Le film de crocodile est aujourd'hui presque devenu un genre en soi au sein des films à bébêtes.
Le passé lui a d'ailleurs offert de beau morceaux.
Sans remonter jusqu'aux combats à mains nues de Johnny Weissmuller dans les vieux Tarzan, je pense notamment au Crocodile de la mort de Tobe Hooper (1977), asssez marquant pour l'époque, mais qui a pris un méchant coup de vieux (sans parler de l'atroce VF que nous a infligé Wild Side pour la sortie DVD).
Mais la palme revient à l'excellent L'Incroyable alligator de Lewis Teague (1980) , totalement méconnu et sous estimé chez nous alors qu'il s'avère un très efficace thriller impeccablement mis en scène et au suspense redoutable, sur un scénario de John Sayles, excusez du peu... Le film aura d'ailleurs à lui seul créé une légende urbaine: celle du petit croco jeté dans les toilettes et qui devient gigantesque faisant des égouts son terrain de chasse.
Immédiatement, les nanardeux ritals s'empareront du Saurien en l'accommodant à la sauce bolognaise... Plus gores, plus sexys, plus rigolos, plus amateurs mais dégageant un tel parfum de Z qu'ils en devenaient de vrais régals.
Je pense particulièrement aux deux crocos-écolos des Killer Crocodile 1 (1989) & 2 (1990) de Fabrizio De Angelis et Giannetto De Rossi - pour le plus sympathique - et à Le Grand Alligator (1979) de Sergio Martino pour le sex appeal de Barbara Bach et pour beaucoup plus d'ennui, malgré un travail remarquable sur la très belle maquette de l'alligator...
Et puis après des années de désuétude... Le croco revient à la mode avec l'excellent et hilarant Lake Placid de Steve Miner (1999) qui assume parfaitement son statut de série B, offre des effets spéciaux tout à fait parfaits et pimente la sauce d'une bonne dose d'humour et de second degré dans les dialogues comme dans son surprenant scénario qui en font un spectacle très réussi et parfaitement fréquentable.
Depuis le reptile géant semble avoir repris du poil de la bête et fait un retour en force dans le cinéma de genre. Deux exemples fameux en sont l'illustration flamboyante, la très bonne série B de greg McLean Rogue (AKA Solitaire et sorti en DVD sous l'idiot titre de Eaux Troubles) dont la mise en scène est assez ambitieuse et intègre magnifiquement l'ampleur des paysages australiens, dont les effets spéciaux numériques sont assez réussis et qui - surtout - ne pétant jamais plus haut que son cul, s'avère une excellente série B.
Mais surtout, l'Australie nous aura offert ce qui restera sans doute comme la plus belle bande horrifique du genre avec le furieusement flippant et formidable Black Water qui s'impose sans conteste comme LE chef d'oeuvre du genre. Un film simple mais parfaitement maitrisé et jouant à merveille sur les peurs les plus primales et ayant surtout le culot et l'intelligence d'utiliser de vrais sauriens qui - si l'on s'en réfère aux théories, vieilles comme le monde, d'André Bazin - auront toujours plusieurs longueurs d'avance, car cette fois le cinéma montre mais ne triche pas, en tous cas il en donne l'illusion.
Et puis on pourrait également citer à ce titre le très bon Primeval (2007), reposant lui aussi sur ce principe de l'utilisation alternée de vrais animaux (souvent) et d'effets numérique (rares) est se montre une série B tout à fait estimable.
Le succès relatif de ces trois films semble d'emblée avoir relancé la machine mais cette fois, ce n'est pas le cinéma de genre italien (tristement moribond...) qui récupère le bébé avec l'eau du bain, mais bel et bien le marché américain du DTV.
Ces dernières années, fleurissent donc des téléfilms à budget réduits, parfaitement calibrés pour un public large (violence modérée, scénarios simplistes...) et destinés à la vente directe en DVD avant une diffusion en petites pompes et en VF sur les chaines de la TNT (TF6, NRJ12...).
Dans cette catégorie, en 2006, Dinocroc (production Roger Corman...) avait plutôt été une agréable surprise, parvenant aisément grâce à de bons acteurs, à une mise en scène médiocre mais dynamique et des effets spéciaux étonnamment réussis vu le budget, à se hisser au potentiel de sympathie des nanards italiens des années 80. Rien d'inoubliable, certes, mais, du chewing gum pour le cerveau de l'amateur de Z que je suis.
Malheureusement, ces "qualités" font cruellement défaut à SuperCroc (2007) et ce dernier souffre vraiment ici de la comparaison avec tous les films précédemment cités, y compris Dinocroc...
Son scénario, d'abord, tellement banal et balisé qu'il suscite d'emblée l'ennui le plus profond.
On se retrouve dans une espèce de remix de Predator et du Monde Perdu de Steven Spielberg (dont le film est parfois à la limite du plat-giat) à la sauce croco, qui nous refait pour la énième fois le coup de l'opposition Militaires/Scientifiques, les uns se battant pour détruire la bête, les autres complotant pour en sauver les œufs afin de les étudier.
Le film est constamment coupé en deux: les scènes "Predator" où les militaires servent d'apéritif au croco et les interminables et affreusement bavardes scènes de la base militaire ou des officiers et scientifiques passent leur temps à débiter des âneries au kilomètre en fixant d'un air soucieux un écran radar infesté des loupiotes clignotantes.
Le film s'avère dès lors d'un tel systématisme dans cette alternance et d'une telle lenteur qu'il en devient un vrai calvaire, d'autant qu'il sonne constamment de manière très sentencieuse et qu'il est absolument dénué de tout second degré et de tout humour, hélas.
Les effets spéciaux ne relèvent malheureusement pas le niveau et malgré la simplicité du rendu de la minéralité de la peau des reptiles, il ne parviennent souvent qu'à donner un effet animation 2D qui prouve que le numérique n'est pas forcément un progrès dans la mesure ou l'utilisation des maquettes (façon Sergio Martino), d'animations (Façon Ray Harryhausen) ou de l'incrustation d'animaux réels à l'ancienne, même si elles apparaissent aujourd'hui totalement surannées, gardent en tout cas une vraie force poétique et même esthétique qui fait cruellement défaut à Supercroc.
Ce qui est d'autant plus navrant que Scott Harper a été depuis plus de 15 ans en charge des effets spéciaux d'une trentaine de long métrages dont le nul mais rigolo Des serpents dans l'avion et même sur quelques super productions hollywoodiennes telles que Zathura.
Pour couronner le tout, l'éditeur ne propose le film que dans une VF proprement calamiteuse avec un effet "Télé novela" garanti...
Le film, totalement calibré pour le DTV, à la mise en scène d'une platitude navrante, sans la créativité parfois présente dans ce genre de petites productions indépendantes fait vraiment regretter le bon vieux temps où des Larry Cohen, des Antonio Margheriti, des Ed Wood, des Sergio Martino,des Roger Corman, des Jean Rollin et autres, parvenaient, avec des budgets sans doute bien plus ridicules encore, à offrir au moins des divertissement bourrés de charme, parfois même de vraie œuvres et qu'ils compensaient toujours leur manque d'argent par un vrai sens de la mise en scène, une débrouillardise à user de tous leurs faibles moyens au maximum pour servir au public du vrai spectacle...
Ce qui fut possible autrefois est-il devenu impossible aujourd'hui...?
Sans doute pas, il suffit de regarder des films comme The Roost ou Jack Brooks tueur de monstres pour voir que l'enthousiasme d'un cinéaste peut encore parfois faire des miracles, quelque soit la maigreur du budget...