7,5/10
Combien on reconnaît dans ce modeste film tout le génie de Murnau, qui de l’intrigue la plus simple, de l’idée la plus artificielle (mais néanmoins bonne, avec son côté méta, caractérisé par un dédoublement fictif des personnages et une vaste mise en abyme allant jusqu’à la double-mise en abyme pendant la fameuse scène d‘Orgon dissimulé), fait quelque chose de brillant! Le scénario en est presque maladroit : pour faire comprendre à son grand-père que sa domestique ne le sert que dans le but hypocrite de capter son héritage, un acteur leur fait représenter à tous deux un film représentant une version synthétique du Tartuffe de Molière, simplement impeccable, où Emil Jannings, l’extraordinaire interprète du Professor Unrat (L’ange Bleu) tient parfaitement le rôle de notre parangon d’hypocrisie national. La réussite de ce film tient non seulement dans son esprit synthétique - une heure à peine - mais aussi dans son visuel superbe, l’intelligence de la caméra répondant à la belle sobriété de la mise en scène et à l’excellent jeu d’inspiration expressionniste des acteurs. On reste bien sûr dans l’explicite qui caractérise assez tout le cinéma de cette période, qu’il soit celui d’Eisenstein ou de Murnau, mais un explicite qui sait rester assez bien rendu pour ne jamais sonner faux, et même sonner assez juste, assez agréablement, qu’il s’agisse des symboles (chaussures, nourriture, lettre, etc.) ou de jeu (puissance des regards, démarches, expressions faciales, etc.) On ne pourra guère regretter que les fins, d’un artifice tout à fait excessif, quoiqu’on puisse fort bien l’interpréter assez dignement comme l’impossibilité pour le mal de se contenir dans sa fausseté - et quoique le mot final, s‘adressant au spectateur, remet bien l‘accent par la moralité sur le lien entre la « fictivité » de du film, aussi imaginaire dans sa première histoire que dans sa deuxième, et la réalité de celui qui le regarde. Vraiment un petit bijou, qui n’a certes pas l’énergie de Nosferatu, la douceur trouble de l’Aurore ou la puissance de Tabu, mais qui reste assez paradigmatique d’une perfection du cinéma allemand de ce temps.