Sweet Charity est une double adaptation, à la fois du chef-d’œuvre de Federico Fellini Le Notti di Cabiria (1957) et de la transposition de ce dernier par Broadway en spectacle musical : en résulte une ode à la vie qui troque le noir et blanc original pour une profusion de couleurs vives, à l’instar des robes jaunes, rouges et bleues portées respectivement par trois danseuses engagées dans une chorégraphie sur le toit du cabaret – séquence dont se rappellera Damien Chazelle lors de la conception de La La Land (2016) –, de l’irruption de Charity et d’Oscar dans un parking reconverti en ballroom mi hippie mi mystique où circulent des véhicules bariolés de motifs floraux multicolores, de la marche de l’orchestre tout vêtu de rouge. Mais de cette saturation visuelle, expansée par le rythme alerte et par les mouvements élégants de la caméra, naissent une profonde et sincère désolation intérieure, un sentiment de désespoir que les événements ravivent malgré l’énergie déployée par ladite Charity – démarche similaire à celle d’un Baz Luhrmann sur Gatsby (2013). La réalisation multiplie les idées singulières, à l’instar des transitions entre les plans initiaux effectuées par zooms et flous, ne se refusant aucune liberté : si certaines scènes rallongent inutilement le film, en particulier celle de l’ascenseur qui exagère son burlesque, Sweet Charity s’affirme comme l’une des meilleures comédies musicales du cinéma et comme l’une des meilleures adaptations par l’Oncle Sam d’œuvres européennes. Preuve supplémentaire du talent immense de Bob Fosse, à la fois cinéaste et chorégraphe. À découvrir !