J'ai tellement été marqué par le nouveau Paul Schrader qu'il me faut en dire un mot ici. First Reformed est le journal intime d'un prêtre (Ethan Hawke, superbe de retenue), que nous suivons pendant un an. Un an durant lequel il est soumis à de nombreux doute, et face à ses démons les plus obscurs. Ses troubles commencent lorsqu'il est abordé par une jeune paroissienne enceinte (Amanda Seyfried, toujours parfaite) qui lui demande d'aller rencontrer son mari, dépressif, qui souhaite la "mort de son enfant". Ce jeune homme est un écolo engagé, attristé par l'état du monde, monde qu'il ne veut pas offrir à son futur enfant. La prise de conscience écologique est l'un des centres névralgiques du film. Un film d'ailleurs en parfaite osmose avec son temps, un véritable témoin de l'état du monde. Les deux hommes doivent se revoir lors d'un rendez-vous fixé par le militant écolo. Arrivé sur les lieux, le prêtre se trouve nez à nez avec son cadavre : le jeune homme vient de se tirer une balle dans la tête, en pleine forêt enneigée. Aidant sa veuve à trier ses affaires, le prêtre Toller découvre un gilet terroriste remplit d'explosifs. Ce militant, qu'on croyait pacifiste, était donc, à la surprise de tous, prêts à passer aux actes. Cette découverte sera le point de basculement chez Toller, dont la foi va s'ébranler, et le personnage va littéralement s'écrouler, notamment en découvrant que son église finance une entreprise qui fait partie des plus gros pollueurs de la planète, avant une rédemption finale tellement surprenante et scotchante que je ne peux pas poursuivre sans risquer d'en dévoiler trop, donc je préfère vous laisser avec ça. Disons que le film évoque parfois Taxi Driver (normal, c'est le même auteur), mais est surtout un film de remise en question de la foi, et un travail d'une intelligence remarquable sur la question du mysticisme, évoquant aussi bien le Nostalghia de Tarkovski que les grands moments de l'oeuvre de Reygadas. Schrader choisit de filmer en 4/3, avec une image très froide, presque métallique, l'ensemble donnant au film un écrin qui semble enfermer les personnages dans un cerceuil d'argent d'où ils parviennent in fine à sortir. A ce propos, la scène mystique entre Hawke et Seyfried est l'un des trucs les plus beaux et les plus hallucinants vus cette année. C'est surtout le grand retour de Paul Schrader aux affaires sérieuses (et qu'on ne me parle pas du foireux The Canyons qui avait pourtant eu bonne presse partout, on se demande encore pourquoi), qui signe ici l'un de ses tout meilleurs films. Je rêve de revoir ce film au cinéma puisque, misère de nos temps, il n'est pas sorti en France, et l'on se demande toujours pourquoi...