Substitute
5.1
Substitute

Documentaire de Vikash Dhorasoo et Fred Poulet (2007)

Ça faisait depuis un moment que je voulais voir ce film (enfin documentaire), quasi introuvable, ayant enfin mis la main dessus je me suis dit que j’allais pouvoir retourner en 2006 au moment où la France avait encore une vraie équipe de foot, et c’est Vikash Dhorasoo qui allait m’y réemmener. C’est à travers l’objectif de sa caméra super 8 accompagné du réalisateur Fred Poulet qu’il va filmer son expérience en Allemagne durant la coupe du monde, et elle va se révéler être d’une tristesse sans nom ...


Bon je ne m’attendais pas à un truc du style Les Yeux dans les Bleus, il est clair que le projet est bien plus intimiste et qu’il devait mettre en évidence le rôle effacé du remplaçant, c’est Thierry Henry qui disait qu’en 2010 il n’avait plus le même impact dans le vestiaire après avoir perdu son statut de titulaire, il était mis de côté tout Henry qu’il est, seuls ceux qui jouent ont le droit d’exister et de mener les débats, c’est la règle du jeu. C’est la vie de groupe, et il faut aussi dire que Dhorasoo avait la lourde tâche d’être en concurrence avec Zidane au poste de meneur de jeu, autant dire que le banc lui était légitimement réservé, alors Vikash choisit de faire de son petit séjour une sorte d’introspection. Il va se filmer cloitré dans sa chambre, exercer des travellings dans les couloirs de l’hôtel, et entre temps retrouver son co-réalisateur pour échanger de tout et de rien, enfin surtout de rien.


En fait on comprend le principe de base, l’idée pouvait être sympa mais personnellement je n’y ai pas vu de véritable intérêt, ce truc est complètement excluant en fait, c’est une private bad joke, pourtant le début est pas trop mal lorsqu’il nous dévoile les quartiers du Havre où il connu ses premières heures de footeux professionnel, mais ensuite c’est du vide total. C’est peut être l’effet voulu de montrer du vide, parce qu’on sent qu’il a vraiment vécu une coupe du monde difficile de son côté, complètement à l’écart, volontairement ou non, il ne nous dévoile pas la vie de groupe (avait il le droit par rapport à une hypothétique clause de confidentialité audiovisuelle ? Je ne sais pas), il se fait chier, donc on se fait chier … Et puis il se confie par téléphone avec Fred Poulet en se lamentant "Pourquoi Domenech m’a trahis ?", "J’ai joué que 6 minutes 'ouin ouin'", et l’autre filme ses hôtes ou les matchs vu des tribunes en zoomant sur la banc des remplaçants, passionnant quoi, hum.


Mais ce qui m’a vraiment foutu en rogne c’est l’orgueil de Dhorasoo, je veux bien qu’un joueur puisse être triste de ne pas jouer mais en venir à vouloir avoir envie de se barrer après une victoire en 1/4 contre le Brésil là je ne pige pas du tout, j’ai des images qui me reviennent des Yeux dans les Bleus où des Candela, Vieira ou Diomède vivaient très bien leur statut d’hommes de l’ombre, souriants et remobilisant les troupes, là le Vikash il s’en fout complètement. Il ne cesse de dire que c’est une chance malgré tout d’être dans les 23 etc mais il se contredit lui même en ne filmant que de la merde, c’est comme si j’allais à la soirée privée d’une star que j’adore et que je me filmais dans les chiottes en me plaignant des petits fours; je crois que justement il n’a jamais profité de quoi que ce soit, c’est vraiment triste. Le plan le plus significatif c’est lorsqu’on le voit tout seul les mains sur les hanches au milieu du terrain après la qualification en finale contre le Portugal alors que tous les autres sautent de joie et/ou se congratulent, ce sont des moments d'exception à savourer dans une carrière, titulaire ou non, et lui s’en cogne, c’est limite scandaleux d’être aussi vaniteux.


Au final je ne sais pas trop ce que je peux retenir de ce film surtout que le projet de filmer en super 8 n’est même pas pertinent, ça ajoute un petit effet rétro, pourquoi pas, on va dire que c’est original, mais après peut on dire que c’est un parti pris artistique ? Je ne sais pas. À la limite intervertir avec des plans numériques entre le monde extérieur et l’isolation ça aurait pu ajouter un certain sentiment, et encore. Reste tout de même quelques petits fragments sympathiques captés ici et là comme ses retrouvailles avec son coéquipier en club Pauleta dans les couloirs du stade de la demi finale, les vestiaires après la défaite contre l’Italie, mais c’est très très rare, en fait ça manque de vie, au delà de dévoiler celle du groupe on ne voit même pas la sienne, enfin celle que devrait avoir un joueur de foot dans ce genre de compétition. Il fait tout à l’envers, et j’imagine qu’il se croyait malin en procédant ainsi, j’en viens même à me demander si ça ne lui ai pas monté à la tête de réaliser son petit film de son côté, genre "je me cadre devant mon miroir parce que je suis complexe et torturé quoi, et puis quand je ne sais pas quoi faire je lis un bouquin pendant que les autres jouent surement à la console", bref outrancièrement surfait.


1h10 de vide donc, impertinent et inutile, si ce n’est pour mettre en lumière l’égo d’un joueur de foot, on s’ennuie et on s’en fout, ça restera peut être pour lui un petit film de vacances mais quel est l’intérêt pour le spectateur dans l’histoire alors ? J'imagine que certains y verront un quelconque message, le cri du cœur d’un "coiffeur" dépressif, mais personnellement ce que je voulais voir c’est la vie de groupe, le rôle du mec dans ce même groupe, comment les éléments gravitent autour de ce point, qu’il y ai un minimum de substance pour construire une chronique. Que neni.

JimBo_Lebowski
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le 8 juin 2015

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JimBo Lebowski

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