Émettre une critique sur un film estampillé Star Wars, voilà quelque chose de bien compliqué. Quoi de plus passionné et passionnel qu'un fan de la Saga mythique de Georges Lucas ? Que l'on aime ou que l'on déteste cet épisode 8, il y aura toujours matière à froisser quelqu'un. Voilà pourquoi je fais cette précision d'emblée : j'ai adoré le film, l'ai vu deux fois, et bien que je compte expliquer pourquoi et comment, il serait bien téméraire de prétendre faire changer d'avis les réfractaires au film et à mon propos !
Tout d'abord, je pense qu'il convient de préciser que je ne vais pas redétailler le scénario. Si vous lisez ces lignes, je considère que vous avez déjà vu le film (hop, habile manière de se décharger de mes responsabilités en cas de spoil !).
En tant que grand aficionado de cet épisode, qui m'a laissé pantois, fébrile, émerveillé et ému, je vais tenter de vous expliciter ce qui en fait un grand film et une très bonne expérience Star Wars. Et pour ce faire, je vais détailler mon propos en trois points majeurs (c'est pas beau ça ?!) :
- Concernant le scénario, tout d'abord, la hype est totale. Après avoir vu et revu moult fois les divers trailers, je pensais déjà
savoir la moitié des choses qui allaient se passer. Or, force est de
constater que Rian Johnson bouscule toutes nos certitudes et amène
une patte neuve et innovante à cet univers si codifié ! Au centre de
ce scénario, il y a les relations Luke Skywalker & Rey ; Rey & Kylo
Ren. Personne, je pense, ne pourra nier à quel point Mark Hamill,
dans le rôle de Luke, crève l'écran. Et loin du personnage manichéen
auquel on aurait pu s'attendre, on a là un Luke plus classe et stylé
que jamais. Un Luke qui doute, un Luke humain en somme, mais qui nous
gratifie d'un final étonnant et détonant. Le frisson est garanti à
chacune de ses apparitions, et sa confrontation avec Kylo Ren
restera, pour ma part, l'une des scènes mythiques de la Saga. A coté
de cela, il y a aussi la relation Rey & Kylo Ren. Et de ce coté là,
c'est du même acabit : le personnage quelque peu stéréotypé de Kylo
Ren prend de l'épaisseur, surprend, et semble bien parti pour devenir
un personnage des plus intéressants. Kylo Ren, de par son coté
torturé, amène quelque chose d'inédit à la Saga : il ne s'agit pas
seulement de la lutte du Bien contre le Mal, de Rey (figure
lumineuse) contre son pendant obscur (d'ailleurs, on sent bien la
tension qui règne entre les deux, la curiosité de l'un pour l'autre
qui les anime tous les deux). Alors que l'on nous a souvent donné des
figures du Mal absolu (Sidious, Vador avant qu'il ne revienne du coté
clair), cette trilogie, et surtout cet épisode ose quelque chose et
le fait avec brio ! Enfin, concernant ce scénario, il y a l'histoire
des Rebelles, en bien mauvaise posture. Et bien que l'on soit
coutumier des combats à un contre 100 dans l'univers Star Wars,
jamais la tension n'a été aussi palpable que dans cet épisode.
D'ailleurs, ces Rebelles finissent pas s'en sortir, mais leur nombre
tient dans un certain Faucon Millénium ! De ce point de vue là, Star
Wars The Last Jedi est un pur film de guerre : face à un ogre tel que
le Premier Ordre, il n'est guère autre solution que la fuite, en
attendant de pouvoir revenir plus forts. Ce choix de scénario est
pour moi très fort et montre bien que depuis l'épisode précédent (qui
correspondait d'ailleurs plutôt à un cahier des charges), on est
montés sérieusement en gamme !
- Viennent ensuite deux autres points majeurs : l'esthétique et la technique. Et je ne vais pas y aller par quatre chemins : ce film
est une tuerie ! Les batailles spatiales, tout d'abord, sont
magnifiques. Rian Johnson continue le travail effectué surtout par
Rogue One en matières de combats spatiaux : jamais on aura autant
pris son pied à voir les vaisseaux virevolter et les croiseurs
exploser ! C'est tout simplement une claque visuelle ! La scène
d'ouverture est d'ailleurs une merveille du genre. Les X-Wing ont
toujours autant la classe, et les Bombardiers introduits dans cette
scène sont une très bonne idée, un souffle de renouveau parmi tous
ces vaisseaux que l'on commence à connaitre par cœur ! Les scènes de
combat au sol sont, elles aussi, d'une beauté toute particulière.
Mention spatiale à la planète de sel dont le sol décharge des tonnes
de fumée rouge à chaque impact de balle, à chaque explosion. Le rendu
est tout simplement magnifiquement esthétique. Je défie quiconque de
me dire qu'il n'y a rien de beau dans ces 13 speeders attaquant
l'armada ennemie, suivis de 13 nuages rouges, zigzaguant au gré du
speeder auquel ils correspondent ! Mais puisque l'on est dans le
dithyrambique, autant continuer et maintenant évoquer le combat
contre Snoke et ses gardiens. Là aussi le Rouge est omniprésent et
donne un rendu exceptionnel. D'ailleurs, le combat de Rey et de Kylo
Ren contre lesdits gardiens est parfaitement chorégraphié, et là
aussi très jouissif. De manière générale, cette prédominance du rouge
dans ce film est une superbe idée qui, encore une fois, dénote avec
tout ce qui avait été fait avant dans un Star Wars.
