Summer fonctionne grâce à son atmosphère envoûtante, planante, comme cet avion qui vole à travers le ciel, qui fait des tours et des détours, alors elle a peur, alors elle tombe, et après elle lui fait la gueule là, à l'autre.
Ambiance sourde, en permanence aiguillée par l'imposant bruit du moteur d'avion. Magie envoûtante, sensuelle, qui rappelle de part son ambiance, un quelque chose à la Rohmer, candeur juvénile, lumière chatoyante, soleil emplissant le monde, aux travers des arbres, partout où l'on pose son regard. Été où les peaux se découvrent, laissant apparaître la nudité sur les corps des deux jeunes filles.
Mais malgré une atmosphère sensuelle, sidérante, métallique, sourde, enivrante, planante, le tout décuplé par une bande-son sublime, on reste sur sa fin, à grands pas. On ne s'attend même pas à ce que le film se finisse, transportée que l'on est par cette ambiance indescriptible, où les mots se font rares, où les êtres humains se tiennent à fleur de peau dans l’embrasure d'un monde.


Il suffit de voir cette scène, d'une rare intensité, monologue sidérant d'une mère, à la limite de l'émotion. Désespoir qui fait penser à cette femme dans le Tom à la ferme de Xavier Dolan, performance extraordinaire.
La mère se tient seule dans l'encadrement de la caméra. Elle dit la beauté, elle essaye d'expliquer la sensation d'une musique, d'une danse. Je ne sais plus très bien. La scène est à fleur de peau, accompagnant l'intensité de cette femme, fragilité des êtres, émotions qui sortent sans prévenir, ici sa voix est infiniment fragile, sur le point de se briser, et ses yeux s'emplissent de larmes. La gorge se noue, et l'émotion envahit l'écran, le temps d'une scène humble, profondément fragile, délicatesse qui rentre dans les moindres pores de chaque peaux. Rareté de telles scènes, uniques instants, performances à couper le souffle. Ce sont ces monologues là que je préfère au cinéma, ce sont toujours ces performances ahurissantes, ces personnages qui parlent seuls, alors il y a les gestes, tous les gestes, les regards, les façons de parler. Infime difficultés de telles scènes, qui emportent jusqu'au ciel. Uniques instants où l'acteur est seul devant la caméra et assure d'une façon indescriptible. John Cassavetes, Scorsese, Eric Rohmer surtout, c'est beau, c'est indescriptible, il n'y a aucun mots pour décrire l'intensité émotionnelles de telles scènes.


Les personnages sont comme la fragilité de cette femme qui essaye tant bien que mal de décrire l'émotion qui la traverse, celle de la danse, indescriptible, qui l'envahit de toute part.
Mais cette fragilité indicible, cette pudeur chez chacun des personnages et chez les deux filles, ne fait en rien avancer la narration, provoque au contraire un manque d'empathie chez les personnages, impassibilité qui nous empêche de rentrer dans l'histoire, car d'histoire, il n'y a pas grand chose pour ainsi dire, plutôt une sorte de fil conducteur beaucoup trop mince, provoquant chez le spectateur le désir d'en savoir plus, mais de plus, il n'y a rien, alors on reste sur sa faim, le ventre vide, avec cette ambiance à la place, cette belle ambiance.


Ainsi, le film excelle essentiellement de part cette atmosphère étrange, profondément irréelle, rêveuse.
A part ça, on passe notre temps à attendre. L'attente d'un rien, de quelque chose, d'une certaine histoire, ici blasée, décomposée, absente d'elle-même, autre part, dans les nuages, sur la lune. On ne sait également rien de cette profonde mort latente qui attend en arrière fond, dans les tripes, et qui n'est jamais dit explicitement.
Car Summer porte dans ses tréfonds une sorte de bouleversement indescriptible. Le désir de la mort, partout dans les regards, dans les larmes, bouleversantes à en couper le souffle, la gorge serrée. Il y a cet espèce de désir de mort, profond, atroce, les scarifications sur les avants bras, et ce désespoir, immense, sur le visage de Summer, impassible, qui s'effondre en larme sur le toit d'un immeuble. On ne sait pas. Veut-elle mourir ? A-t-elle simplement peur du vide ? Désespoir indicible, et après on se serre dans les bras, intensité éclaboussant le monde de larmes, éboulement, bouleversement d'une simple scène.
Alors tout s'effondre, la pesanteur lourde, grave de cette mort impalpable, de ce désespoir infime, indicible, seulement ressenti, ou suggéré.
Il ne sera pas question de cela dans le film. Cette mort sur les peaux, scarifications sur les avants-bras, désir d'en finir. Tout ça reste en arrière fond, impalpable, et c'est d'autant plus fascinant que ce n'est pas dit clairement, cette histoire de mort, d'un désespoir à couper le souffle.


Un beau film, une belle ambiance. Mais dont nous ressortons avec une impression d'inachèvement grandiose.

Lunette
7
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le 1 août 2015

Critique lue 373 fois

8 j'aime

Lunette

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