Après nous avoir fait mariner pendant deux ans, voilà enfin l’épisode VIII de la plus grande saga cinématographique. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que cette nouvelle trilogie n’aura pas fini de diviser les fans, entre ceux qui aiment et ceux qui n’aiment pas. Alors autant pour Le Réveil de la Force, les reproches faisaient état d’un copier-coller d’Un Nouvel espoir ; autant ici, on reproche carrément aux Derniers Jedi de ne pas être Star Wars, ce qui n’est pas rien. Qu’est-ce que j’en ai pensé au final ? Ben j’ai beaucoup aimé, même plus que l’épisode VII. Alors sans forcément aller jusqu’à dire qu’il est meilleur que L’Empire contre-attaque (parce que surpasser chouchou, voilà quoi), Les Derniers Jedi reste quand même un bon Star Wars qui s’inscrit très bien dans l’univers.
Alors bien sûr, c’est à prendre avec du recul. On ne va pas se mentir, le film ne prend pas non plus des risques inconsidérés, mais il fait le pari de s’écarter de ce qu’on aurait pu attendre de lui, de prendre son public à contre-pied, et de déconstruire encore d’avantage la mythologie Star Wars. Et on peut comprendre les réactions de fans aux US, cette saga étant une mythologie moderne (il suffit de voir quand un péplum fait « nawack » avec les divinités de l’Olympe, le film passe au bûcher sans procès). Pourtant Johnson reste dans la continuité de la saga.
La Force n’a pas changé, ça a toujours été question d’équilibre, à la différence qu’on s’est toujours imaginé un équilibre avec la lumière d’un côté et l’obscurité de l’autre, quand ce film nous apprend que le véritable équilibre est entre les deux. C’est là que réside la Force, et cela ne contredit pas ce qui a été établit auparavant. Au contraire, cela renforce l’idée que c’était bien Anakin l’Elu. Ce n’est pas pour rien que le Côté Lumineux n’est jamais cité dans les films, on y parle simplement du Côté Obscur, dans lequel on bascule si on se laisse consumer par nos sentiments (peur, colère, haine, souffrance… ce sont des émotions il me semble). Et Les Derniers Jedi illustre parfaitement cet aspect-là de la Force. Alors oui, on zappe définitivement les midichloriens pour revenir à une explication plus spirituelle, mais ce n’est au final que le prolongement de ce qui a été établi dans les films précédent.
Donc oui, ce film est un film Star Wars. Au-delà de l’univers et des personnages, il s’inscrit dans la continuité de la saga.
Leia qui se balade dans l’espace ? Alors oui, éventuellement c’est un peu too much, mais il a été depuis longtemps établi qu’elle est sensible à la Force. Donc oui, il n’est pas impensable qu’elle puisse l’utiliser. Kyloe qui trompe Snoke ? Parce que Vador n’a pas réussi à berner l’Empereur à la fin du Retour du Jedi ? Snoke ne lit pas dans l’esprit de Kylo, il le sonde via la Force, et il en ressent les sentiments. Kylo s’enfonçant dans le Côté Obscur, Snoke n’y voit que des émotions brutes. Snoke le dit, Kylo s’apprête à tuer son ennemi. C’est une émotion, si violente qu’elle ne se concentre pas sur une personne en particulier mais un concept. Si Kylo avait ressenti le besoin de tuer Rey ou Snoke, ce-dernier l’aurait senti. Mais non, à ce moment du récit, Kylo est tellement dévoré par ses émotions que son esprit est désormais tourné vers une simple idée. Les parents de Rey qui s’avèrent être des ivrognes lambda ? Mais oui ! Exactement ! Les Jedi ont toujours été des enfants issus des quatre coins de la Galaxie, sans histoire, sans parenté « royale », simplement des « nobody » qui s’avèrent être spéciaux. Et ce message est magnifique, car il implique que tout le monde peut-être spécial. Après avoir passé six films à suivre les aventures d’une aberration de la Force et sa descendance, on revient enfin aux origines de la saga avec des Jedi issus de nulle part : la Force est partout, il n’y a pas besoin d’avoir un père ou une mère Jedi. D’ailleurs n’est-ce justement pas là toute l’origine du basculement d’Anakin ? Le fait qu’il est enfreint le code Jedi en se mariant et ayant des enfants ?