- Enfin, pour juger d'un Star Wars, on ne peut se passer d'une étude de l'ambiance et de l'esprit Star Wars. C'est d'ailleurs souvent
sur ce point que j'ai pu lire quelques critiques, que je ne partage
bien évidemment pas, comme vous pouvez vous en douter ! Déjà, quand
on parle de Star Wars, on pense forcément à un certain humour, à un
univers fait de personnages certes héroïques et charismatiques, mais
aussi et surtout, on pense Han Solo, on pense anti-héros, on pense
cynisme et humour incongru. Or, c'est fou ce que l'on rit devant ce
film ! Et il fallait au moins ça, quand on voit dans quelle situation
se sont fourrés les rebelles ! Bien entendu, il est facile de faire
le rapprochement avec cette tendance actuelle de foutre de l'humour
partout (Marvel, lis-tu ces lignes ?). Pour ma part, je trouve que ça
fonctionne et que l'on est pas dans le too much. Même les Porg, ces
petits êtres décriés depuis leur apparition dans le trailer de
lancement (car, oui, il me faudrait être vraiment malhonnête
intellectuellement pour ne pas reconnaitre qu'ils servent un but
marketing) se révèlent être adorables et attachants, et on ne peut
plus drôles (à leur insu d'ailleurs). Mais Star Wars, c'est aussi et
surtout des codes, des légendes, et des attentes tant scénaristiques
qu'esthétiques. Sur ce point, il est clair qu'il est toujours
difficile de convenir à tout le monde, tant l'attente est grande,
tant la Saga est déifiée. Pour ma part, je trouve que Rian Johnson a
réussi à faire du bon travail en ramenant le propos autour de la
Force. Des libertés ont certes été prises, certains choix ne plairont
pas (l'idée d'un Luke aussi torturé par exemple), mais on est bien
dans ce qui fait un Star Wars, dans ce mélange hétéroclite de
référence, et c'est tout ce qui compte !
Cela étant dit, on arrive à un moment crucial de cette critique. J'ai bien envie de revenir sur les divers propos très négatifs que j'ai pu entendre ça et là. Et quitte à jeter un pavé dans la marre, allons y gaiement !
Je lis ça et là que Star Wars VIII contient deux éléments scénaristiques majeurs totalement inutiles voire incohérents : l'axe Finn & Rose, qui finalement ne sert qu'à ramener un traître qui les met dans une situation des plus inconfortables et ne change rien au schmilblick des Rebelles ; et la destruction du Destroyer ennemi percuté par le passage en vitesse lumière du vaisseau amiral Rebelle.
Concernant l'axe Ross / Finn, je n'aurais que deux choses à dire :
- Bien que, certes, les évènements qui leur sont associés ne résolvent
rien, ces évènements permettent de mettre en lumière des questions
très importantes dans le développement de ces deux personnages. Je
parle ici notamment de la vision du bien et du mal d'un Finn qui,
sans ces pérégrinations, serait toujours bloqué à sa vision
manichéenne des choses.
- En outre, en quoi est-il pertinent de juger de l’intérêt d'une scène
sous le simple prisme du "ah bah voilà, l'action A permet de résoudre
B" ? Personnellement je trouve ça très fort de montrer un plan qui
part en sucette (permettez moi l'expression) et qui, du coup,
humanise grandement les deux protagonistes. C'est d'ailleurs l'un des
propos majeurs de ce Star Wars VIII : tout n'est pas seulement
question de lignée exceptionnelle et de héros. Yoda le dit
d'ailleurs, l’échec est l'une des meilleurs façons d'apprendre. En ce
sens, ces scènes, que je vois décriées sur la toile, sont majeures !
On en arrive alors à la question du passage en vitesse lumière du vaisseau Rebelle et de ce qui en résulte. Sacrée patate chaud que vous me refilez là dis donc ! En effet, beaucoup estiment que cette scène est soit totalement what the fuck, soit totalement incohérente. Et je peux comprendre l'argument : pourquoi ne pas avoir fait ça directement, pourquoi tous ces plans et contre-plans alambiqués précédent cette scène ? Pourquoi cela n'a pas été fait avant ? Et je répondrais en vous posant une question (promis je ne botte pas en touche !) : vous est il déjà arrivé d'avoir la solution de quelque chose devant les yeux, et de ne pas la voir, ou bien plus tard ? Ne pouvons nous pas admettre que, bien qu'il s'agisse de Star Wars, ces personnages sont des humains (du moins la plupart d'entre eux) capables de se tromper ?
Ainsi, ne pouvons nous pas juste admettre que cette idée intervient au dernier moment, dans un éclair de génie du personnage poussé dans ses derniers retranchements ? Personnellement, je trouve cette scène magnifique, et je ne comprends pas ce besoin de chipoter pour si peu. Mais passons.
Quoi qu'il en soit, il me parait important de conclure de la manière suivante : Star Wars The Last Jedi est un vrai Star Wars. Couillu, certes. Détonant et novateur, oui, j'en conviens. Un virage à 180° ? Une insulte aux personnages de la Prélogie, voire une insulte à l'univers que nous chérissons tous ? Certainement pas !
Star Wars The last Jedi est un film à couper le souffle, une ode aux batailles (tant spatiales que terrestres) star warsiennes et à la mythologie Jedi, un dépoussiérage osé mais réussi. Bref, retournez le voir ! C'est en tout cas ce que je compte faire, dès mon retour dans ma Normandie natale pour les vacances de Noël !