Annoncé par Fran(cisco), le chanteur-guitariste d'un groupe pop-rock de quatre copains habitant une petite ville côtière d'Argentine , ce moment "sublime" est le concert de quelques morceaux originaux qu'ils donnent (et aux répétitions desquelles on avait préalablement assisté dans le film) pour tous les jeunes invités à la fête-anniversaire de l'un des membres du groupe. Celui-ci est composé, outre Fran, d'un autre guitariste et second chanteur, Felipe (chez qui la fête a lieu : c'est son anniversaire), du batteur Mauro et, bien qu'on ne l'espérait plus au concert, du bassiste Manuel.
On sait, bien avant ce moment sublime annoncé par Fran, que les quatre ados sont élèves d'une même classe de terminale, jouent chacun d'un instrument, sont des passionnés de rock, créent ensemble leurs propres chansons, jouent au foot, ont des copines (presque toutes dans la même classe qu'eux) et que leurs familles appartiennent à la petite ou moyenne bourgeoisie de la ville. Mais en fait, dès le début du film, l'histoire se focalise sur Manuel (16 ans) et son meilleur ami Felipe. Ils se connaissent depuis tout petits, ils ont grandi ensemble, leurs familles se fréquentent, ils couchent chez l'un chez l'autre, ils composent des chansons ensemble, ils ont le même âge. Mais, alors que leur adolescence semblait s'écouler paisiblement, quelque chose vient troubler Manuel : il prend peu à peu conscience qu'il éprouve un sentiment spécial pour Felipe. Notamment, il rêve de lui (des rêves amoureux), et sa petite soeur qui partage sa chambre remarque et dit qu'il parle pendant son sommeil. Ses parents sont des gens assez cool, ils n'ont qu'un fils et l'entourent d'affection autant qu'ils peuvent ; son père surtout, qui partage son amour de la musique et qui, quand son fiston lui touche un mot de ses problèmes sentimentaux, dédramatise, essaie de le déculpabiliser, le rassurer par une attitude réfléchie et réaliste : pourquoi ne pas en parler à Felipe ?
Facile à dire, mais...
En attendant, Manuel épanche son tourment et ses doutes dans les chansons rock qu'il compose pour le groupe avec celui qui maintenant le trouble, mais qui ne voit en lui que son copain de toujours, l'ami avec qui il a grandi, son meilleur pote.
Le métrage prend pas mal de temps à installer le noeud de l'intrigue (l'attirance amoureuse que Manuel éprouve, malgré lui, pour Felipe et qu'il n'arrive ni à étouffer ni à exprimer), mais souvent filmé en caméra à l'épaule et plan rapproché, il reste très vivant. Et sa meilleure part réside dans les séances de répétition auxquelles se consacrent les 4 copains et membres du groupe rock, en vue du concert qu'ils doivent donner lors de la fête-anniversaire de Felipe.
"Tout" passe par les morceaux qu'ils créent et répètent. C'est là où la bande des quatre s'éclate et se révèle particulièrement ; c'est un temps de fusion, de communion. Les morceaux joués sont entraînants, pertinents, excellents (et tous, en fait, signés Emilio Cervini, un compositeur de musique qui, clairement, touche sa bille dans le domaine). La façon, dont s'imbriquent et se répondent morceaux de musique et images évoquant les séances de répétition du groupe, mais aussi leur vie quotidienne et leur microcosme amical, est franchement très réussie. En fait, les sentiments et émotions du groupe sont exprimées par des paroles de chansons et des notes de musique (ainsi dans : https://www.youtube.com/watch?v=dZn6mm3NBIY)... sauf que seul Manuel semble conscient du message subliminal qu'elles contiennent. Les trois autres trouvent "géniales" les paroles qu'il propose, sans s'interroger autrement.
Je ne vais pas en dire plus sur le scénario, mais sachez quand même que l'histoire culmine et bascule, non pas vraiment lors du "moment sublime" annoncé par Fran, mais plutôt juste après, durant la soirée qui suit et que le groupe a organisée pour tous leurs copains et copines de lycée ou autres.
Manuel est joué avec beaucoup de naturel et de justesse par le jeune Martin Miller (il porte en bonne partie la complexité du film sur ses épaules) ; Felipe, c'est Teo Inama Chiabrando (physiquement plus mignon, talentueusement peut-être un cran en dessous, mais il est vrai que ça n'est pas facile pour un jeune homme de seize ans de tenir son rôle) ; Fran est, lui, joué par Joaquin Arana (qui se révèle être un chanteur très physique, expressif et "habité") et le batteur Mauro (la "force tranquille" et paisible du groupe) par Facundo Trotonda.
Les parents et la petite soeur de Manuel sont très heureusement, naturellement personnifiés. Les filles (Azul, Iara, Sol, ...) liées au groupe et notamment à Manu et Felipe, ont surtout des rôles de complément (de copine, ex-copine, confidente), mais jolies et bien castées, elles équilibrent le propos et, artistiquement, tirent leur épingle du jeu.
Et puis il y a la présence visuelle et sonore, puissante, de l'océan Atlantique, la fraîcheur de son haleine, ses immenses plages de sable, sur lesquelles les quatre copains disputent des parties de foot toujours recommencées (on n'est pas en Argentine pour rien).
Sublime prend alors un petit côté paradis terrestre d'avant le péché originel.
Je conclus. J'ai trouvé l'opus plutôt malin au niveau de la conception et plutôt bien filmé. Les interprètes sont bons et sympas. La direction musicale de Cervini est top, la bande-son : excellente. Et, sans avoir l'air d'y toucher, le premier long métrage du scénariste et réalisateur argentin Mariano Biasin traite, avec sensibilité, optimisme et beaucoup d'habileté, le thème des amours adolescentes, de l'intrusion du désir dans une relation jusque là amicale, et de la confusion des sentiments. Je ne m'y suis pas ennuyé.
Je vous ressers un peu de Cervini avant que vous ne quittiez l'Argentine : https://www.youtube.com/watch?v=mVgE01fBWPE