Et si "Les Derniers Jedi" était le Star Wars Ultime ?

On va pas s'le cacher, Star Wars est la saga la plus populaire de l'histoire du cinéma. Elle a traversé d'innombrables générations et n'a pas fini de bouleverser nos cœurs de spectateurs. Véritable pierre angulaire de notre pop-culture, cette saga déchaîne les passions à chaque nouvelles sorties et pour notre plus grand plaisir. Dans un premier temps considérée comme un chef d'oeuvre notamment avec la première trilogie, elle sera littéralement assassinée par une partie des spectateurs dans un second temps lors de la sortie de la prélogie à l'aube des années 2000.

C'est en 2015 que J.J. Abrams, réalisateur confirmé de Star Trek et Super 8, sort « Le Réveil de la Force », une œuvre de divertissement peu inspirée mais pourtant si séduisante par l'introduction de nouveaux personnages dans un univers familier, créant une furie de nostalgie et de magie enfantine. Ce septième opus de la saga sera pourtant décrié pour son manque d'originalité et sa prise de risque inexistante.

Et nous voilà en 2017 quand sort le très attendu « Les Derniers Jedi », huitième épisode réalisé par le talentueux et provocateur Rian Johnson, qui nous avait offert « Looper », une perle d'anticipation qui fut à l'époque un coup de cœur pour les cinéphiles.
Attendu au tournant, donnant de nombreuses réponses à des centaines de théories évoquées durant deux longues années par les « fans », ce nouveau Star Wars avait une charge assez lourde sur les épaules. On aurait pu craindre un manque de prise de risque, une pâle copie des épisodes V et VI ou bien un navet intersidéral vide et sans saveur. Est ce le cas ?

Et c'est avec grande satisfaction que je réponds « Non ! » à cette problématique. « Les Derniers Jedi » est sans doute l'une des œuvres les plus couillues, tordues, provocatrices et courageuse de l'univers Star Wars. Enfin un film qui prend des risques et qui va jusqu'au bout de ses idées, qui assume de laisser le passé de côté pour regarde vers le futur, quitte à perdre une partie du public en cours de route.

Mais alors, une autre question mérite d'être étudiée. Pourquoi le film divise autant le public ?

1 – Changement de ton

Malgré des fulgurances d'humour distillées au fur et à mesure du récit, il est notable qu'il y a un changement radical de ton par rapport à son prédécesseur. Ici, on est face à un film beaucoup plus mûre, subtil et intelligent (globalement). La grain de la pellicule de Johnson offre à l'image une noirceur contrastée donnant une dimension beaucoup plus pessimiste et complexe au film. De plus, on peut ressentir une certaine authenticité nous rappelant les grands classiques du cinéma, ce côté immersif qu'il manquait tellement à la saga depuis un certain temps.
Le montage alambiqué maintient une tension permanente et un véritable crescendo jusqu'à un « climax » qui atteindra des sommets.

2 – La frontière entre le mal et le bien est profondément ambiguë

Et cette notion est marquée par la relation entre Rey et Kylo Ren. Visiblement liés par la force, ces deux individus ne cessent de franchir les limites pour atteindre un juste milieu parfois déconcertant et déstabilisant. Tout est nuancé. Les personnages, campés par des acteurs époustouflants à savoir Daisy Ridley et Adam Driver, sont d'une rare profondeur pour un film de cet acabit. On est pas loin d'une introspection, d'une étude de caractère. Nombreux sont les comportements et gimmicks spécifiques aux protagonistes ce qui les rend uniques et non stéréotypés. «Les Derniers Jedi » est un peut être l'épisode le plus humain de la saga. On en vient à la partie suivante qui va brasser ces thématiques.

3 – La démystification d'une saga culte et idolâtrée

Ce point est peut être l'un des plus importants quand à la réponse à la problématique. Rian Johnson envoie un message brutal mais clair au « fans » : « ce n'est qu'un film ». Redescendez sur Terre ! Par le biais d'une écriture punchy et dense, Johnson démystifie tous les personnages iconiques de l'univers en commençant par un Luke Skywalker plus humain que jamais. Profondément torturé par son échec passé, son nihilisme a pris le pas sur l'espoir. Il ne croit plus en rien, ni aux « jedi », ni à la rébellion. Tout est voué à l'échec et le personnage nous le fait clairement sentir dans une séquence saupoudrée d'un zeste d'humour située au début du film. Et c'est cette rupture avec le passé qui va crée une évolution et un nouveau parcours initiatique pour Luke Skywalker donnant à la séquence finale tout son sens.
Par la suite, on peut évoquer peut être le plus gros « fuck » jamais adressé aux « fans » de Star Wars : la mort de Snoke, le suprême leader. Présenté dans « Le Réveil de la Force » comme le grand méchant de cette trilogie, c'est dans « Les Derniers Jedi » que toutes les théories farfelues ont été contrées. Tué par son disciple, Kylo Ren, Snoke n'a aucun fond, aucune profondeur, aucun background et c'est tant mieux. De nombreux spectateurs ont été profondément outrés par ce choix scénaristique tout à fait brillant puisqu'il redistribue les cartes en jeu et permet à Kylo Ren
d'accéder au statut de Suprême Leader et donc de s'imposer comme étant le grand méchant de cette trilogie.
Après avoir détruit les anciennes bases, Johnson impose un nouveau départ pour faire table rase du passé et se concentrer sur ce futur incertain.
J'ajouterai à cela que les théories sur les parents de Rey ont été prises à contre-pied avec brio et renforce la thématique principale du film : la force est universelle.

4 – Des choix scénaristiques radicaux

Et oui ! Johnson a eut carte blanche pour réaliser son Star Wars. En plus de l'avoir réalisé, il l'a écrit ce qui s'impose comme un véritable « blockbuster d'auteur ». Rarement il n'y aura eu autant de rebondissements inattendus dans un Star Wars. En plus d'être imprévisible, Johnson se permet même des choix de mise en scène risqués. Par exemple, des scènes bien plus contemplatives qu'à l'habitude et de grands silences créant ce petit frisson de l'infini qu'on aime tant. Et c'est selon moi dans un de ses choix scénaristiques que Johnson crée le gros défaut du film, à savoir la découverte de la force chez Leia. Pourquoi pas ? Mais la façon dont cette révélation est amené est sidérante et curieuse. C'est à mon sens, le seul gros point noir du film, qui va en dérouter plus d'un. Tout n'est que rebondissements, fausses pistes et twists. Rian Johnson casse les codes pour en créer de nouveaux et rien que pour ça, respect et bravo !

En conclusion, « Les Derniers Jedi » est une rupture radicale et amère pour les « fans », mais pour les cinéphiles initiés, c'est un pur moment de bonheur. Enfin de la prise de risque et enfin du renouveau.
Rian Johnson apporte de la profondeur à un univers qui en avait profondément besoin. Les thématiques sur la guerre, le combat contre plus grand que soi, croire en une cause, d'où vient le bien et d'où vient le mal ? C'est fascinant et on en redemande !

Dans plusieurs années, après ce bashing injuste et sévère, le public reconnaîtra à quel point ce film est grand, à quel point il est important dans cet univers si dense et à quel point il est peut être l'un des meilleurs Star Wars jamais réalisés. Il est le Star Wars ultime, celui que tout le monde voulait, mais n'était pas forcément prêt à recevoir.