Après, pour ce qui est du film en lui-même, j’ai vraiment beaucoup aimé. Avoir été pris à contre-pieds sur un Star Wars m’a vraiment fait beaucoup de bien, mais c’est surtout l’intrigue même qui m’a vraiment convaincu. Cependant, il est vrai que le film n’est pas forcément égal sur toute la longueur. Certains points sont vraiment super, avec des fulgurances magistrales, et d’autres aspects sont un peu moins bons.
Je vais commencer parce que j’ai un peu moins aimé, à savoir l’intrigue entre Finn et Rose. En soit, j’ai beaucoup aimé la dynamique entre les personnages, même si leur rencontre est un poil forcée, mais ça s’enclenche très vite après et ils ont vraiment leur histoire à part. On y voit également l’évolution du personnage de Finn, qui découvre peu à peu le monde tel qu’il est réellement. Mais si c’est la partie que j’ai le moins aimé, c’est surtout parce qu’à aucun moment ça ne m’a transcendé.
J’aime bien l’idée que leur plan échoue au final, parce que bon c’était quand même tiré par les cheveux leur truc et ça aurait fait too much qu’ils réussissent, mais entre le personnage de DJ que je trouve plutôt fade, BB-8 qui perd un peu de son intérêt au cours du film, et tout le message derrière le commerce des armes et l’esclavage (que j’ai trouvés très chouettes, mais peut-être mal amenés) ;
ben au final, l’arc de Finn et Rose est un peu parasité et ne démarre vraiment qu’à la fin du film. Et c’est dommage, parce qu’on découvre alors un Finn très différent de celui au début du film, donc il y a cette sensation d’avoir le personnage qui a évolué, mais en avoir raté le chemin.
En soit, j’ai bien aimé que son fil rouge de Poe s’étende sur tout le film et qu’on le découvre enfin réellement, où on voit son évolution du début jusqu’à la fin. On commence le pilote un peu tête brûlée du précédent film, puis au fur et à mesure il se retrouve face à la conséquence de ses actes.
Il perd sa figure maternelle au profit d’une nouvelle figure d’autorité qu’il défit, comme un ado en fait, avant de comprendre qui elle est vraiment. Et on arrive au final avec un leader de la Rébellion à qui même Leia fait confiance.
C’est un peu hâché par moment, mais au final ça reste cohérent dans l’ensemble et bien plus marquant que l’arc de Finn et Rose. D’ailleurs, j’ai beaucoup aimé le personnage de la vice-amirale Haldo, qui joue parfaitement ce rôle de substitution : clairement, Poe la défit constamment sans forcément se rendre compte, et pourtant elle reste fidèle à ses positions. Elle joue donc un rôle primordial dans l’évolution de Poe, c’est grâce à elle
qu’il devient le leader qu’il lors de la bataille finale, il suffit de voir les décisions qu’il prend : il a appris de ses erreurs, il a mûri.
Ce qui m’amène au dernier fil rouge majeur : le trio Rey-Kylo-Luke. Et franchement, c’est de très loin la partie que j’ai préférée dans le film. Outre toute l’approche faite sur la Force et le Côté Obscur dont j’ai parlé plus haut, on y voit également une profonde évolution entre les personnages. Il y a tout d’abord Luke, rongé par l’échec, en exil sur son île perdue, et qui va lentement retrouver l’espoir qu’il incarnait. Oui, c’est vrai que ce n’est pas le Luke de la trilogie originelle, mais d’un côté c’était il y a 30 ans, même Han et Leia ont changé. Et pourtant, comme pour les deux autres, on retrouve également le personnage. Déjà dans Le Retour du Jedi on avait vu que Luke pouvait se laisser guider par ses émotions,
et son récit sur le basculement de Ben en est un autre exemple, j’ai trouvé que cela faisait parfaitement écho à son duel avec Vador.
