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Une fois de plus, je viens de m'enfiler cette petite merveille en prenant un pied fou. Starship Troopers c'est l'histoire de militaires du futur transportés dans des gros vaisseaux spatiaux,...
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le 1 janv. 2014
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Après les sulfureux Basic Instinct et Showgirls, Paul Verhoeven revient à la science-fiction qu’il avait déjà exploré avec grand succès, commercial comme critique, avec Robocop et Total Recall. Pour ce faire, il choisit d’adapter assez librement le livre Étoiles, garde-à-vous !, de Robert A. Heinlein, qui avait été salué en son temps pour sa qualité d’écriture mais qui avait aussi été l’objet de vifs débats quant à son plaidoyer sur la nécessité d'une force militaire forte dans un contexte de guerre froide bien tendu.
Voulez-vous en savoir plus ?
Si Verhoeven reprend l’univers du livre avec ses aliens insectoïdes impitoyables, reproduisant une forme de société que l’on peut percevoir comme métaphore du communisme (effacement de l’individu au profit du groupe, doctrine militaire basée sur le nombre et le sens du sacrifice…), et le point de vue du personnage de Rico à travers sa carrière militaire, c’est pour mieux en livrer une version parfaitement différente. Un film de guerre avec des gentils et courageux soldats contre des méchants et cruels insectes géants dans l'espace peut être perçu au premier abord comme un nanar au scénario sans intérêt mais c’est pourtant une vision plus audacieuse qui va nous être servie, une vision ironique et hyperbolique d’une société militariste et fasciste.
La narration entrecoupée par les clips de propagande, par lequel le film s’ouvre et présente son univers, est d’une implacable efficacité pour développer le propos critique du film. Il en va de même pour l’autre choix narratif majeur qui est de faire vivre l’intrigue du point de vue de ces jeunes occidentaux embourgeoisées de Buenos Aires, afin de conforter l’univers du film comme une véritable caricature des Etats-Unis car ils en reproduisent à leur échelle toutes les problématiques.
S’il l’on regarde le film à travers ce prisme, on constate qu’ils se croient supérieurs aux autres qu’ils se contentent de mépriser, qu’ils sont concentrés sur leurs problèmes personnels comme si le monde tournait autour d’eux, qu’ils sont dopés à la violence qui en devient un spectacle… L'état d'esprit de ces USA futuristes avec la définition d'un citoyen, de l'intérêt de la force, du caractère civilisé... amène ainsi à se poser des questions passionnantes que le film ne cessera de souligner en toile de fonds.
Qu'est-ce qui nous rendrait supérieur à une autre civilisation ? Comment et pourquoi distinguer l'usage d'une force légitime d'une force illégitime ? Devons-nous nous rallier aveuglement à notre gouvernement en situation de crise ou devons-nous le questionner plus que jamais ? On pourrait également citer en exemple les motivations des jeunes recrues dont beaucoup deviennent soldats parce que le système leur impose, service fédéral obligatoire pour aller à l'université, avoir un enfant, faire de la politique... Toutes ces questions font de Starship Troopers un film profond critiquant une Amérique qui est devenue sans s’en rendre compte la dictature barbare qu'elle prétendait combattre.
C’est très différent du livre qui aborde toutes ces questions pour présenter une société idéale selon son auteur, sacralisant la peine de mort, le sexisme, le militarisme… alors que là toutes ces thématiques sont abordés sous un angle cynique parfaitement adapté aux thématiques de son époque. Nous ne sommes plus en pleine guerre froide face à un adversaire sur lequel on serait tenté de projeter beaucoup de phantasmes et de prôner un pays uni face à la menace, mais juste après que les Etats-Unis l’estiment terminée avec leur modèle désigné vainqueur incontesté et qui aurait bien besoin d’autocritique.
De plus, Starship Troopers réussit très bien à mener une intrigue complète qui peut se suffire à elle-même tout en posant les bases d’un univers qui ne demande qu’à être exploré davantage. Et si ça sera malheureusement le plus souvent pour le pire, et c’est peu de le dire, on ne peut quand même pas en tenir rigueur à ce film dont la mission principale n’était même pas d’établir une franchise prévue d’emblée pour avoir ses suites. Mais qui s’est permis de le faire au passage à toutes fins utiles.
