Le Garçon aux cheveux verts VS. Monsieur 100.000 volts
Première partie de la désormais fameuse trilogie de la vengeance du cinéaste coréen Park Chan-wook (trilogie qui peut se voir dans n'importe quel ordre), Sympathy for Mr Vengeance souffre un peu de la célébrité de sa "suite" Old Boy. Très différent du deuxième opus, ce film est quand même une fort belle réussite.
Ryu est sourd muet. Il veut aider sa sœur malade en lui donnant un de ses reins, mais ils ne sont pas compatibles. Alors il va répondre à l'annonce de trafiquants d'organes, à qui il va donner toutes ses économies.
Je ne vais pas en dire plus, mais il faut savoir que la seconde moitié du film va surtout opposer Ryu à son ancien patron, Monsieur Park.
Il ne faut pas forcément se fier au titre : la vengeance elle-même n'occupe qu'assez peu de place dans le film. Et surtout, il ne faut pas chercher un film de vengeance comme on peut en trouver aux USA. Park Chan-wook fait exploser le genre en le privant d'un élément primordial : le manichéisme. Ici, il est impossible de vraiment déterminer qui est le méchant, et il n'y a manifestement pas de héros. Chaque personnage est complexe et passe alternativement par le rôle de victime et de tueur. On ne peut sympathiser avec aucun, mais on ne déteste aucun non plus. Et si l'un peut paraître, lors d'une scène, être le pire des salauds, la scène suivante change complètement notre point de vue.
Loin de profiter d'une histoire de vengeance pour faire un film d'action explosif à la gloire de l'auto-justice, Park montre ici la violence crue (et sanglante) et l'absurdité de la vengeance. Alors qu'il se passe assez peu de choses pendant une bonne partie du film, le final se peuple d'une multiplicité de cadavres en une sorte de concurrence ridicule. Jusqu'au final...
Le film adopte un rythme lent, l'action met beaucoup de temps à se mettre en place, mais ce temps n'est pas inutile et le film n'est pas ennuyeux, loin de là. D'autant plus qu'on ne peut pas laisser de côté un aspect politique : la Corée qui nous est montrée ici est loin du pays glorieux à la réussite sociale exemplaire. C'est une Corée des paumés et des laissés-pour-compte, une Corée de l'injustice sociale (mais aussi l'injustice médicale). Un sourd-muet, une malade, un débile que l'on croise deux fois dans le film, des bidonvilles, des patrons tout-puissants et vivants dans leur villa comme une forteresse, etc. Ce qui explique les discours révolutionnaires de la chérie de Ryu, engagée auprès des mouvements anarchistes. Et il ne faut pas exclure un versant politique au projet de Ryu lui-même. Comme si, à la vengeance personnelle, se mêlait aussi une vengeance sociale.
La réalisation est très belle mais sans tomber dans les défauts que l'on trouve parfois chez le cinéaste : pas d'images sur-chargées, pas d'esthétisme indigeste. Ce n'est pas sobre non plus (on y trouve beaucoup de rouge, par exemple), mais c'est plus mesuré que dans Thirst par exemple.
L'interprétation est excellente, et c'est toujours avec plaisir que je retrouve Song Kang-ho, l'acteur que j'avais adoré dans Memories of murder ou The Host.