Les deux leçons qu’ils donnent à Rey sont peut-être parmi mes passages préférés du film, car justement ça nous prend à contre-pied et nous fait comprendre ce qu’étaient les Jedi, et pourquoi Luke pense qu’ils doivent disparaître, et la Force. Et c’est en ça où son final est magnifique, non seulement parce que c’est bad-ass et en même très beau symboliquement, mais parce qu’on voit encore l’évolution du personnage.
Idem du côté de Rey. Son personnage n’est pas le même entre le début et la fin du film. Dans Le Réveil de la Force, je la trouvais un peu cheatée comme personnage, et j’avais eu du mal à m’y attacher. Et ce film a complètement changé mon opinion, parce que j’ai adoré l’évolution prise par le personnage. On débute avec un personnage en doute, en manque d’assurance, en colère également (contre Kylo, contre elle-même, contre Luke). Et au final, on se retrouve avec un personnage en paix avec lui-même. Rey a enfin trouvé sa place, mais surtout l’équilibre en elle-même. Elle a affronté la vérité sur ses parents, elle a pardonné à Kylo et elle n’a désormais plus peur de ses capacités. Ce qui rend d’ailleurs la dernière partie vraiment sublime :
la salle du trône avec Snoke ou lorsqu’elle libère le passage.
On sent toute la paix et l’assurance qu’elle dispose désormais. Et au final, ça rend le personnage plus attachante et moins cheatée. D’ailleurs,
si on fait le parallèle entre la fin et l’intervention de Yoda (que j’ai beaucoup aimée au passage),
on se rend compte que là aussi, le film n’est pas déconnecté avec le reste de la saga, mais prend seulement un nouveau chemin tout en restant dans la continuité de l’ensemble, ce qui devrait amener à un Nouvel Ordre Jedi.
Et on en arrive donc à notre Kylo Ren/Ben Solo. Et encore une fois, un personnage qui évolue drastiquement entre le début et la fin. Dans l’épisode VII, on avait au final un gamin avec un masque qui voulait simplement marcher dans les pas de papi. Et dans ce film, la transformation est pour le moins totale. Alors oui, il garde un peu son côté colérique presque puérile, mais je trouve justement que ça apporte une touche d’humour plus efficace que celle de Hux (sauf à de rares moments), ou même Poe (ouais, effectivement, la première scène était un peu too much). Et en même temps, ça lui donne une certaine profondeur, ça le rend humain. Mais au-delà de ça, c’est que dans cet épisode, Kylo
décide enfin de suivre sa propre destinée (comme le souligne Snoke d’ailleurs) : en détruisant les symboles qui le maintenaient dans le passé, il est devenu son propre personnage.
Et cette évolution est vraiment super, parce que c’est ce que j’attendais pour ce film. Bien sûr, il ne pourra jamais être aussi cool et bad-ass que Vador dans mon cœur, il faut arrêter de se bercer d’illusions ; mais le fait qu’il suive son propre chemin en se démarquant justement de Vador, ça j’ai trouvé que c’était super. Au final, Snoke
n’est qu’un personnage arrogant et vaniteux, que reflètent très bien sa démarche et ses vêtements, et ce n’est pas plus mal. Alors oui, c’est vrai qu’on aurait attendu ce climax à la fin du prochain film et non pas aux 2/3 de celui-ci ; mais je trouve qu’au final ce n’est pas plus mal, parce que ça permet justement à Kylo d’évoluer. Que Snoke reste un personnage mystérieux ou, encore mieux, un « nobody »
reflète assez bien la démarche prise par le film, même si ce n’est pas forcément bien amené.
J’ai donc beaucoup aimé ce film, parce que tous les personnages sont éparpillés (ce qui peut un peu hacher l’ensemble par moment) avant de se retrouver pour le grand final, épique à et magistral à souhait. Mais surtout, chacun des personnages principaux de ce film aura beaucoup évolué et allant dans des directions que j’ai beaucoup appréciées, ce qui le rend un poil supérieur au Réveil de la Force. En revanche, comme je l’ai rapidement souligné, j’avoue que l’humour sera sans doute le point le plus négatif de l’ensemble, avec certaines scènes qui fonctionnent très bien (notamment celle qui déchaîne les passions justement), autant d’autres beaucoup moins.
