Une petite production Blumhouse d'épouvante qui tente une approche un tant soit peu originale d'un sujet a priori éculé ? On est plutôt preneur surtout lorsque ce deuxième long-métrage d'Akiva Goldsman, scénariste bien connu, préfère garder le coeur de son mystère secret pendant une bonne partie de sa durée pour mieux nous immerger dans l'étrange quotidien de sa petite héroïne.


Stephanie est une fillette qui s'est retrouvée à un moment ou à un autre à devoir vivre seule à cause d'une raison que l'on ignore encore. Quelques détails nous sont apportés ici et là sur les évènements qui ont conduit à cette situation mais rien encore de suffisamment précis pour une totale compréhension de notre part. Tout ce que l'on sait c'est que ses parents ont inexplicablement quitté la demeure familiale et qu'ils lui manquent terriblement. La petite fille passe ses journées à errer dans la maison et son jardin avec comme unique interlocuteur sa peluche préférée. Si son imagination débordante d'enfant lui permet d'affronter sa solitude, la relative tranquillité dans laquelle elle vit est souvent brisée par une présence monstrueuse dans le jardin qui va parfois jusqu'à s'infiltrer dans la maison...


Mieux ne vaut pas en dire plus mais sachez juste que les parents seront amenés à rejoindre l'équation à un moment ou à un autre (les noms de Frank Grillo et d'Anna Torv ne sont pas sur l'affiche pour rien après tout). La première partie vécue en immersion aux côtés de Stephanie (excellente petite Shree Crooks aperçue dans "Captain Fantastic") oscille brillamment entre la vision innocente de l'enfance sur les gestes les plus simples du quotidien et la menace redondante d'une présence de plus en plus envahissante que la fillette semble pourtant pouvoir contenir grâce à une série de règles. D'ailleurs quelle est la véritable nature de cette dernière ? "Stephanie" nous fait savamment hésiter en mêlant les codes de plusieurs genres (les films de fantômes, de monstre, de SF, ...) afin de mieux entretenir la finalité de son mystère et, surtout, en profiter pour toujours mieux nous attacher au sort de cette petite fille face à ce danger aux multiples formes, une donnée on peut plus capitale pour la suite des événements.


Le deuxième tiers du long-métrage fait donc entrer les parents en scène et offre progressivement les clés à la résolution de son énigme. Encore une fois, le film a la bonne idée de ne pas abattre l'ensemble de ses cartes tout de suite et se laisse le temps de dessiner l'amour bien réel qui existe entre Stephanie et ses parents malgré son abandon afin de préparer le terrain aux enjeux tragiques découlant de la véritable teneur de la révélation tant attendue. Celle-ci nous sera amenée par une addition d'éléments issus en grande partie de l'existence d'une dissonance toujours plus croissante dans cet amour parental et de nouveaux détails sur le contexte extérieur levant le voile sur l'inéluctable drame à venir.


Mais la grande question est bien entendu de savoir si les réponses apportées sont à la hauteur de nos interrogations suscitées par la première partie du film ? À vrai dire, on reste partagé.
Oui car "Stephanie" a pleinement réussi son pari de nous attacher émotionnellement aux deux parties en lutte dans l'intimité de ce huis-clos et rend palpable la tension dramatique autour d'un terrible dilemme inévitable (les efforts des interprètes en ce sens sont aussi à saluer).
Et non car le film souffre de l'insuffisance des détails disséminés en permanence sur le monde extérieur, leur nombre restreint donne tout autant l'impression de dissimuler un background en réalité bien trop classique qu'il crée une sorte d'inconsistance nuisant à la crédibilité de l'ensemble (il aurait en fait fallu l'étoffer un peu plus vers quelques pistes inédites pour le rendre vraiment réaliste).
Sur ce dernier point, il convient de préciser qu'après avoir été projeté dans des festivals, "Stephanie" a subi un re-montage drastique éliminant un point de vue extérieur qui devait sûrement développer sa mythologie (des scènes se déroulant dans un laboratoire notamment) pour recentrer le film en véritable huis-clos. Un choix qui, de toute évidence, aura eu des conséquences aussi positives que néfastes.


Enfin, la dernière partie, la plus faible, cédera aux sirènes de l'affrontement spectaculaire qui, s'il sera solidement mis en scène, n'offrira plus vraiment grand chose de nouveau au récit sinon une conclusion qui ne cessera d'appuyer sur la cruauté de ce mal, nous obligeant à abandonner notre humanité pour le stopper et conduisant ainsi quelque part à une autre forme de notre propre destruction si ce qui nous définit en tant qu'humain n'est plus.


Même si elle n'est pas aboutie, l'approche originale de "Stephanie", tout comme la construction qui en découle, mérite d'être saluée. Se distinguant sans peine du tout venant des productions habituelles Blumhouse par son ambition, le film partage, certes, quelques similitudes avec un certain roman de Stephen King dont on taira le titre mais il est au moins une vraie proposition de relecture de thématiques fantastiques bien connues, servie par une réalisation et une interprétation au diapason. Il est juste dommage que sa qualité perde considérablement en constance dans son dernier acte.

RedArrow
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le 14 mai 2018

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