Le seul vrai problème à tout ça ce sont les raccourcis scénaristiques faisant que les personnages principaux se recroisent sans cesse comme par hasard, ça révèle des ficelles parfois un peu grossières. On pourrait aussi reprocher au casting principal essentiellement issu des sitcoms de ne pas être très prestigieux mais je trouve le choix intéressant en soi vu leurs rôles, c’est seulement dommage que les acteurs plus âgés leur donnant la réplique ne soient pas tous à la hauteur de Michael Ironside qui est le seul à vraiment se distinguer dans son habituel rôle de dur à cuire. Bien peu de problèmes au final.
Si les scaphandres autopropulsés et les armes à charge nucléaire du roman ne seront pas de la partie, l’action n’en sera pas moins très spectaculaire pour autant. Des centaines de soldats chargeant l’ennemi alors que les cieux au-dessus d’eux sont illuminés au rythme des tirs de batteries, une horde infinie d’arachnides infestant l’horizon sous le feu des mitrailles explosant le record de balles tirées sur un tournage, un vaisseau gigantesque coupé en deux par le plasma et explosant de toute part dans la panique générale de l’équipage… il y a de quoi faire.
Les insectes sont bien plus animaux dans cette adaptation que dans le roman, où ils y portaient tenues et armes, et leur design peut s’inspirer de créatures assez communes, comme les fourmis ou les araignées, ou beaucoup plus fantastiques, comme le cerveau dont l’apparence cauchemardesque aurait pu avoir sa place chez Lovecraft. D’une part, ça renforce la thématique du film quant à l’arrogance des hommes en raison de leur technologie. D’autre part, ça induit une mise en scène des combats très violente puisque c’est essentiellement au corps-à-corps que les humains sont tués.
Cette violence est en effet très explicite avec démembrements, gerbes de sang, déchiquetages… conformément à ce qu’on pouvait attendre du réalisateur qui s’est déjà illustré à de nombreuses reprises sur ce registre. Et ça lorgne même du côté de l’horreur pure et simple pour certaines séquences franchement parmi les plus viscérales du cinéaste, ce qui contribue aussi à donner au film une place à part dans sa filmographie. Et ça ne me pose aucun problème puisque cette violence est loin d’être gratuite pour souligner les thématiques du film.
Les affrontements vont profiter d’idées de mises en scène variées dont certaines d’entre elles pourront également souligner ces mêmes thématiques, comme les pièges souterrains ou les bombardements incendiaires rappelant la guerre du Vietnam. Le bestiaire arachnide et les armements déployés fonctionnent ainsi très bien pour assurer le spectacle, faire monter la tension, réserver des surprises… malgré les limites techniques inévitables de l’époque qui ne pouvait pas compter sur un numérique aboutie et abordable.
Ainsi, les effets spéciaux mêlent intelligemment le numérique pour démultiplier les créatures à l’écran de loin et le pratique pour des mouvements réalistes au premier-plan. Maquettes, prises de vue réelles et effets visuels sont ainsi conjugués très efficacement. Ces derniers s’inscrivent tous simplement parmi les plus hautes références de son époque, sous la supervision de Phil Tippett (Star Wars, Robocop, Jurassic Park…), même si l’oscar des effets visuels de cette année-là sera raflé par le mastodonte Titanic.
L’OST très orchestral sait se faire épique ou dramatique selon les besoins alors que certaines brèves mélodies rendront des hommages variés bien sympathiques, aussi bien à David Bowie qu’à la Horde Sauvage. Cependant, les bruitages manquent peut-être un peu d’identité pour ce type d’univers même s’ils sont efficaces. Ce n’est donc pas parfait mais nous n’en sommes vraiment pas loin.
A peine rentable en raison de la difficulté à marketer un film aux allures nanards et fascistes, Starship Troopers a su être compris pour ce qu’il était avec le temps : un grand film d’action aux super moyens Hollywoodiens maîtrisés et une œuvre de science-fiction sublimée par un discours antimilitariste intelligent et audacieux. Le genre de film qu’il n’est que trop rare de croiser, l’un de mes films préférés, au sein de la filmographie de son réalisateur mais même de manière plus large.
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le 27 août 2013
Modifiée
le 2 nov. 2024
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