Le casting sera globalement bon, à l’image des personnages. Je ne vais donc pas trop m’attarder dessus, et simplement souligner que si je n’étais pas trop fan de Daisy Ridley dans le précédent film, elle m’a complètement convaincu sur ce film, à l’image de son personnage. Idem pour Adam Driver. J’ai aussi beaucoup aimé le rôle de Carrie Fisher, qui par moment retrouve même ses tics de la trilogie originelle, ce qui était vraiment chouette. Et puis bien sûr Mark Hamill propose ce qui est à mon avis sa meilleure prestation de la saga, faisant enfin de Luke un personnage qu’on a envie d’idéaliser et d’idolâtrer.
Sur le plan technique, pas grand-chose à reprocher. A part éventuellement au niveau de la musique du film. Alors non, ce n’est pas aujourd’hui que je vais critiquer chouchou John Williams et son travail sur Star Wars, mais simplement que cette BO n’est peut-être pas la meilleure de la saga. On retrouvera de très nombreux thèmes de la trilogie originelle (pour mon plus grand plaisir) ainsi que ceux des précédents films, mais ça sera parfois un peu sur-utilisé, parfois coupé avant de pouvoir vraiment décoller, ou alors un peu paresseux (la scène du Faucon Millenium dans les mines, c’est vraiment cool de retrouver la musique de l’attaque de l’Etoile Noir de l’épisode IV, mais pourquoi ne pas avoir fait un nouveau thème ?).
Alors oui, effectivement, les thèmes de la Force et de Luke seront pratiquement omniprésents dans ce film, mais justement ils auront l’avantage d’être très bien dosés. On retrouvera également quelques nouveaux thèmes, dont notamment celui de Finn/Rose (à moins que ce thème symbolise la Résistance ou la nouvelle Rébellion, mais c’est quand les deux sont à l’écran qu’on le retrouve) qui n’est pas mal, même si ça n’atteint pas la majestuosité du thème de Rey dans le précédent film.
Sur les autres aspects, franchement rien à redire. Les décors sont fabuleux, que ce soit les différentes planètes, Canto Bight (qui caricature Vegas jusqu’au-boutisme), les différents vaisseaux… Bref, encore une fois, c’est fabuleux de bout en bout. Idem avec les effets spéciaux, toujours aussi riches en détails et spectaculaire quand il le faut, avec notamment le visage de Snoke qui est incroyable. On notera encore une fois l’utilisation d’animatronique par moment. Quant à la mise en scène, Rian Jonhson propose quelque chose à l’image des autres films, avec des scènes vraiment riches et dynamiques, jouant très bien sur l’échelle. Et puis il y a des plans tout simplement magnifiques :
le saut en hyperespace d’Haldo, une pure beauté qui joue aussi bien sur le visuel que le son, la scène d’intro qui renvoi à La Revanche des Sith, le plan où Rey débloque le passage, ses entraînements, Luke sur son île…
Bref, des plans et une photo superbes, comme les bandes-annonces nous l’avaient annoncé.
Alors après, c’est vrai qu’il y a quelques incrustations sur fond vert qui fonctionnent moyen, et le montage n’est pas très bien maîtrisé de bout en bout. Plusieurs scènes coupent soit trop tard, soit trop tôt, et ça hache parfois un peu l’ensemble du film, notamment au début. On se rapproche d’ailleurs un peu d’un montage façon série, peut-être la raison pour laquelle je n’ai pas été trop fan.
Donc oui, Les Derniers Jedi m’a énormément plu. Que ce soit de par son histoire, ses personnages ou bien comment il réussit justement à s’intégrer dans l’univers Star Wars tout en prenant un nouveau chemin, déstabilisant le spectateur. L’exemple parfait de l’épisode de transition réussi de bout en bout ! Et si Le Réveil de la Force était le digne héritier d’Un nouvel espoir, on peut dire que de par sa construction et le retour des spectateurs à son sujet, Les Derniers Jedi est le digne héritier de l’indétrônable L’Empire contre-attaque, comme on nous l’avait promis lors de la production.