[Attention cette critique contient des sploilers]
Il est bien difficile de juger le dernier épisode en date d'une saga telle que Star Wars sans avoir une quantité d'a priori avant d'entrer en salle. Quand on apprécie un minimum Star Wars, on a nécessairement des attentes, ou au moins une idée plus ou moins précise de ce que l'on veut voir ou ne pas voir à l'écran. Malheureusement pour ce 8ème opus sa plus grande force est également sa plus grande faiblesse : il ne répond à aucune des questions que les fans se posaient, ne corrobore aucune des principales théories échafaudées par ces derniers depuis la sortie de l'épisode 7, en somme il frappe là ou on ne l'attend pas.
Il frappe tout d'abord par sa mise en scène, comme lors des passages de connexion mentale entre Rey et Ben. On peut également noter l'étrange effet du passage où Rey se retrouve clonée en une infinité d'exemplaires ou lors du long moment de silence intersidéral qui sublime le sacrifice de la vice-admiral Amilyn Holdo. Et pour conclure le spectacle c'est l'affrontement final entre l'alliance rebelle et le Premier ordre dans un paysage désertique rouge et blanc qui m'a vraiment convaincu visuellement. Bien que film soit long, on ne voit pas vraiment le temps passer : il réemploie ce qui fait la force de la première trilogie et de l'épisode 7, un rythme soutenu, des dialogues simples mais efficaces, de l'humour et une bande originale qui met parfaitement en valeur les moments d'émotion et les moments d'action. Il exploite également aussi un point intéressant de la prélogie : l'analogie politique avec le monde réel (lorsqu'on découvre la cité casino, sorte d'Arabie Saoudite très très lointaine).
Il frappe par l'audace de certains éléments scénaristiques: l'idée de trancher le Supreme Leader Snoke en deux au sabre laser était inattendue et plaisante, l'idée de voir Leia utiliser la force pour retrouver son vaisseau était déconcertante, le passage où maître Yoda apparaît en fantôme à Luke était pour moi tout aussi surprenant mais exécuté avec une très grande cohérence avec la trilogie originale. Et enfin il y a le traitement si controversé du personnage de Luke, moins lisse, moins naïf et surtout moins idéaliste que par le passé. On remarquera également que pour la première fois dans Star Wars les rebelles ne parviennent pas à mener leurs plan à terme, ce qui prend à contre pied les habitués de la franchise et crée ainsi la surprise.
Il y a une quantité de raisons pour lesquelles j'ai apprécié ce film. La subtilité des références aux épisodes précédents, le dosage entre les scènes d'action et les dialogues, la qualité du suspens, mais ce que j'ai avant tout adoré dans cet épisode c'est sa capacité à surprendre, prendre des risques et innover sans jamais piétiner l'idée que je me fais de la saga Star Wars. Innover sans travestir semble être le défi périlleux que s'est lancé Rian Johnson, et contre toute attente j'ai été surpris de constater que cela était possible. Je suis finalement assez déçu qu'une grande partie des spectateurs ne partage pas cet avis. Et j'espère avant tout que le pouvoir de l'audience ne sera pas la menace fantôme planant sur l'épisode 9.