Stories we tell est une œuvre hybride et, par conséquent, déconcertante qui, du fait même de l’intimité qu’elle met en exergue, tient le spectateur à distance. D’autant plus que tout ici est fabriqué, des archives reconstituées en super 8 au recours à des comédiens pour les rôles principaux. Cela sème le trouble chez le spectateur qui se sent floué et en porte-à-faux. Comme dans la plupart des familles, un secret est enfoui, qui concerne plus particulièrement la réalisatrice. Sa mère, décédée d’un cancer, est le pivot et le fantôme du film. Femme énergique, à la bonne humeur constante, elle connait cependant un destin tragique auquel sa fille ne parvient pas réellement à nous intéresser. Voir Diane Polley faire l’idiote dans les images d’archives et également corroborer dans ses faits et gestes tout ce dont ses proches témoignent s’essouffle très vite. Le dispositif de l’ensemble est tellement artificiel et obscur qu’il passe pratiquement à côté de son sujet, incapable de nous toucher. Le spectateur se sent pris en otage d’une émotion trop fabriquée (la scène de la succession des visages marqués par le chagrin et la douleur de la mémoire est proprement abjecte). En 2003, la réalisatrice bretonne Mariana Otero avait réalisé Histoire d’un secret, œuvre autrement plus intimiste et authentique que l’avalanche des interrogations quelque peu oiseuses et à l’universalité suspecte de Sarah Polley.