Retro-Héroïsme Post Vietnam/Watergate
On dit souvent que Spielberg et Lucas ont sonné le glas du Nouvel Hollywood avec Jaws et Star Wars. Mais en réalité, c'est sans doute Superman qui fut la pire catastrophe pour ce splendide mouvement cinématographique. Là où Spielberg et Lucas ont explosé les scores avec des films aux budgets confortables mais pas non plus colossaux, Superman était au milieu des années 70, la Superproduction par excellence avec ses 55 millions de Dollars de budget (contre 8 ou 9 pour Jaws, et 11 pour Star Wars...voyez le Topo). Arrêtons donc blâmer les deux barbus, puisqu'ils ne sont que les derniers cinéastes de cette génération tant chérie, et qu'on ne va pas les blâmer d'avoir fait de leurs films respectifs d'énormes succès populaires.
Pendant que Skywalker et ses copains chassaient le requin de son trône au Box-Office, Richard Donner terminait son Superman, tout en tournant son Superman II. Trois ans de production, 19 mois de tournage (avec une bonne partie de Superman II bien sûr), des techniciens à foison, des artistes, des financiers...Bref, du beau monde pour un beau projet.
Le résultat est là. Ne jugeons pas le film de Donner pour les années qu'il a pu prendre dans la gueule et cantonnons nous à ce qu'il est réellement: Le Première Véritable Adaptation d'Un Comic Book. Et pour ça, Donner a su être intelligent. Plutôt que s'éreinter à transposer le Mythe de l'Homme d'Acier dans les années 70, il a su en extraire la naïveté nostalgique de l'entre deux guerres, tout en rendant crédible l'univers extra-terrestre de Krypton, et surtout en justifiant tout cela par une ouverture en format 1.33:1 pour s'élargir en un splendide Scope. Ainsi le spectateur sait qu'il est dans la nostalgie et non dans le réel et qu'il vient pour un Spectacle et non pour voir un film politique ou social si typique de cette époque.
Richard Donner fait partie de ces entertainers méconnus ou sous-estimés car peut-être trop populaire, malgré certains coups d'éclat comme notre Superman ici présent. Son tour de force est ici, tant artistique que commercial, puisqu'il parvient par une mise en scène maîtrisée à donner vie à un univers fictif. La photographie de Geoffrey Unsworth prouve cette volonté de nous emmener "ailleurs" par son aspect laiteux, la partition de John Williams ajoute à l'aspect épique du film, et le découpage de Donner permet un rythme assez soutenu à un film de 2h30.
Mais loin de se cantonner à la technique, Donner permet à ses acteurs de s'approprier leurs rôles, Christopher Reeve est parfait dans son double rôle, surtout face à Margot Kidder, parfaite dans le rôle de Loïs Lane se retrouvant toujours dans des situations improbables. Ajoutez-y une pléiade de seconds rôles grassement payés pour rameuter les spectateurs par encore familiers à cette époque avec le faciès d'esthète de Reeve. Ainsi Superman a pour pères Marlon Brando et Glenn Ford, il travaille pour Jackie Cooper et lutte contre Gene Hackman, cabotin au possible. La direction d'acteurs de Donner peut paraître peu subtile, mais elle est tout à fait dans le ton à la fois spectaculaire et naïf de son film.
Mais voilà, Superman a aujourd'hui 35 ans, et c'est maintenant son âge et non son rythme qui lui fait défaut. A l'instar des Batman de Tim Burton (que j'aime énormément), le film de Donner a extrêmement mal vieilli. Et pourtant c'est sans doute ce côté désuet qui aujourd'hui charme d'avantage le spectateur, surtout face aux blockbusters actuels. Car si Superman a mal vieilli, surtout par ses effets-spéciaux et son ton décalé bien lointain des récentes réalisations de Christopher Nolan, on ne peut rester de marbre face au travail accompli, ces décors, cette inventivité scénaristique permettant un climax insensé et pourtant si délectable, cette partition envoutante d'héroïsme (qui met à l'amende le moindre travail de Hans Zimmer) ...
Superman est une oeuvre naïve avec laquelle les années n'ont pas été clémentes, que l'on aurait tort de qualifier de propagandiste...c'est un film qui renoue avec l'entertainment d'antan, à l'instar d'un Star Wars, ou même d'un Indiana Jones. Au fond, Richard Donner ne sonne pas le glas du Nouvel Hollywood, il parvient juste à divertir son Amérique plutôt que de lui romancer ses propres démons.