STUPID THINGS (14,4) (Amman Abbasi, USA, 2017, 75min) :
Sensible drame naturaliste qui nous emmène dans une petite localité de l'Arkansas (Sud des Etats-Unis) pour suivre le destin chaotique de Dayveon, un jeune garçon afro-américain de 13 ans endeuillé par la mort de son grand frère. Sans repère, livré à lui-même dans une petite ville où un gang de voleurs et de dealers sévit au cœur de la communauté il va devoir apprendre à grandir. Pour son premier long métrage Amman Abbasi (ancien assistant du metteur en scène David Gordon Green) nous offre une chronique sociale sur le passage à l'adulte. Le titre original Dayveon correspondait mieux à la réalité du film, où la mise en scène resserrée dans un format 4:3 est centrée principalement sur son héros. En effet, dès les magnifiques premiers plans séquences où l'on voit l'ado sur son mountain bike s'évader, pendant qu'en voix off nous entendons la nature, son souffle et une anaphore colérique contre la stupidité du monde entier, la caméra ne lâchera que peu les pas de son jeune protagoniste...Le metteur en scène opte pour une image naturaliste d'une grande maîtrise formelle, entre soleil et crépuscule pour nous conter l'impossible deuil de ce gamin à l'aube de sa vie d'adulte. Ce long métrage concis est un poème empli de spleen (mais sans misérabilisme), où l'âme paumée de Dayveon va l'entraîner sur des chemins de traverses pour se forger une carapace pouvant l'abriter quand la vie ne verse que de la pluie. De rites initiatiques pour être adoubé par le gang au confort d'épaules bienveillantes où les larmes tentent enfin de s'échapper dans la chaleur de la nuit aux lumières chaudes comme pour mieux rassurer un cœur noircit par le chagrin. Le cinéaste compose ses plans avec précisions, la violence reste sobre, épurée, parfois en hors champ. Cette fiction indépendante évite le sensationnalisme pour mieux s'imprégner de sensoriel et décline une narration errante accompagnée par une splendide photographie ainsi qu'une délicieuse et émouvante partition musicale composée par Amman Abassi. Un vagabondage qui lorgne vers le cinéma de Malick et fait résonner aussi une certaine filiation avec Les Bêtes du Sud sauvage (2012) (premier long métrage aussi de Benh Zeitlin, réalisateur, scénariste et compositeur également de la bande originale de son propre film) dans son montage envoûtant et dans le combat de son jeune héros pour continuer d'avancer malgré tout. Ce parcours épique qui ne manque pas de lyrisme touche au cœur, par les interprétations particulièrement convaincantes d'une troupe d'acteurs non professionnels qui évoluent devant la caméra bienveillante de Amman Abbasi avec un naturel épatant. Prenez la route d'une salle obscure pour rencontrer dans la lumière cet attachant Dayveon (préparé à présent aux vilaines piqûres de la vie...), et pour lui prouver par votre amour que la vie n'est pas irriguée que de Stupid Things...Rageux. Mélancolique. Prometteur.