Fait rare, je n'ai pas baissé la note de Starship Troopers après l'avoir revu. Si je le précise c'est parce qu'à peu près 80% des films que j'ai vus, appréciés et par conséquent (sur) notés sur la base de mes lointaines impressions d'ado boutonneux ont tous pris une mandale au revisionnage.
Ce qui en soit prouve bien, comme je l'ai d'ailleurs senti à l'époque où je l'ai vu en salle du haut de mes 17 ans, que derrière les vaisseaux spatiaux, les armes laser, les vilains pas beaux extra terrestres tout droit désignés dans le camp des méchants, les batailles et les moments de bravoure contractuels, l'héroïsme sans faille de jeunes américains vertueux aux couilles et ovaires "format pastèque" (©@Seigneur-Ao), l'élan de patriotisme, l'apanage du sens du devoir exacerbé, la fin a priori juste et morale en mode lecture au premier degré, il y a comme un petit quelque chose de pourri.
Et Verhoeven n'est pas américain.
Après un spot publicitaire d'enrôlement trop premier degré pour ne pas être ouvertement débile—et donc amené à être vecteur de critique sous-jacente—, le réalisateur de Robocop commence par nous servir ce qu'on croirait être un énième épisode de Beverly Hill, en appuyant bien le trait à renfort de jeunes premiers à tête de con et de minauderies de petite américaine bourgeoise à gros sourcils et brushing impeccable.
C'est tellement gros que ça en est écœurant, c'est fait pour d'ailleurs, et le fait d'avoir embauché Casper Van Dien et Denise-Ken le survivant-Richards aide beaucoup à renforcer l'impression.
Et kikoo Michael Ironside déjà privé de chocolat bien avant son rôle de manchot dans The Machinist.
Beaucoup d' insolence, un peu d'orgueil et un bal de promo plus tard, tout ce joyeux petit monde se retrouve dans un gros bordel mêlant entrainement militaire mixte avec gonzesses macho et lutte des classes (pfff), insectes hostiles géant, franche camaraderie, promotion militaire fulgurante, décapitation, empalement, romance, défense auto justifiée des valeurs humaines de la liberté et du capitalisme, défaite, bravoure, désespoir et victoire de l'Amér...de la justice et de la moralité sur une peuplade d'insectes géants hostiles dont on ne sait même pas pourquoi ils sont combattus avec autant de conviction. Après tout...qui a commencé ? Qui attaque et qui se défend dans cette histoire ?
Kikoo la guerre en Irak !
Ben oui, vous l'aurez compris on s'en tamponne en fait du decorum SF dans le fond; car en fait c'est quoi Starship Troopers ? Une jeunesse bercée aux idéaux prémâchés martelés à l'école, à des années lumière de la réalité du monde et des conflits meurtriers. C'est une jeunesse qui prend la propagande pour argent comptant, qui se bourre le mou en croyant que le summum d'une vie dangereuse c'est de se faire priver de dessert parce que c'est sorti avec Brenda bravant la permission de minuit et parce que ça veut devenir un héros au lieu d'aller en vacances avec papa maman. Starship Trooper reproduit le shéma dans lequel s'est engouffré toute une génération gavée au patriotisme et aux idéaux discutables prise dans les filets d'un appel du drapeaux offrant un aller simple pour l'enfer.
La mort c'est glam.
Dans la continuité d'un Robocop ou d'un Total Recall, Verhoeven s'affranchit largement du matériau d'origine (« Étoiles, garde-à-vous ! » de Heinlein) pour y poser sa touche d'ironie et de cynisme grinçant déjà à l'origine d'une grande partie de la réussite du premier film cité.
Il dépeint une société futuriste à la technologie avancée, peuplée de gens pour la plupart jeunes et en bonne santé (pour ce que l'on en voit), l'architecture est développée mais lumineuse, les rues sont propres, les progrès de la médecine permettent de régénérer les tissus grandement lésés et de réparer des membres cassés ou amputés, l'accès à l'information semble universelle, et en même temps cette même société est scindée en castes (Citoyens et Civils aux droits différents), la justice semble expéditive et sans balance , les exécutions ont encore cours et sont retransmises à la télévision, le châtiment corporel est pratiqué dans le corps censé représenter la défense des libertés (l'armée), et bien sûr, un bon citoyen est un individu qui fait preuve d'abnégation.
L'utopie, quoi.
Avec Starship Trooper, Verhoeven se paie la tête de l'Amérique de la guerre du Golfe, critique la censure en dénonçant son hypocrisie et son instrumentalisation, met en garde sur la réalité sans compromis qui se cache derrière les promesses de vie qu'on nous vend, le tout en usant de gimmick narratifs et visuels bien plus maitrisés qu'à l'époque de ces premiers films américains. En témoignent ces fameux spots publicitaires de propagande qui placent petit à petit le spectateur d'une position à une autre et l'amène à avoir plusieurs niveaux de lecture.
Si au début les messages à la gloire des forces armées pouvait galvaniser l'audience et la positionner de façon un peu primaire du côté des «gentils humains » n'aspirant qu'à se défendre contre l'envahisseur hostile, quand est il du dernier spot dans lequel on y voit le "cerveau" des arachnides être gracieusement torturé au nom de la science sur fond de message aussi enjoué qu'arrogant prônant la supériorité de la flotte fédérale ?
En témoigne aussi la scène précédente dans laquelle le personnage de Neil Patrick Harris lit dans l'esprit du "cerveau" fraichement capturé, et rend compte dans un silence religieux de la peur ressenti par la créature, ce qui a pour effet une explosion de clameur et de cri de victoire. Les frontières morales ne sont plus aussi nettes et amovibles qu'elles ne le paraissaient alors qu'un certain pathos à l'égard de la bête émerge. On se demande finalement qui est le plus impitoyable de l'homme ou de l'arachnide, du gentil ou du méchant.
Au final Starship Troopers n'est pas un chef d'œuvre, il manque parfois un peu de finesse tout de même, il traine quelques têtes de cons parmi les plus insupportable du paysage audiovisuel américain de la fin des années 90, et malgré des CG qui ne s'en sortent pas trop mal vu leur âge quasi préhistorique, l'aspect fauché de certains décors, véhicules et costumes lui donne des airs de téléfilm de TNT. Cependant, malgré les quelques défauts et petites incohérences qu'il accuse, le film s'avère encore aujourd'hui efficace et pertinent dans son traitement associant mélange de genres divertissant et léger, et critique politique et sociétale acerbe en filigrane.
En plus si vous aimez les films de fachos...