L'appât du gain peut parfois pousser à prendre des décisions complètement stupides.
Ce ne sont que des suppositions. Mais si Superman II était déjà prévu depuis le début au point que Richard Donner doive le tourner en même temps que le premier film, Superman III lui n'avait pas été préparé. Ce qui n'a pas empêché les producteurs de mettre une jolie et bien voyante annonce d'un troisième film dans le générique de fin du deuxième alors même qu'il n'y avait rien de concret à ce moment-là.
L'équipe est coincée, il faut sortir un troisième film pour ne pas perdre la face. Mais les scénaristes ne sont pas dupes, pressentant le piège à chaque sorties, ils quittent le navire au fur et à mesure. Et si David et Leslie Newman ont encore la bonne volonté de rester, eux tout comme l’entièreté du staff ne peuvent lutter contre l'inévitable ras-le-bol de continuer à œuvrer à l'exploitation de l'homme d'acier au cinéma, sentiment qui dégouline à chaque minutes.
Le générique de début ne manquera pas de nous le faire savoir. Comme pour nous prévenir du massacre auquel on va assister, ce Superman III abandonne le traditionnel (et interminable) générique dans l'espace sur fond de musique de John Williams pour une scène accumulant des gags burlesques dans les rues de Metropolis (pour la plupart provoqué par la crétinerie censée être volontaire de Clark Kent).
Tout est dit, ce qui était du spectacle super-héroïque vient d'être troqué contre une mauvaise comédie gaguesque. Direction définitivement confirmée dès qu'apparaît Auguste Gorman incarné par Richard Pryor.
L'idée d'un antagoniste qui n'a rien d'un criminel contraint de se dépêtrer de problèmes financiers en basculant du mauvais côté de la loi est une idée plutôt bonne pouvant mener à des questionnements pertinents sur le rôle de l'homme d'acier qui n'a eu jusque là que des adversaires réellement mauvais. Le spectateur verra cet espoir s'envoler dès les 30 premières secondes de son apparition quand il comprendra qu'il est, à son grand malheur, le comic-relief du film. Pire, le comédien apparaît bien plus que Superman lui-même, éclipsant même le véritable antagoniste incarné par Robert Vaughn.
Et au cas où les spectateurs ne se seraient pas sentis assez insultés après la fin de Superman II, on remplace Loïs Lane (qui n'apparaît que deux scènes) pour une toute nouvelle love interest, Lana Lang qui ne fait que remplir le boulot que sa prédécesseur faisait déjà très bien, servir de soutien moral humain à Superman. Et elle ne réapparaîtra pas dans le quatrième opus, quitte à se faire enculer, autant ajouter la triple-dose.
Toute cette équipe réunit pour finalement pas grand chose, Superman III étant horriblement ennuyeux malgré ses vaines tentatives de rythmer le récit, même Christopher Reeve n'arrive pas à relever le niveau malgré ses efforts. Ce qui faisait le sel du premier film (et osons-le dire du second) était les questionnements que Clark se posait sur sa condition d'être surhumain. Pas de prise de risque malheureusement, Superman III passera son temps à gâcher les quelques bonnes idées qu'il avait par son optique de rester un divertissement familial.
Le thème de l'informatique comme principale menace est une idée absolument géniale dans un contexte d'informatisation émergente, poser les questions du bien ou du mal de l'utilisation de la machine. Mais pas de prise de risque de ce côté-là non-plus, l'ordinateur ne sera traité que comme un outil entre les mains des gros méchants sans jamais aller plus loin en plus d'être difficilement crédible et réductrice.
Dès lors, l'espoir déjà infinitésimal après le générique de début se meurt quand le film enchaînera gags pas drôles sur gags pas drôles sans que l'histoire n'avance.
Superman passe le plus clair de son temps à draguer Lana Lang tandis que les méchants complotent pour de l'argent, à peine peut-on en tirer un divertissement sympathique tant Richard Pryor passe son temps à cabotiner sans rien apporter pour rendre son personnage attachant ou même intéressant, et que dire des autres !
Et inutile de compter sur Richard Lester pour rendre le film plus attrayant, la fatigue du metteur-en-scène se sentait déjà dans Superman II avec le mépris qu'il exprimait dans ses quelques idées ridicules, maintenant il semble se demander ce qu'il fait encore à la réalisation d'un troisième opus après la réception critique désastreuse du deuxième.
Un léger souffle de vie fait son apparition quand on expose l'idée d'une Kryptonite de synthèse capable d'altérer le comportement de l'Homme-d'Acier. Imaginez l'idée, un Superman super-vilain repoussant les limites morales qu'il s'imposait...inutile de rêver. Les "crimes" que ce Superman altéré commettra ne dépasseront pas le seuil de méchanceté incroyable que constitue les gags à peine digne de Denis la Malice (La Tour de Pise est mise à l'endroit, mais quel monstre ! Que vont penser les enfants ?).
Toute cette séquence ne servira d'ailleurs à rien du tout, pas de conséquence, pas de remise en question, juste du remplissage. De plus, la transition est bâclée, Superman passant du boy-scout qu'on connaît tous au super-vilain malveillant en l'espace d'une scène.
Entre deux bouffonneries burlesques de Richard Pryor, nous pourront assister à des scènes à la limite de l'insulte telle que Superman se tapant une bimbo à la solde des méchants (ARGH ! Mais qui a eu cette idée ?!) ainsi que des moments dignes d'une mauvaise parodie de super-héros (Superman en train de se saouler dans un bar, mon enfance est détruite...).
Finissons-en. Après une plutôt bonne scène où Clark Kent combat sa part d'ombre représentée par Superman (symbolique simple mais efficace), on pourra assister à un combat final digne d'une série B où la situation ne sera sauvée que grâce au retournement moral illogique de Richard Pryor, car c'est clair qu'en fait c'est lui le héros du film.
Les gentils ont gagnés, les méchants ont perdu, Superman répare les dégâts qu'il a causé sans que personne ne se pose de question (personne ne s'en pose depuis le début du film d'ailleurs) et tout est bien qui finit bien.
Que dire, c'était non-seulement lassant mais surtout insultant. On peut accepter un ton plus familial que les deux précédents mais pas si ça nécessite une telle avalanche d'insultes. On peut accepter des gags mais pas si l'histoire passe son temps à nous prendre pour des teubés. On peut accepter un film Superman mais pas quand toute ses idées sont traitées avec si peu d'intelligence.
Les mecs se sont abstenu de teaser un quatrième film dans le générique de fin cette fois, mais ça ne les empêchera pas de toucher le fond du trou avec le quatrième...