Chant du cygne douteux

Retour à la forme classique de strip-tease: une succession d'épisodes d’une vingtaine de minutes. 40 ans après sa création, ce format tient toujours la route. Les quatre épisodes proposés sont bons, mais ne cassent pas la baraque non plus. Peut-être chouettes à regarder à la télé, mais ils ne méritent probablement pas d'y consacrer une soirée ciné.

C’est peut-être pour ça qu’un cinquième « épisode » a été ajouté. A défaut d’avoir vraiment réussi à croquer de succulents personnages, d'avoir pu dénoncer des réalités choquantes, ou de nous avoir confrontés dans notre vision du monde, pour être sûr qu'on ne reste pas sur sa faim, les créateurs de Strip-Tease ont vendu leur âme au diable pour sauver la mise.

En l'occurence, Mesdames et Messieurs, pour conclure la séance, vous aurez droit à... la dissection d’un corps humain. Oui, oui, un vrai. Gratuitement, froidement, longuement, sans raison. Ben oui, pourquoi pas ?

On coupe dans la chair, on retire les organes un à un en amplifiant bien les sons gluants et flasques, on arrache même la peau du visage (oups, à un moment on le voit même assez pour qu'un proche puisse le reconnaitre). Tout ça pendant près de dix minutes en plan fixe.

Huhuhu, c’est dégueu ; hohoho, c’est rigolo. Dans la salle, beaucoup gloussent, rigolent ou se délectent de ce spectacle moyenâgeux insoutenable. D’autres mettent leurs mains devant leurs yeux en se demandant ce qu’ils font là. D’autres quittent la salle, sentant peut-être que quelque chose cloche dans ce qui est en train de se passer.

Car évidemment que quelque chose cloche ! Allô !? C’est un vrai corps humain. Au diable l’éthique, la dignité, le respect des morts ?? On est vraiment en train de jeter une dépouille humaine en pâture aux plus bas instincts du public, pour jouer à se faire peur ?

Tant qu’à faire, si tout est permis, on aurait pu faire ça avec le corps d’un enfant ? Ça, ce serait du spectacle ! Ou montrer un suicide ? Oh oui, un suicide in extenso ! Ou alors, je sais ! Le viol d’un enfant ! Si si, les parents sont un peu bizarres mais ils ont signé, ils sont d’accord, donc pas de problème.

Alors oui, certains y verront l’aboutissement ultime de la logique strip-tease : le magazine aura déshabillé la société jusqu'au bout. Une espèce de chant du cygne douteux de réalisateurs vieillissants. Tellement galvanisés par leur succès que leur seul but est de provoquer à tout prix, même en oubliant l’esprit de base de leur bébé.

Ben oui, si au moins cette scène racontait quelque chose. Ici, mesdames et messieurs, vous aurez l’incommensurable surprise de voir ensuite que le légiste pratique un loisir qui n’a rien à voir avec son boulot. Euh ? ... So what ?

Si au moins le gore était utilisé pour choquer à bon escient. Par exemple une infirmière qui torche le cul de grabataires, à qui elle n’a même pas le temps de parler parce qu’il y en a encore quarante après. C'est dégueu mais ça raconte quelque chose. C'est la réalité des hôpitaux en 2025. Mais non, c'est trop loin de leur tour d'ivoire. Les réalisateurs préfèrent cette scène de dissection purement gratuite, sans autre vocation que de divertir, de jouer à se faire peur.

Ou alors, c’est un énorme aveu. Une manière de conclure les quarante ans de Strip-Tease en admettant finalement que oui, Strip-Tease, c’était du gros foutage de gueule dès le début. Oui, tous ces gens étaient gratuitement jetés en pâture pour qu’on se moque d’eux. Et donc littéralement jusqu'à la mort. Sans le moindre égard. Bref, un ultime pied de nez à tous ceux (dont je fais partie) qui voyaient dans Strip-Tease une dimension empathique et humaniste.