Conçu du début à la fin comme une bonne vieille paire de charentaises (un peu trop) confortables, l'épisode précédent, réalisé par le fanboy J.J. ABrams, avait perverti nos attentes. Le film de Rian Johnson allait forcément s'inspirer de L'Empire Contre-Attaque, sans prendre le moindre petit risque. Ne surtout pas décevoir les geeks, ne pas se mettre à dos les gardiens du temple comme George Lucas avait eu l'outrecuidance de le faire avec sa "prélogie" (trois films certes moches, mais passionnant sur le fond ou, du moins, relativement audacieux).
Surprise ! Même si le réalisateur de Looper emprunte effectivement à l'Episode V sa structure (une longue course-poursuite entre bons et méchants, un apprentissage, des trahisons et des révélations), les apparences sont trompeuses et rien ne se déroule vraiment comme prévu. A la noirceur prévue et forcée, Johnson oppose bien souvent un humour franc et rafraîchissant (merci les porgs ! merci Domnhall Gleeson !). Aux questions soulevées par le film de J.J. Abrams, Johnson offre un majeur bien tendu et préfère rabattre les cartes. Car c'est bien un esprit de rébellion qui habite Rian Johnson, celui-là même qui habitait George Lucas en 1977. L'envie de livrer un conte pour tous les âges, le besoin d'espérer, de rêver et d'exister par delà la déception que nos aînés finissent par susciter. Un message superbement délivré. Rian Johnson n'avait pas menti. Les Derniers Jedi est bel et bien un film d'auteur, avec un VRAI point de vue.
Mais c'est aussi un Star Wars. Et, à ce titre, le spectacle ne déçoit pas non plus. Batailles spatiales virtuoses, duels au sabre laser et climax dantesque répondent à l'appel, (presque) comme il se doit. Les vétérans de la saga brillent encore (Mark Hamill, Carrie Fisher et John Williams font le job et pas qu'un peu) et les petits nouveaux s'affirment (Adam Driver en tête). Seul défaut, avec 2h et 32 minutes au compteur, Les Derniers Jedi aurait gagné à perdre 15 bonnes minutes pour resserrer le rythme et ne pas souffrir de quelques longueurs à mi-parcours. Un excès de gourmandise tout à fait pardonnable. Après tout, on ne va pas en vouloir au bonhomme qui nous a redonné envie d'y croire.