le cul quelques années plus tôt, ni pourquoi le gars joue à ce point la provoque avec son apprenti s’il n’est pas sur de le contrôler.
Un méchant Marvel vous dis-je.
Arrêtons là le tir.
Pour peu que l’on excuse les ridicules facilités scénaristiques et pour peu que l’on ne soit pas attaché à une certaine image de Star Wars, ce film n’est effectivement pas mauvais.
Pour les tatillons et pour les amoureux de feu l’univers étendu, l'expérience sera moins agréable.
Personnellement, j’ai un petit pincement au coeur à l’idée que ce nouvel univers Star Wars grandira sans avoir en son sein un maître Jedi comme le Luke Skywalker de l'ancienne histoire - que Disney appelle pudiquement aujourd’hui ‘Star Wars Légendes’.