Super Dark Pépite

Un "Stand by me" situé dans les années 90 ? Oui mais dans un premier temps seulement. "Super Dark Times" nous plonge effectivement au coeur de l'amitié de deux adolescents, Zach et Josh, dans une petite ville américaine qui semble perdue au coeur des forêts. Les filles, les discussions autour des super-héros, les sorties en vélo, les jeux vidéos,... Le film nous relate avec une légèreté très réaliste leur quotidien pour échapper à l'ennui de la morne réalité de ces petites communautés oubliées par les années Clinton. On pense aussi à "Donnie Darko" pour ce souci de la reconstitution d'une époque où Internet n'était encore qu'un terme futuriste et la nostalgie diffusée par une excellente bande originale qui parlera forcément à ceux qui ont y grandi.

Puis arrive l'élément ô combien dramatique par sa cruelle bêtise et que l'on pourra juger "classique" de prime abord par le fait que l'on en croit déjà connaître toutes les conséquences possibles mais "Super Dark Times" va se montrer bien plus intelligent par le traitement qui leur réserve.
S'installe dès lors une ambiance pesante, aussi lourde que la culpabilité qui paralyse les protagonistes et qui semble traverser l'écran pour imprégner le spectateur. Impossible d'en réchapper, on se retrouve ainsi contaminer par les mêmes symptômes de sentiments contradictoires qui habitent les deux lycéens dans cette perdition inévitable vers laquelle ils semblent tous deux se diriger.
D'autant plus que le film va nous raconter une double fracture. Il y a d'abord celle de Zach pris dans un étau entre la situation terrible qu'il vient de vivre et le rêve sentimental de tout adolescent de son âge qui s'est concrétisé quelques instants à peine après la première. Ce paradoxe entre ces deux extrêmes émotionnels ressentis quasiment au même moment lui fait perdre pied, amenant une confusion entre eux qui se traduira par exemple le temps d'une superbe séquence onirique dans la forêt.
Et il y a la fracture d'amitié entre Zach et Josh qui ne gèrent pas les conséquences de "l'incident" de la même manière. Le film reste trouble un moment sur la nature de la direction que va prendre leur relation comme pour mieux montrer l'impossibilité d'un statu quo.
Mais, très vite, à travers le regard de Zach, on sent que quelque chose de radical s'est enclenché, une violence viscérale inattendue va alors faire son apparition et va amener "Super Dark Times" sur le terrain du thriller d'une froideur aussi pure que le vide environnant de cette petite ville. En ce sens, le dernier quart d'heure qui l'exposera à l'écran sera véritablement suffoquant et il sera impossible de ne pas souffrir aux côtés des personnages emportés dans une situation aussi incontrôlable que teintée d'un réalisme terrible.

On sortira de "Super Dark Times" sur les rotules, presque épuisé par ce flot d'émotions diffuses par lequel il vient de nous faire traverser mais que l'expérience était bonne et sûrement à même de nous posséder encore longtemps après son visionnage ! Kevin Phillips est encore un nom à rajouter à la longue liste des réalisateurs passionnants à suivre de près, à ne pas en douter.